Nappe, Lee Ranaldo (Sonic Youth) & Jean-Marc Montera 26/05/2010 - Marseille (Montévidéo)






























Il fallait réserver sa place sur la scène du GRIM ce soir pour avoir une chance d'assister au laboratoire guitaristique de Lee Ranaldo. Le membre le plus discret, mais aussi le plus prolifique, de Sonic Youth attire son monde, c'est un fait. Toutes les tranches d'âges s'étaient données rendez-vous impasse Montévidéo. Du vieux fan de Sonic Youth au t-shirt EVOL ou Washing Machine délavé jusqu'au guitar-geek à lunette. Lee Ranaldo a tout de même été classé 33ème meilleur guitariste du monde par Rolling Stone juste devant John Fahey (non ce n'est pas une blague). La guitare c'est comme le foot, il y a une une coupe du monde. Hors sujet.

En première partie c'est Nappe, 2 gaillards en provenance de Grenoble et St-Etienne amoureux des oscillateurs, des condensateurs, des ordinateurs, ... , bref, on s'est compris. Le set du duo est une pure improvisation électronique. Complètement statique mis à part 20 doigts qui s'agitent sur des interrupteurs et une guitare efflanquée, Nappe vise le bruit. Celui qui, complètement inamical, griffe les tympans et donne souvent envie de fuir. Les sinusoïdes s'envolent puis s'écrasent, les crépitements inquiètent et font grincer les dents. 0 groove, 0 cycle, que du son raide et plein de crampes. Du début à la fin, je me sens comme enfermé dans l'étroite cabine d'une vaisseau spatial décharné et à la dérive, loin de tout. Le trou noir n'est pas bien loin. Le visuel de Nappe n'a rien d'excitant sur scène, l'auditif quant à lui, raye tous les repères et ne tend aucune branche à laquelle se raccrocher. Ce que je regrette dans l'ensemble, c'est le manque de moments véritablement forts et remarquables. Nappe : Il y a ceux qui aiment sans savoir pourquoi, ceux qui détestent jusqu'à s'en moquer, et les perplexes qui ne savent quoi en penser. Choisis ton camp.

J'aime beaucoup le Montévidéo, la seule chose que je regrette c'est la présence de cette maladie étrange qui pousse le public à s'asseoir à même le sol pour assister aux concerts. Ce soir c'est l'épidémie. Au moment ou je rentre, c'est une vraie séance de yoga qui prend déjà 75% de la surface au sol. Avec de telles pré-ventes, je ne sais pas pourquoi le concert ne s'est pas déroulé dans la seconde salle, bien plus spacieuse, plutôt que dans le studio musique. Une histoire de sonorisation, sans aucun doute.
Lee Ranaldo c'est quitte ou double. C'est un peu comme ses disques. On y trouve From Here To Infinity, un disque 12"  inécoutable, aux morceaux très courts 100% drone, qui poussent le saphir de la platine à les jouer en boucle si on ne décale pas le bras manuellement, et des choses plus accessibles (façon de parler), comme des ré-orchestrations de classiques de Sonic Youth joués avec un tournevis ou un archet. Ce pluralisme est d'emblée mis en avant par la projection d'une vidéo live dans laquelle Lee joue les yeux bandés, accompagné de 2 batteurs également temporairement aveugles. Une extériorisation d'énergie, sans queue, ni tête qui s'achève par la destruction pure et simple de l'instrument. La pellicule (enfin, le fichier vidéo) totalement lue, Lee et son sourire entrent en scène, suivi d'une overdose d'applaudissements. Les fans sont bel et bien là. 
Il n'y a pas de place pour le conventionnel chez Lee Ranaldo. En bon terroriste du son, les guitares ne sont jamais accordées de manière classique. Il faut toujours qu'un "truc" se mettre en travers de leur timbre. La première, qui littéralement pendue à une corde, oscille au dessus des premiers rangs, subie diverses traitements. Baguettes de batterie, archet ou bottleneck, tout est valable pour en faire vibrer les cordes. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Malgré quelques parties bouclées par un sampler, rien n'est prévisible, rien ou presque ne vient à se répéter dans les idées (bonnes ou moins bonnes) et les envies (instinctives ou bien préparées). On retrouve bien entendu ce son froid, chauffé à blanc, des guitares de Sonic Youth, qui poussées dans leur retranchement, souffrent puis hurlent. Lorsque Jean Marc Montera rejoint Lee, c'est pour insuffler à l'ensemble des mélodies atypiques, bancales, construites par la rencontre du hasard et des notes. Là aussi, tout est bon pour briser le silence, jusqu'au ballon qui en se dégonflant sur les cordes, en accroît les frissons. Je ne peux m'empêcher de penser à La Monte Young durant une bonne partie du set, on y retrouve cet amour pour la beauté et le mysticisme du son et ce refus catégorique de la paire tyrannique mélodie/rythme. Le danger (et la difficulté) dans l'improvisation c'est de rester dans le jus, de maintenir l'attention en conservant un degré de pertinence et d'inventivité élevé. C'est aussi une vraie communication avec le public. Dans le cas contraire, cela devient un véritable exercice introspectif qui ne touche alors que l'interprète. Pour moi ce soir c'est du 50-50. Une oscillation entre l'ennuie profond et, au mieux, le sentiment  que, OUI, il se passe véritablement quelque chose lorsque les vagues se décident enfin à faire de l'écume. Il y a un je-ne-sais-quoi de dramatiquement humain dans l'interprétation des 2 hommes. Rien que dans la perception du laps de temps infinitésimal durant lequel l'action suivante est décidée de manière consciente ou inconsciente. Malgré cela, et une implication plus que certaine, je ne peux m'empêcher de penser que cela manquait d'âme et d'intensité. L'intellect est resté débranché du ressenti. Si certains ont vu la lumière et ont su se faire hypnotiser, tant mieux pour eux.

Senti (Juin 2010)

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