Biographie

Polvo

Polvo est le petit frère oublié des années 90, qui n'en fut pas moins un membre actif de la scène indie rock / noise aux Etats-Unis (dans l'ombre de formations comme Sonic Youth ou Pavement) et un des fondateurs de ce qu'on appelle désormais le math-rock.
Formé en 1990, le quartet américain poursuit son petit bonhomme de chemin entre 7" et EP's aux critiques favorables avant de bouger à Chicago et de signer sur le label Touch & Go (qui a également signé, parmi une longue liste: Slint, Don Caballero, Yeah Yeah Yeahs, TV on The Radio ou encore The Jesus Lizard) en 1996. La maison de disques sort le premier album du groupe, Exploded Drawing, qui mêle aux distorsions crasseuses et aux rythmiques envolées des sonorités asiatiques. Alors que le combo comment à gagner en notoriété, les membres se séparent en 1997, juste après avoir sorti Shapes.

11 ans plus tard, Polvo se reforme pour un show au festival All Tomorrow's Parties. Dans la foulée, le groupe rejoue ensemble et sort en 2009 un nouvel album, In Prism, qui reprend les choses là où elles s'étaient arrêtées avant le hiatus.

Chronique

In Prism ( 2009 )

Après 12 ans d'absence, Polvo se dégèle et contemple une scène qu'ils avaient délaissé alors en plein succès. La tableau est flatteur: 2009 est sans doute l'année la plus stylée 90's de la décennie. Dinosaur Jr s'est reformé et, depuis, semble sortir leur meilleurs albums. Sonic Youth a adouci ses mélodies mais continue de faire mouche, The Eternal étant sans doute leur sortie la plus inspirée depuis un bout de temps. Last but not least, Pavement a annoncé sa reformation. Cette touche de nostalgie, qui nous ramène une bonne quinzaine d'années en arrière, où l'on pouvait savoir à peine jouer et tout de même faire des tubes rien qu'avec une disto crasseuse et une désinvolture feinte, tombe à point nommé pour accueillir In Prism et (re)découvrir Polvo.

A vrai dire, le combo a mené un travail de fond, au milieu des années 90 en s'acoquinant avec Touch&Go et la scène nord-est américaine. Une influence sous-jacente qui a touché pas mal de groupes au début du siècle et que le groupe se réapproprie avec une certaine euphorie sur In Prism. A la manière d'un Yo La Tengo, Polvo c'était avant-tout le mélange des genres. A l'indie rock distordu qui allait bien à cette époque, venaient s'ajouter des sonorités orientales et une manière de jouer sur les rythmes qui évoquent désormais les début du math-rock en tant que genre propre. Et si, de Chicago, Slint s'est déjà fait son nom, c'est maintenant au tour de Polvo de se montrer. Car, loin de s'éloigner de ce qui faisait la recette du groupe, In Prism reprend là où le groupe s'était arrêté et confirme efficacement son potentiel.
Entre mélodies légères et basse ronde ("City Birds"), entre rythmiques nerveuses ("The Pedlar") et expérimentations plus éthérées (la superbe "Lucia" et son break en montée à mélodie claire sur fond de percussions), les  compositions empruntent mille détours, ne cédant jamais à la facilité. Les morceaux progressent et prennent le temps de se densifier pour, au final, fournir une matière dynamique à l'intérêt toujours renouvelé.

En réservant peu d'égards au cadre de ses morceaux (qui durent le temps qu'ils doivent, ni plus ni moins) au profit d'un attachement plus minutieux à leur construction, Polvo façonne toujours ses morceaux de manière à ce qu'une mélodie soit mise en valeur par les riffs environnants. De la légèreté de certains airs- "Dream Residue/Work"- surgira alors une chappe de notes distordues qui viendra appuyer les couplets. Cette manière d'agir, très libre, donne de petits bijoux comme le stylé "Beggar's Bowl" au rythme syncopé à la "Another One Bites The Dust" (qui met en valeur le travail rythmique de Brian Quast) et à l'ébouriffant solo à mi-parcours ou encore "Lucia", ballade sensible de 8 minutes qui prend son envol sur son pont, en guise de point d'orgue d'un In Prism cohérent de bout en bout.

En 40 minutes, Polvo arrive, assez étonnament, à gommer 12 ans de hiatus et à se rappeler à la mémoire collective. Dire qu'on n'attendait pas un album aussi énergique et abouti est un euphémisme. Loin de sonner suranné, il remet à la mode un groupe et un état d'esprit inventif qui est la parfaite assimilation de ce qui se faisait de mieux dans les années 90. Et qui lui ouvre la porte des années 2000 par la même occasion.

A écouter : Beggar's Bowl - Lucia - D.C Trails