Biographie

Talk Talk

Quatuor anglais (trois membres + un membre non officiel) mondialement connu pour ses deux tubes qui auront marqué l’année 1984, Talk Talk aura en fait eu un temps d’activité s’étalant de 1981 à 1991 avec à la clef cinq albums studio et un live posthume. Un premier temps affilié à la vague New Wave, Talk Talk ne cessera cependant d’évoluer au cours de sa carrière. Emmené par Mark David Hollis, frontman de génie, les londoniens débuteront en effet en 1982 avec  The Party’s Over où ils délivrent une New Wave dans les standards de l’époque. Le single Talk talk leur permettra d’ailleurs de se faire remarquer.
Des le second album Hollis laisse percevoir son coté Pop classieux et son goût prononcé pour les arrangements fouillés. Malgré son apparente facilité It’s my life - depuis repris par No Doubt - illustrera parfaitement ce point. Cet album verra aussi le groupe exposer les prémices d’un nouveau virage sur quelques titres beaucoup plus sombres mais qui rencontreront cependant aussi un réel succès (comme Such a shame, deuxième tube planétaire). La période 1984-1986 sera celle de tous les succès pour le groupe. The Colour Of Spring qui sort en 1986 devient même leur plus gros succès en dépit d’un éloignement désormais total des racines New Wave qui les auront fait connaître.

Ce sera paradoxalement le début de la fin commercialement parlant pour la bande à Hollis. EMI, leur maison de disque, incapable de se mettre en phase avec les aspirations du groupe investit massivement pour leur permettre l’enregistrement rapide d’un nouvel album en espérant profiter du succès du moment présent. Tout ce qu’elle aura en retour sera Spirit Of Eden, œuvre complexe et incomprise sortie en 1988, lorgnant ouvertement vers un rock expérimental, ambiant et un tantinet jazzy fait de structures et d’arrangements complexes complètement inadaptés à l’exercice du live. Talk Talk n’a d’ailleurs plus jamais donné le moindre concert après 1986.

Jugé commercialement indéfendable, l’album sera l’objet de litiges entre le groupe et EMI du stade de la composition jusqu’à sa parution (EMI décidant malgré tout de conserver les londoniens dans son catalogue). Le groupe sera finalement viré de la maison de disques, victime de son opiniâtreté et d’avoir été trop en avance sur son temps. Cela n’empêchera pas EMI de se renflouer avec la parution d’un best of en 1990, alors que pendant ce temps Talk Talk allait livrer un ultime album (Laughing Stock) poussant jusqu’au bout les expérimentations initiées par Hollis et Tim Friese-Greene (le fameux membre « non officiel ») sur Spirit Of Eden. Talk Talk ne se sera jamais vraiment remis de sa mésaventure avec EMI et finira par cesser d'exister en tant que groupe. En 1991 Talk Talk n’est plus.
Mark Hollis reviendra en solo en 1998 avec un album surtout salué par la critique. Paul Webb (basse) et Lee Harris (batterie) formeront .O.rang, Tim Friese-Greene composera sous le pseudonyme Heligoland. Par ailleurs, la discographie du groupe fait aujourd’hui encore l’objet de multiples compilations et best of maintes fois réédités.

Talk Talk : un des groupes les plus mésestimé de sa génération et souvent injustement réduit à sa glorieuse période Pop / New Wave. Rétrospectivement, leur carrière laissera à beaucoup l’impression d’un immense gâchis. Surtout lorsque l’on sait maintenant qu’ils partagent probablement avec Savage Republic le privilège des premiers frémissements du early Post Rock.

Chronique

18 / 20
2 commentaires (19/20).
logo amazon

Spirit Of Eden ( 1988 )

Spirit Of Eden : chronique d’un suicide annoncé. Malgré un succès fulgurant et unanime, Talk Talk n’est déjà plus lui-même depuis longtemps en 1988. Mais le groupe le fut-il un jour? Ses pièces les plus intéressantes furent toujours jusqu’alors celles qui restèrent dans l’anonymat des trois premiers albums des britanniques. Entendons bien par là qu’elles ne furent pas ou peu radiodiffusées. Tout simplement. Les masses populaires, les radios et les maisons de disques ont-elles un jour vraiment compris ce groupe? Ce même groupe qui, en 1982, lors d’un concert d’ouverture pour Genesis allait finir sous les huées et les projectiles de fans de prog’ las d’attendre la bande à Gabriel alors qu’après avoir enchaîné leur répertoire New Wave de l’époque, Hollis annonce une reprise de… Pink Floyd.

Six ans plus tard il ne reste plus rien de cette époque. Les musiciens mêmes, ne sont plus tous ceux du début : Tim Friese-Greene prend une part toujours plus importante dans la composition des morceaux d’un groupe dont il sera pourtant à jamais un membre non officiel. Changement unique mais déterminant. Le groupe a dynamité les charts et s’est taillé la part du lion dans le paysage musical mondial à la force de ses mélodies - et de son talent. Tant et si bien qu’EMI n’est pas loin de dérouler le tapis  rouge à Mark Hollis et ses acolytes.
Mark Hollis, justement, est peut être la seule constante notable en fin de compte. Sa voix et ses idées, voilà ce que, toujours, nous retrouverons chez ce groupe. Talk Talk est sa création et le groupe respire au rythme de ses choix, inspirations et compromis.

Spirit Of Eden ou la rupture  brutale. Constante, l’évolution a toujours été le maître mot du groupe, comme si son leader cherchait encore après autre chose, malgré le succès. Le chemin parcouru entre 1982 et 1986 est déjà grand, cependant cette maturation rapide n’est rien en comparaison du fossé que va creuser Spirit of Eden avec la première partie de la discographie de Talk Talk. Avec son époque même.
Sur Spirit Of Eden, plus rien n’est pop. Du format des chansons, à la musique. Epuré à l’extrême, cristallin, Spirit Of Eden est hors du temps, hors de toute époque. La moindre note prend dès lors une dimension immense. Précieux et délicat, étudié mais évident, se reposant sur une section rythmique discrète assimilable aux battements d’un coeur, l’album s’envole loin des carcans, loin de là où tout le monde l’attendait, loin de tout. Libre, Mark Hollis, plus que jamais, arracherait des larmes à n’importe qui par son chant fragile et maniéré. Lui et Talk Talk semblent vivre pleinement pour la première fois et, parallèlement, laissent cette impression de nous dire adieu, comme conscients d’être allés trop loin, d’être allé au-delà du Rock, heureux et tristes à la fois. Mélancolie et impression d’accomplissement.
Indescriptible Spirit of Eden.

La suite est connue... EMI ne leur pardonnera jamais cette « trahison » et le public boudera cet étrange album, comme le suivant. En 1988, Talk Talk vit déjà ses dernières heures. En 1988 Talk Talk nous montrera peut être pour la première fois l’après-rock, le « post-rock », littéralement. Et comme tout pionnier, trop en avance sur son temps, restera alors incompris. Mais, consolons nous… la musique, elle, en ressortira grandie.

A écouter : Pour comprendre