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Alcest, Les Discrets, Soror Dolorosa le 16/02/12 Nantes (Le Ferrailleur)
J'ai longtemps attendu un concert d'Alcest. Ca remonte à 2007 pour la sortie de Souvenirs D'Un Autre Monde dont j'aurais tellement voulu voir son adaptation scénique. Mais hélas, à ses débuts, Neige ne se produisait même pas en concert. Il aura fallu attendre 2010 et un deuxième album pour que le musicien décide enfin de fouler les planches de certains festivals européens. Mais là encore ce fût la déception car aucune date ne fût prévue en France. A part 2011 et quelques rares dates dans l'est, il aura fallu attendre 2012 pour qu'une asso comme Garmonbozia prenne le risque de programmer Alcest dans nos contrées. Un comble pour un artiste français qui enchaine les voyages en Chine ou aux Etats-Unis, mais qui rencontre toutes les difficultés du monde pour jouer à la maison.
C'est en tout cas avec pas mal appréhension que j'attendais ce concert au Ferrailleur de Nantes, mais avant d'en venir à la tête d'affiche, parlons des premières parties. Soror Dolorosa tout d'abord, joue une musique entre Coldwave, Rock Gothique et Post-Punk. Impossible dès lors de ne pas penser aux ténors que sont The Cure, Joy Division ou Bauhaus, mais se limiter à ce premier avis serait passer complètement à côté du potentiel de ce groupe emmené par son charismatique frontman et ex black metalleux, Andy Julia (Celestia, Peste Noire, Nuit Noire, Mütiilation...). Look glam, déhanché de camé, posture autiste à la Ian Curtis, on sent le chanteur investi par sa musique, jusqu'au boutiste dans sa représentation sur scène. Sans faux-fuyants, rien n'est exagéré. Tous les regards sont fixés sur lui, comme hypnotisé par ce type androgyne aux mouvements sensuels, comme sa musique. Car il la vit et c'est à travers lui que nous aussi l'on rentre dans l'univers de Soror Dolorosa. Sa voix est parfaite, d'une justesse impressionnante, même dans les aigus. Le son est impeccable, la basse fortement mise en valeur accompagnée d'une rythmique au groove glaçant et il ne suffit alors qu'au guitariste de placer quelques mélodies discrètes mais qui font mouche à chaque fois. La tristesse s'échappe lentement, l'intensité est palpable comme sur la très belle conclusion Low End. Soror Dolorosa réalise là une superbe prestation à la hauteur de leur très bon album Blind Scenes.
Viennent ensuite Les Discrets, mené par son leader et principal compositeur, Fursy Tessier, accompagné des ¾ d'Alcest dont Neige à la basse. J'ai toujours vu ce groupe comme un projet complémentaire à celui d'Alcest. Les deux hommes, Neige et Fursy semblent partager le goût pour les mêmes mélodies lointaines, leur vision d'un monde personnel et intime, leur approche musicale si particulière quelque part entre Post-Rock / Shoegaze / Metal. Sauf que chez Les Discrets, il y a une volonté de créer un monde morne, triste et gris là ou Alcest est plus lumineux et se focalise sur les rêveries. Les Discrets c'est la bande son d'une balade d'automne et j'aurai tellement voulu ressentir ça ce soir. La déception vient de plusieurs choses. La première c'est le son. Les musiciens font bien plus parler les saturations que Soror Dolorosa ce qui a dû jouer au mixage. Difficile d'entendre les mélodies et de reconnaître un morceau. Ce qui ne joue pas non plus en ma faveur, c'est que je ne connais pas Ariettes Oubliées..., le dernier album du combo qui vient tout juste de paraître. On se trouve donc sans repères à essayer de deviner ce que le groupe veut faire passer. Certaines accélérations ou passages atmosphériques rendent plutôt bien comme sur Les Feuilles De L'Olivier, mais pour le reste, demeure cette impression d'être perdu là, à ne rien reconnaître. Le pire dans tout ça, c'est la voix. Elle qui joue beaucoup dans l'implication dans l'univers de Les Discrets. Cependant, ce soir, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais elle était terriblement fausse. Tellement que ça en était crispant et que ça ruinait littéralement les morceaux. Peut-être la faute de l'ingé-son ou de Fursy Tessier trop concentré sur sa guitare, qui sait... De la première moitié de concert je ne retiens hélas rien. Heureusement, sur la fin, les choses s'arrangent, Les Discrets nous offrent une reprise d'Amesoeurs de Gas In Veins ou là, les saturations n'empêchent pas d'apprécier le titre. Song For Mountains clos également le concert d'une très belle manière, plus juste qu'auparavant. En bref, ce concert de Les Discrets fût décevant, d'un côté il y avait de belles choses, de l'autre cette impression de sabotage, puis il manquait le morceau Matinée D'Hiver. En espérant que ce n'était qu'une erreur de parcours.
Parlons d'Alcest maintenant, venus présenter leur dernier bébé, Les Voyages De L'Âme sorti il y a deux mois. On garde les mêmes musiciens qu'auparavant et on recommence, au détail près que c'est Indria (Peste Noire) qui occupe désormais le poste de bassiste. Neige quant à lui occupe la place centrale en passant à la guitare et au chant. On sent le monsieur réservé, timide, mais plutôt confiant, souriant et heureux d'être là. Pour nous plonger directement dans son monde onirique, Alcest commence par Autre Temps issu du dernier album, et se veut rassurant. La crainte qu'on avait pu avoir suite au concert de Les Discrets s'envole aussitôt. Le son est propre, on distingue sans problème les mélodies distillées par le duo Neige et le géant Zero. Là encore on est dans la justesse, la simplicité et la beauté des notes. Le groupe s'est quasiment débarrassé de tout son passé Black-Metal, en dehors de quelques rares passages dans les blasts de Winterhalter ou les voix saturées. Puisque l'on parle des voix, celle de Neige est d'un volume faible par rapport aux autres instruments et renforce cette impression de présence très lointaine. Je ne sais pas si c'est un effet voulu au moment des balances, mais toujours est-il que l'on n'entend presque pas le musicien. Si sur les premiers morceaux, cela est un peu perturbant, voir décevant, car l'on aurait aimé suivre les textes poétiques de Neige, je fini par m'en accommoder et succombe à l'atmosphère si particulière de leur musique. Car l'émotion et l'envoutement fonctionne. Alcest va se servir tour à tour dans ses trois albums en jouant notamment Écailles De Lune (Part I), Là Où Naissent Les Couleurs Nouvelles, Les Voyages De L'Âme, Les Iris ou Percées De Lumière. Entre les morceaux, les musiciens se font très discrets et sont peu communicatifs, surement pour ne pas rompre l'enchantement des mélopées. Le groupe, malgré la sorte de "hype" qui les entoure, à su rester humble et sincère ce qui est fortement appréciable. Pour conclure cette belle prestation, Alcest boucle par le très mélancolique et somptueux Souvenirs D'Un Autre Monde, puis les lumières se rallument : il est temps pour nous de revenir dans le monde réel.
Pour finir la soirée en beauté, le passage au merchandising est nécessaire pour régulariser la version vinyle du dernier d'Alcest. L'occasion également d'échanger brièvement quelques mots avec Neige et Fursy Tessier et de se faire dédicacer l'album en témoignage de cette belle soirée. Comme quoi les deux hommes sont toujours abordable et d'une gentillesse infinie.
Un grand merci à Garmonbozia pour l'invitation. Note : concernant le chant pour Les Discrets, cela venait en fait d'un problème de monitoring, ce qui fait que Fursy n'avait aucun retour et n'entendais rien du tout.
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