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Hangman's Chair/Crown/Corrections House La Flèche d'Or
Joli plateau en perspective à la Flèche d’Or ce mardi 10 décembre : Hangman’s Chair et Crown, deux groupes français à la réputation grandissante et en guise de cerise sur gâteau Corrections House, le Supergroupe regroupant Scott Kelly de Neurosis, Mike IX Williams d’Eyehategod, Sanford Parker de Nachtmystium et Bruce Lamont de Yakuza dont on vous a chroniqué l’album il y a peu.
C’est vers 20 heures que Hangman’s Chair prend les rennes d’une soirée placée sous le signe des grosses guitares qui tâchent et du tabassage en règle. La salle n’est pas franchement remplie et peinera à le devenir tout le long de la soirée. La disposition de la scène est intéressante, trois panneaux triangulaires dominent le plateau et servent d’appuis aux images diffusées. Les images justement, particulièrement lugubres et violentes, correspondent bien au nom du groupe : on y aperçoit tour à tour des images d’hommes pendus, de crucifixions, de femmes dévêtues égorgées ou de prisonniers prenant la traditionnelle pose de profil. La facilité des clichés nous amènerait à imaginer la mise en lumière parfaite pour un groupe de Black Metal, il en est cependant tout autre. Hangman’s Chair est un groupe de Stoner/Doom avec un fort penchant pour le rock sudiste. Difficile pendant le concert de ne pas penser aux lamentation écorchées du Down de Phil Anselmo. La voix de Cedric Toufouti fait également penser à une version plus énervée d’Alice In Chains version William DuVall. Pendant quarante minutes, le groupe délivre une prestation très carrée : les musiciens sont aussi excellents que le chanteur qui assure sans fausse note, pas grand chose à redire techniquement. Sentiment mitigé en revanche pour ce qui est de la musique qui pour moi peine par manque d’originalité, ce qui a confirmé mon ressenti à l’écoute de leurs albums. C’est loin d’être mauvais, c’est bien fait, bien produit, mais ça n’attise pas ma curiosité outre mesure. Le public semble lui avoir passé un bon moment et applaudi chaleureusement le groupe à sa sortie de scène.
Après des balances assez longues, c’est aux alentour de 21h15 que Crown prend la relève. Duo français de Metal industriel lorgnant assez fortement vers le Sludge, le groupe incorpore un troisième membre sur scène. Il s’agit toutefois d’une boite à rythme qui prendra le soin de battre le tempo. Cela n’altèrera aucunement la puissance du groupe qui va au contraire s’abattre sur la foule de la Flèche d’Or, légèrement plus conséquente que pour le concert d’Hangman’s Chair. Même en sachant à quoi m’attendre puisque j’ai plutôt apprécié Psychurgy, leur dernier album sorti en 2013, le groupe est parvenu à me cueillir avec une facilité déconcertante. Il faut dire que la mise en condition était plutôt bonne : les fumigènes, discrets mais bien présents font leur office, mais aussi et surtout l’éclairage, particulièrement soigné et varié. Très souvent tamisée voire feutrée, la lumière fait preuve d’une délicatesse antinomique de la violence qu’elle enrobe. Le bleu laisse place au rouge qui laisse place au blanc : chaque morceau est habilement habillé. Pour ce qui est de la musique, les trois comparses vont pendant quarante minutes délivrer une prestation excellente, d’une lourdeur terrifiante. Dans la lignée de groupes comme Godflesh, Necro Deathmort ou Killing Joke, la boite à rythme assène avec classe et entrain des beats industriels dont la linéarité accentue l’aspect monolithique du concert. Le son est excellent et la musique abrasive à souhait. La variété du chant est également à noter, entre les hurlements s’entremêlent des chants incantatoires très bien sentis qui viennent quelque peu donner une dimension épique à la musique de Crown. Le concert se termine quarante minutes plus tard, avec la sensation de s’être pris un parpaing sur la tronche. Un très bon moment.
Dernier groupe et non des moindres, Corrections House foule la scène de la Flèche d’Or qui s’est remplie sans être complète pour le groupe vedette. Les membres font leur entrée en scène et première chose marquante : ils sont tous vêtus de la même manière. Tel un gang venu en découdre, ils arborent fièrement leurs tenues noires avec le logo du groupe, comme pour signifier que oui, il s’agit d’un supergroupe mais que non, il ne faut pas le prendre à la légère. Une jolie manière de souligner leur appartenance à un projet plutôt qu’à une compilation de stars. Ce qui frappe avec Corrections House, c’est donc cette théâtralité exacerbée. Mike IX Williams brandit régulièrement un livre en forme de bible affichant le logo du groupe. A l’intérieur, on y distingue les différents psaumes tirés de son livre « Cancer as a social activity : affirmations of world’s end » : tout un programme. Le charisme dégagé par les quatre gaillards est absolument incroyable. Alignés sur le devant de la scène, Scott Kelly, Mike IX Williams et Bruce Lamont hurlent tantôt tour à tour, tantôt tous ensemble, ajoutant à la symphonie destructrice prenant place sous nos yeux. La puissance dégagée par le quatuor est absolument jouissive. Bruce Lamont, intenable, apporte au concert une dimension passionnelle. Accompagné de son saxophone, le leader de Yakuza headbang comme je l’ai rarement vu, et donne de sa personne dans des parties en chant clair magnifiquement exécutées. Drapes Hung by Jesus, le dernier morceau de l’album sert d’introduction au concert. Première constatation : le son de guitare ne met plait pas du tout. Très loin de l’excellente production studio qui lui octroie une place de choix, la guitare est ici en retrait, et surtout très loin de sa puissance originelle. Il s’agit toutefois de la seule ombre au tableau puisqu’une heure durant Corrections House va parvenir à recréer l’ambiance post-apocalyptique de l’album. Autre moment marquant, la première intervention de Scott Kelly, délivrant ses hurlements glaciaux des tréfonds de son être. Les morceaux de l’album défilent avec fluidité : malgré la lourdeur imposée il est aisément décelable que ces gars là prennent plaisir à jouer ensemble tant leur complicité est évidente. Vient un passage avec des titres plus calmes auxquels je ne parviens toujours pas à accrocher, contrairement à l’ami Grum qui m’accompagne.
Vient finalement le temps du dernier morceau, version revisitée d’Hoax The System étendue sur plus d’un quart d’heure. Quelle claque ! Mike IX Williams brandit pour la dernière fois son livre, comme pour marquer au fer rouge l’illustration du groupe dans nos esprits. Bruce Lamont termine à terre avec son saxophone produisant une cacophonie bruitiste incroyable. Apposés à ce magma incandescent, les hurlements de chacun des membres entrent dans notre esprit. « Hoax The System » ou encore « Fuck The System », répétés à n’en plus finir, ponctuent les salves noisy émanant de la scène et nous plonge dans une transe délicieuse. Certaines personnes dansent, l’impression de se retrouver au beau milieu d’un rituel incantatoire glace le sang.
Le concert se termine, Mike IX Williams et Bruce Lamont remercient chaleureusement un public vacillant, éreinté par la décharge virulente qu’il vient d’encaisser. On calcule nos pas, cherche nos mots, hagards que nous sommes. Une vraie belle soirée.
Un grand merci à Grum, Sebastien (Differ-Ant), Adrien (Kongfuzi) et Béatrice (Flèche d'Or).
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