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Roadburn 2014 - Jour #1 Tilburg, Pays-Bas
Roadburn 19e édition. Un rendez-vous européen qu'il convient de ne plus présenter, un incontournable pour l'amateur des musiques obscures en tous genres. Cette année, comme d'habitude pourrait-on dire, la programmation s'est faite lourde de qualité. Outre les têtes connues déjà croisées les années précédentes (Yob, Bong, Scott Kelly...), cette 19e édition est placée, le samedi, sous le haut patronage d'Opeth. Une touche Prog bienvenue, qui témoigne aussi de la diversité des artistes à l'affiche cette année.
Jour #1 On se retrouve, pour la 6e année consécutive, à arpenter les rues de Tilburg et les salles du complexe 013. La Veemarktstraat se transforme pour l'occasion en mini-village avec ses allées de food trucks et de stands de merch. Sur les murs, comme habillage en maxi format, des photos des précédentes éditions. Pour quelques jours, la ville et les commerçants vivent au gré des festivaliers, affichant les couleurs du festival dès la sortie de la gare.
Dans les allées, c'est un public d'habitués qui se presse aux portes. On reconnaît des visages familiers, quelques barbes en plus ou en moins, la foule sait d'ores et déjà où elle se dirige, le programme soigneusement stabyloté. On est paré.
Une fois n'est pas coutume, ce sont des Français qui nous introduiront à cette 19e édition. D'une belle manière, les gars de Regarde Les Hommes Tomber posent les marques. Leur Black/Sludge retentit dans la Green Room (350 places, la 3e salle en termes de capacité pour le fest). Effets de lourdeur immédiat dans les différents breaks et pilonnage en règle sur les passages les plus Wolves In The Throne Room like. Sur des titres comme "Wanderers of Eternity" ou "The Fall", calibrés pour la scène, les Nantais font mouche, sueur au front et rage au ventre. Premier concert, premier gros coup. Et que dire de Hull - jouant quelques minutes plus tôt – qui réussira facilement à charmer une partie de l'équipe, qui n'arrivera d'ailleurs pas à passer son chemin, tant ce Sludge/Doom à la puissance terrifiante vous colle à la peau. Les titres sauvages s'enchaînent et ne se ressemblent pas, et les Américains transforment une toute petite salle en un véritable bourbier sonore. Première bière, premier concert, premier coup de cœur.
Difficile alors d'assurer la transition avec Beastmilk, qui à quelques pas à peine, déploie ses efforts sur la Main Stage (la plus grande scène avec 2 200 places). Sorti en fin d'année dernière, Climax, le premier album des Finlandais avait mérité quelques écoutes attentives sur la route du festival. En déroulant une pâte 80's - pensez Joy Division, The Cure, Sisters Of Mercy et en la garnissant d'influences plus actuelles - Interpol, Iceage, le groupe a su mettre en appétit sur disque par son efficacité et son apparente simplicité d'exécution. Las, l'expérience live tourne court. Le trio lutte pour habiller une scène trop grande pour lui, visiblement peu rôdé à l'exercice et peu aidé par un son plat. Rendez-vous est pris pour sa date au Glazart de Paris quelques semaines plus tard pour le rattrapage.
J'ai toujours trouvé fascinant de faire jouer des groupes de Doom dans une chapelle. La Het Patronaat (860 places) se prête remarquablement bien à l'exercice. Dans les éditions précédentes, que ce soit pour porter la voix grave et sombre de Michael Gira (en acoustique et en solo) ou pour voir ses murs trembler sous les assauts de Bongripper - déchaîné et magnifiquement mis en lumière au cœur de la nuit. On inaugure la salle cette année avec les coups de boutoir de Samothrace. DooM, DoOM, DOOM. 40 minutes d'hypnose progressives et percutantes. Le trio originaire du Kansas étaie son credo sans trembler, lentement mais pertinemment - bien aidé par une rythmique costaude. On décollera difficilement à la fin de leur set, tout sonné que l'on a pu être par les éruptions du groupe.
Pour beaucoup l'ovni de cette mouture 2014 du Roadburn, le combo anglais de Grind/Death Napalm Death débarque sur la main stage en cet après midi avec un set spécialement composé pour l'événement. L'occasion de découvrir une nouvelle facette musicale de ces vétérans de la scène. Curieuse et impatiente de retrouver le groupe, la plupart d'entre nous sera plutôt déçu, faute à un set qui aura du mal à convaincre, habitués que nous sommes à s'en prendre plein la tronche. Le set démarre, le tempo est plus lent qu'à l'accoutumée, et même si la mise en scène sur grand écran, psychédélique est très bien ficelée et donne à l'ensemble une aura toute particulière, même si l'intention de caler leur répertoire sur des sonorités rythmiques plus Sludge que Grind surprend parfois (dans le bon sens du terme), on sent bien que le groupe n'est pas tout à fait à l'aise. De l'aveu du frontman, ça leur fait tout bizarre de jouer si lentement. Dommage.
C'est avec la résonance de la BAR de Godflesh (jouant Streetcleaner en intégralité en 2011) que l'on prend place pour assister au concert de Corrections House. La blague veut que Scott Kelly (Neurosis) forme ou rejoigne un nouveau projet pour être présent chaque année au Roadburn. La même vaut pour Mike Scheidt régulièrement affiché au festival avec Yob. Corrections House est donc la dernière émanation du mec qui joue aussi dans Shrinebuilder ou Blood And Time. Un supergroupe qui compte également d'autres habitués dans ses rangs : Mike IX Williams (Eyehategod), Bruce Lamont (Yakuza) et Sanford Parker (Minsk). On ajoutera que Last City Zero s'était révélé froid et calculateur comme il se doit pour tout groupe marqué industriel et voilà pour les présentations formelles. On avait été bien chauffé par le report du collègue lors de leur passage à La Flèche d'Or parisienne en décembre dernier. On est vite refroidi par l'absence d'âme et le peu de corps donné au disque sur scène. Chacun des quatre larrons joue son rôle, prêtant peu attention aux autres, encore moins à la salle. Le saxophone est inaudible, les riffs de Kelly tournent à vide - très loin de l'effet ressenti au casque par exemple. Corrections House enchaîne ses morceaux et Mike IX Williams ses incantations de la manière la moins convaincante qu'il soit. Vite, courons trouver une place pour ASG dans la salle d'à-côté.
Comme un pied-de-nez, le set des Américains offre ce supplément d'âme et cette banane qu'il manquait jusqu’ici. Clairement, le groupe est heureux d'être là et de jouer devant un public prêt à en découdre. Leur Stoner est redoutable d'efficacité sur scène, headbangs à l'appui. Convoquons Torche, Karma to Burn et Mastodon pour appuyer le propos et vous aurez une idée de l'énergie qui peut se dégager de leur set. Ça virevolte avec un petit feeling Punk Rock, ça enchaine les riffs et c'est frais comme un gardon. Ça, et une bière fraîche : on en demande pas plus à 22h pour la dernière partie de la journée.
ASG ou Conan, il fallait choisir. Stoner burné ou Doom marécageux; certains, à cette heure-ci, en ont profité pour aller faire un tour sur la Het Patronaat, dans le Saint des Saints, pour une heure de méditation contemplative. Celle qui purifie les âmes, celle aussi qui détruit les oreilles des impies... L'occasion d'assister à un des concerts les plus éprouvants de cette mouture 2014. Une fois rentrés dans la chapelle, en bon pèlerins baptisés à la bière que nous sommes, nous attendons pieusement l'entrée en scène du trio américain. Visages encapuchonnés, Conan ne tarde pas à sonner le glas de la bienséance pour cette journée. Avec leur Doom incroyablement puissant, les impies non protégés par les saintes boule quiès tombent un à un comme des mouches, les autres, avertis, sont complètement collés au plancher, en transe, abasourdis et hypnotisés par quelque chose que l'on peut difficilement décrire. Ça joue fort, très fort, le genre de prestation religieuse qui soigne Parkinson en quelques secondes, et qui laisse dans chacune de vos cellules, marquées à vie, un souvenir que le temps n'altérera jamais. Encore un moment fort de la journée. Il y a un avant et un après Conan. Qu'on se le dise !
Sur la Main Stage, Crowbar fait du Crowbar à savoir du Southern Rock de routier sans finesse; on apprécie - ou pas - en fonction de la taille ses biceps. De notre côté, on préfèrera se placer pour Anciients, dont le Heart of Oak nous avait fortement enthousiasmés. Sur scène, le groupe surnage comme un poisson dans l'eau. Les riffs à la Mastodon s'enchaînent, les breaks bien sentis dégagent une fougue bienvenue. Anciients, c'est un feeling progressif au service de l'éclate. Chaque titre est suffisamment dense pour en prendre plein la tête avec envie d'y retourner. On se rappelle la bonne époque de Baroness également (#troll). Certainement, un des hauts lieux de la journée.
Après ce set, le tempo va considérablement se ralentir. Si Bong hypnotise sa foule dans la grande salle, on terminera de notre côté sur quelques morceaux de Graves At Sea à la chapelle. Groupe à la trajectoire chaotique (un album en 2004, un split avec Asunder en 2005 et une séparation en 2008), le trio revient un avec un EP 2 titres en avril. Rien de bien original, mais pour qui aime Indian et sa voix blackisée, Graves At Sea fera parfaitement l'affaire ce soir. Ça joue fort, c'est crade, les guitares emportent tout au-delà du martèlement de la batterie. Une conclusion pour un premier jour digne du Roadburn.
Merci à lelag, Bacteries, Picks, Craipo et älva, collègues roadburners, et à Julien, re-Julien et Matthieu.
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