A Silver Mont Zion, Deschamps, Markovo le 26/10/08 - Marseille (Cabaret Aléatoire)

Jusqu’au dernier moment j’espérais que A Silver Mont Zion prennent dans ses bagages un autre groupe de chez Constellation Records. The Dead Science, leur dernière signature, ou bien, on peut toujours rêver, les excellents Do Make Say Think. Tant pis, ce soir au Cabaret Aléatoire marseillais, il faudra se contenter de Markovo et Deschamps.

Markovo délivre un post rock nimbé d’électronique et d’effets acoustiques. Il en ressort une musique hybride où se côtoient plans atmosphériques et nappes électriques bouclées, rythmes 8 bits et tempi basse/batterie. L’alliage des marseillais n’est pas parvenu une seule seconde à me toucher véritablement. Rien ne dépasse des compositions de Markovo. C’est balancé sans intensité marquante ni trop de surprises. Electro-encéphalogramme plat. Markovo déroule une série d’ambiances fades, neutres ou alors gentiment guillerettes. Mogwai, Maserati ou Port-Royal sont à des années lumières loin devant.
Deschamps (pour un nom sympat', on repassera) est un duo masculin / féminin, respectivement barbu / au carré, touché par My Bloody Valentine et la musique itérative. Leurs morceaux, ampoulés d’effets et de claviers, prennent la forme de frises shoegaze répétitives et ensoleillées, limite poppy par moment. Sans être d’une originalité redoutable, Deschamps façonne son petit monde, emprunt d’une certaine naïveté touchante et attachante. Initiative louable, le duo propose ses disques à prix libre.

Les rangs se resserrent. Les gorges se nouent. Les regards brillent.

Entité à géométrie variable, A Silver Mont Zion émerge du Cabaret Aléatoire comme une hydre à 5 têtes mue par un vortex, au sein duquel se rencontrent des souffles mélancoliques et des bourrasques de colère. Les canadiens décochent leurs flèches émotionnelles à l’aide d’un duo d’archères féériques, construisent une tension dramatique maintenue à flot par des rythmes cinglants ou des percussions étouffés puis étendent à l’infinie, une aura vampirisante, nourrie d’un chant touchant aux facettes multiples. Ponctuellement soutenu par ses apôtres, Efrim exsude le désespoir, susurre et murmure la plainte nostalgique et hurle le courroux, écorché et acerbe. Ce soir, rien n’y fera. Ni l’acoustique perfectible du lieu, ni la rupture de corde en pleine tempête de Jessica Moss, amazone venue d’un autre temps (d’un autre monde ?) attirant inexorablement les regards admiratifs et béats, A Silver Mont Zion abattra inlassablement une poignée de psaumes décisifs et solennels, où fusionnent l’électricité des guitares et les vibrations des violons. Voilée d’un onirisme rampant, la musique du quintet reste ancrée dans la Réalité. La dure. La blessante. Cette orientation engagée, déjà au cœur de Godspeed You ! Black Emperor (formation défunte d’une partie de A Silver Mont Zion pour les retardataires), se poursuit ici à travers un son moins radical mais des paroles plus explicites. En témoigne le point d’orgue absolu du concert, l’évocateur "God Bless Our Dead Marines", véritable moment de grâce désespérée, ainsi que les apartés non dénuées d’humour, introduisant le contexte de chaque composition et participant allègrement au fil tendu entre la scène et le public. C’est bien cela qui caractérise la musique du collectif natif de Montréal, ce mélange d’atypisme étrange et d’attirance presque magnétique à la force décuplée sur scène où les compositions prennent une tournure tempétueuse, la faute à ce jeu de batterie enivrant et définitivement moteur d’une énergie rock.

Ce jour là, on a tous changé d’heure. Quant aux habitants d’un soir du Cabaret Aléatoire, ils ont également changé de dimension.

Senti (Octobre 2008)

MySpace : Markovo - Deschamps.

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment