Rage Against The Machine, Saul Williams le 04/06/2008 - Palais Omnisport de Paris Bercy

Le quatre juin dernier, le Palais Omnisport de Paris Bercy avait rendez vous avec l’histoire. Ou tout du moins un véritable morceau d’histoire des musiques alternatives. Après le silence d’une longue séparation Rage Against The Machine, fraîchement réactivé, remettait le couvert pour son premier concert hexagonal depuis des années. Le quatuor le plus célèbre du monde du métal moderne était enfin de retour.
Comme pour mieux rendre compte de l’attente soulevée par un tel événement, la totalité du quota de places mis en réservation en février dernier aura disparu en l’espace de quarante minutes… Un engouement énorme que l’on retrouvera dès les premières secondes passées aux alentours du POPB devant lequel certains faisaient la queue depuis 10h du matin – voire plus tôt encore – lorsqu’à peine débarqué depuis la gare Montparnasse j’arrive finalement aux alentours de 15h30 devant la salle. Malgré son absence prolongée, RATM déplace encore les foules. Tout le monde veut voir les américains, au point d’en zapper totalement l’existence d’une première partie assurée par l’excellent Saul Williams. En effet, ayant rejoint la file d’attente pour la fosse, j’ai rapidement constaté qu’une grosse partie du public n’était même pas au courant de sa présence pour cette soirée.
Les heures défilent et aux alentours de 18h30, alors que certains commencent sérieusement à implorer le ciel, coincés entre la nécessité urgente d’assouvir leurs besoins naturels et l’impossibilité de quitter la queue, les portes de Bercy ouvrent enfin. Visiblement le timing du voyage depuis Nantes était parfait puisqu’une fois rentré je me retrouve à cinq mètres de la scène sans avoir à jouer des coudes une seule fois. Vient la seconde et toujours plus longue période d’attente, le concert ne devant débuter qu’à 20h30 avec l’arrivée de Saul Williams, donc.

Ponctuel, le slammeur arrive en scène, déguisé d’une manière des plus excentriques, précédé de peu par trois acolytes qui n’ont rien à lui envier. Dès l’amorce du concert l’ambiance s’annonce bruitiste à mort et ce qui devait arriver arriva. L’excessivement difficile public de Bercy n’aura aucune pitié pour les quatre extravagants dont la présence – il faut bien l’avouer – était un pari plus que risqué en dépit de l’affiliation existant entre leur Hip Hop à la marge et RATM - Zach De La Rocha a participé au s/t de l’artiste (lui aussi adepte des télescopages musicaux) et tout laisse à penser que cette première partie était un choix du groupe. Trop élaboré? Trop Hip Hop? Trop « étrange »? Toujours est il que lors d’un set relativement (é)court(é ?) Saul Williams prend un véritable bouillon comme a l’habitude d’en servir cette salle à ses premières parties. Quelques titres, quasiment tous issus du s/t (aucune surprise là non plus), éviteront malgré tout le naufrage intégral. Un excellent Black stacey ou l’énorme List of demands verront même un bon paquet de têtes bouger en rythme par moments. Il est extrêmement dur de juger la prestation dans de telles conditions d’hostilité mais il faut bien lui reconnaître une passion et une sincérité palpable ainsi qu’un flow ravageur. A revoir dans de meilleures conditions, assurément. Pour ma part je regretterai pardessus tout le manque total de respect pour les artistes que représentent de telles huées et vagues d’insultes, bien que conscient qu’une telle première partie ne pouvait pas espérer une ovation de la part d’un public si disparate, uniquement venu prendre du riff et de la rythmique groovy plein les feuilles et bien peu disposé à souffir autre chose. C’est donc relativement frustré que je ressors de cette première moitié de soirée et prends mon mal en patience en attendant les stars de la soirée, véritable raison de ma venue.

Et de patience il sera bien question car ce n’est qu’après un peu plus d’une heure (!!) d’attente que les lumières de Bercy s’éteignent à nouveau pour annoncer l’arrivée imminente de Rage Against The Machine dont l’emblème se dresse lentement en arrière plan de la scène sur fond d’internationale en version originale.
Enorme mouvement de foule : folie… Testify ! La fosse se transforme en charnier, l’air est irrespirable (pour peu que l’on y arrive encore) en l’espace de trois riffs de l’extraterrestre Morello. Le début de concert est un pur moment de folie et des années de frustration semblent se relâcher d’un coup contre les barrières crash. N’écoutant que mon instinct de survie je passe les trois quarts du titre à chercher à reculer à grands coups de coude afin de profiter un minimum de la suite d’un concert qui s’annonce déjà harassant. Une fois (à peine) plus au calme je ne peux que constater l’évidence : Rage bien qu’encore assez « calme » à ce stade précoce du concert n’a absolument rien perdu de sa furia. Le groove est monumental, l’ambiance de feu. Le public répond au quart de tour, connaît les titres sur le bout des doigts et tout le monde hurle à s’en péter les cordes vocales des paroles jusqu’alors trop souvent réservées aux séances de karaoké sous la douche ou aux fins de soirées arrosées. La foule n’est que joie, chaque individu un énorme bleu en puissance mais tout le monde s’en fout. Les titres s’enchaînent et l’électricité ne fait que monter alors que les quatre (enfin, trois) furieux commencent à sauter partout sur scène à défaut d’adresser le moindre mot au public. Leur prestance se suffit à elle-même, leur réservoir de compositions et les paroles font le reste. Bulls on parade, People of the sun, Bombtrack… tube, trois fois tube. Bullet in the head: tube encore, tube toujours. La première partie de la fosse connaît d’ailleurs un moment de folie intense sur ce titre et les pogos redoublent de violence… Renegades of funk ou encore Calm like a bomb viendront, entre autres, s’ajouter à une setlist de folie judicieusement aérée d’une accalmie salvatrice (War within a breath si je me souviens bien). L’adhésion du public est totale, la chaleur intenable, ça sent la sueur et ça colle/glisse de partout. Le set s’arrêtera pourtant au bout d’une heure avec Sleep now in the fire et surtout sans Killing in the name. La foule en délire acclame le groupe qui reviendra sans trop de surprise pour interpréter trois titres desquels fera bien évidemment partie LE tube planétaire (dans le sens « plus que les autres ») ainsi que Freedom. Les spectateurs, bien décidés à faire le deuil de leur gorge, reprendront quasi intégralement l’hymne à la rébellion (Killing…) du combo lors d’un final éblouissant au sens propre comme au sens figuré où chacun lancera ses dernières forces. Lorsque l’intensité des lights baisse, le groupe a quasiment déjà disparu non sans avoir salué une dernière fois, visiblement heureux de sa soirée. Et il n’est pas le seul.

Seulement 1h15 de concert, mais finalement personne pour s’en plaindre réellement et la salle se videra d’ailleurs rapidement. Quelques pains rapidement noyés dans la folie d’un Bercy survolté, un Morello à vous dégoûter de la guitare, un Commerford surpuissant à la basse, un De La Rocha sans dreads mais toujours débordant de hargne et d’énergie, un set court mais épuisant… Rage Against The Machine n’a pas volé son statut de groupe culte et encore moins celui de bête de scène. En dépit de quelques soucis (accueil du public, flottement entre les deux parties) cette soirée restera extraordinaire en de nombreux points. Après tout ce n’est pas tous les jours que l’on voit des légendes.

Craipo (Juin 2008)

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