Même si la pluie s’est arrêtée et que les températures sont ni trop fraîches ni caniculaires aujourd’hui, c’est une journée qui sera un peu maudite. Même si on met de côté le contexte politique qui se joue en marge du Hellfest (et si vous nous connaissez, on a du mal a effectivement mettre ça de côté), même en dehors de ça, ce quatrième jour est compliqué. C’est évidemment le dernier jour et il est emprunt du « blues de fin de vacances » habituel. Aujourd’hui sera aussi le jour d’une des pannes les plus majeures qu’ait connu le Hellfest depuis longtemps, interrompant pendant environ 45 minutes le concert de Crosses. Et enfin (et surtout), une personne de l’équipe Metalorgie s’est blessée pendant un concert. Elle a dû être emmenée aux urgences et accélérer son départ du festival ; de fait, le nombre de concerts qu’on pourra vous raconter ici sera donc un peu plus restreint aujourd’hui.
Brand Of Sacrifice
La formule « Hellfest sur 4 jours » c’est un peu beaucoup pour vous, et vous êtes fatigué.e.s d’avoir déjà 3 jours dans les pattes ? Pas besoin de tenter le combo Frosties-Redbull, y a du deathcore au petit dej’ avec Brand Of Sacrifice (et en plat de resistance, en gouter, et en dessert, si on se projette sur la suite de la programmation de l’Altar aujourd’hui). D’ailleurs avant de lancer le morceau Ruin en milieu de set, le chanteur dira qu’il est notre coach sportif du jour et qu’on a pas encore fini de bosser notre cardio pour la journée. Tout s’enchaîne sans temps mort, les breakdowns mettent tout le monde d’accord, et les prouesses vocales de Kyle Anderson sont ahurissantes si on aime le guttural sous toutes ses formes. Niveau fitness, le groupe fera preuve d’exemplarité : leur claviériste / percussionniste court de par et d’autres de la scène plusieurs fois par morceau, car son synthé est à notre gauche et ses toms sont à notre droite. Il saute donc régulièrement au bas de son estrade pour courir en contournant la batterie par derrière et rejoindre son autre poste. L’air de rien, ça dynamise vachement l’aspect scénographique de Brand Of Sacrifice.
En prime, c’est un jour spécial pour le guitariste, et toute la Altar va chanter « joyeux anniversaire » pour lui. Que demander de mieux pour se mettre en jambes aujourd’hui ?
Dool
Avec son amalgame de Doom Metal et de Rock de corbeau, Dool réveille gentiment la Valley. Les morceaux sont plein de sonorités clean délivrées sur un tempo lent, le tout mené par la voix légèrement rauque de Raven Van Dorst. L'ombre de feu The Devil's Blood, dont faisaient partie le batteur et le bassiste, plane sur ces compos. Le concert se concentre sur les titres du dernier album, sorti il y a deux mois. Comme à son habitude, Dool à également rendu hommage à Killing Joke avec une reprise de Love Like Blood bien remaniée à leur sauce. Quitte à être dans le registre Gothique, le groupe dégaine le récent Devil In You, avec sa dynamique très Post-Punk qui agite la foule en fin de set. Bientôt en tournée avec Hangman's Chair, on parie sans hésiter que les esthétiques des deux formations se compléteront à merveille.
Scowl
Il faisait très chaud en ce dimanche après-midi. Le soleil ? Oui, il y en avait, mais c’est Scowl qui a exercé une pression sur la colonne d’air de Clisson. Leur hardcore épuré tirant vers punk à fait mouche sur le public qui s’était manifeste à la warzone. La guitare est mise particulièrement en avant et à juste titre, c'est catchy et permet d'identifier des mélodies rapidement. Mais la vraie force de Scowl réside dans sa chanteuse très charismatique. En vraie frontwoman, elle mène la danse par sa verve et captive de sa présence l'audience. Elle n'aura pas hésité à prendre un bain de public à la fin.
Nova Twins (pain au nova’tw pour ailleurs que dans le sud-ouest)
Très bonne découverte du jour : le duo londonien a fédéré l’intégralité de la Mainstage, y compris celleux qui visiblement campaient uniquement pour le « plan facile ». Leur Punk-Rock presque Nü Metal est percutant, énergique, et si ça peut mettre les Jean-Fach en PLS de voir deux femmes racisées mettre autant l’ambiance, c’est que du bonus !
Simple Plan
Allô ? Oui bonjour, c’est la nostalgie, tout droit importée de Montréal. Le « projet pas compliqué » était une bouffée d’air frais sous ce cagnard pesant pour tous les kool kids des années 90-2000 : Welcome To My Life, I’m Just A Kid, Shut Up!… le best of que tout le monde mérite, et la dose de divertissement qu’on attend d’un groupe de Pop-Punk aussi mythique : plein de ballons dans la fosse pendant Summer Paradise, plein de mascottes en kigurumis sur scène pendant What’s New Scooby Doo? ; la nostalgie ne serait pas complète sans le semi-traditionnel (en place depuis 2022) mashup « Smash Mouth + Avril Lavigne + Killers ».
L’euphorie du moment sera ombragée par l’accident de notre collègue suite à une malheureuse réception (ou absence de) sur un slam. Comme quoi, le « No Pads, No Helmets », c’est pas toujours une bonne idée ! Bref, mettez des coudières, des casques, et faites attention les uns aux autres dans le pit, s’il vous plaît.
Drug Church
Cette année, le meilleur ami des agents de sécurité derrière les crash-barriers de la Warzone, c’est Drug Church. Le chanteur n’aura de cesse de répéter que c’est une équipe bienveillante qui nous rattrapera avec soin si on slamme, qu’ils seront payés pareil qu’il y ait zéro crowd-surfer ou trois cents, etc. En gros, pour devenir pote avec Drug Church, il fallait être à l’horizontale en train d’être porté.e par d’autres gens. Ca fonctionnera pas mal (même si Royal Blood les coiffera au poteau un peu plus tard), mais c’est peut-être aussi normal pour un groupe de hardcore tirant sur le punk mélodique voire une approche un peu pop rock, à la Militarie Gun ou Turnstile. Les voix sont bien plus éraillées qu’en studio, ce qui emmène au live une dimension plus immédiate, plus frontale, plus hardcore en somme. L’enjaillement est total. Pour nous en tout cas. Pour les agents de sécurité, on ne se prononce pas.
Shadow of Intent
Shadow of Intent, aussi connue sous « la tartine de Deathcore quotidienne ». Exactement ce à quoi on pourrait s’attendre, ni plus, ni moins. À la rijeur, ils nous gratifieront d’un de leurs nouveaux titres, très efficace, breakdowns gras à souhait avec une assise de gros porc, rien de trop révolutionnaire ou novateur, mais on passe un bon moment nonobstant. Je salue la détermination du gonz parti depuis la zone PMR pour surfer l’intégralité de la longueur de l’Altar.
Royal Blood
Personnellement, Royal Blood est l’un des groupes que j’attendais le plus. Petite digression perso : je joue dans un groupe de reprises de rock avec lequel on fait un titre de Royal Blood, et les membres de ce groupe de covers sont aussi au Hellfest. Autant vous dire qu’on est collectivement devenus fous quand le duo arrive sur scène en lançant l’intro de Out Of The Black… le fameux titre qu’on joue. Abrasif au possible, le son de Mike Kerr est incroyable. C’est tellement surprenant de voir autant de bordel sortir d’une simple basse, même quand on sait comment le frontman procède (avec des pédales d’effet, pour sonner soit comme une grosse guitare, soit comme une basse, soit comme la somme des deux). Royal Blood confirme sa réputation de groupe de live, en fournissant une prestation tellement énergique que le taux de slameur.se.s devient très vite aussi élevé que notre hype. C’est le seul point noir du concert, on passe plus de temps à porter des gens qu’à regarder le groupe. Mais quelle énergie ! Le duo est rejoint par un claviériste sur deux titres (une façon de ne pas employer de sample, puisque la formation ne joue pas au clic). A plusieurs reprises, le batteur s’arrête de jouer alors qu’un riff de guitare / basse tourne en boucle, vient ambiancer la foule, et revient derrière les fûts. Le côté « show » est ultra simpliste, mais l’énergie de Mike Kerr et Ben Thatcher (et de leurs compos) est suffisante pour que la performance de Royal Blood soit vraiment un des meilleurs moments de la journée.
Sierra
Ouverture de Carpenter Brut sur leur tournée de 2022, Sierra a fait son bonhomme de chemin depuis Strange Valley (2017) et constitue une fière représentante de la Synthwave française. Et ça tombe bien parce que c’est la Valley qu’elle investit en ce milieu d’après-midi en remplacement au pied levé de City Morgue - probable raison pour laquelle Sierra joue à cette heure alors que le genre se prête quand même vachement mieux à une fermeture de scène. C’est le seul point que je relèverai, une heure complète d’un set Synthwave / Dark Techno, moi je dis oui !
High Vis
En approche de la Warzone, on est accueillis par un accent british bien prononcé. Nos "mates" répondent au nom de High Vis, un groupe qui monte pas mal depuis quelques temps. Leur musique, c'est le rythme du Post-Punk qui fait bouger les muscles du Hardcore. Un bon mélange, qui a fait ses preuves chez leurs compatriotes Idles par exemple, et qui donne la bougeotte aux premiers rangs. Le pit est réactif, ça se chamaille joyeusement sur les morceaux les plus dansants. Avec un drapeau palestinien sur l'ampli et un discours sur la depression et les habdicaps, les anglais profitent de défendre les causes qui leur tiennent à cœur. Dans les mélodies un peu nostalgiques et parfois ensoleillées on trouve cette saveur douce amère de fin de festival, de dernier pogo insouciant avant un (dur) retour à la réalité.
Crosses
Crosses est un side project de Chino Moreno qui joue de la Synthpop aux accents Gothique avec le producteur Shaun Lopez. Puisque Deftones est un groupe qui marche un peu et qui fait quelques concerts, Chino fait du Crosses quand il a le temps. Bilan : deux albums en neuf ans. C'est peu, et autant dire qu'un groupe aussi rare sur scène était attendu de pied ferme. Le frontman de Deftones est immédiatement à fond, il court de droite à gauche, tandis que son acolyte gère la guitare et les machines. Le concert s'ouvre sur Invisible Hand, puis on passe à This Is A Trick. Tout semble aller pour le mieux quand le son en façade lâche brutalement. Les retours fonctionnent encore, le groupe termine le morceau coûte que coûte, avant de sortir de scène. Suspense, on nous annonce au bout d'une dizaine de minutes que le concert va reprendre, et il va effectivement falloir prendre son mal en patience. Finalement, alors qu’on s'apprête à faire une croix (eh eh eh vous l’avez ?) sur la fin du set, après une quarantaine de minutes de concert d’ASMR “Canal Plus sans décodeur” puis des excuses de l’orga, Crosses remet le couvert face aux plus persistant.e.s. Leur créneau horaire se termine pourtant dans 5 minutes… Vont-ils ne jouer qu’un titre de plus ? Finir leur set, quitte à tout décaler sur la Warzone et la Valley ? Ce sera un entre-deux, avec “seulement” trois morceaux de plus. Chino s'excusera lui aussi et nous remerciera de notre patience, tout en gardant la même énergie pendant ce quasi-rappel.
Corey Taylor
Après Royal Blood, c'est Corey Taylor et son projet solo qui montent sur les planches de la Mainstage. On nous sert un gros rock pas fin et pas très savoureux. C'est OK pour passer le temps dans une fin d'aprem ensoleillée avant les grosses têtes d'affiche. Un peu comme ces chips à la crevette qu' on nous offre dans les restau asiatiques cheap. Le public est demandé de chanter "No way to beat me, no way to win" mais les gens ont du mal à reprendre malgré les directives du 8 de l'Iowa, sûrement faute de s'être approprié le titre au préalable. Et suite à cela, la magie opère, le public exécute un joli wall of death spontané salué par un" oh shit ! "de Corey. Preuve que le public y trouve son compte. Le concert prend désormais une toute autre tournure. Ça envoie finalement le bois dès les premières évocations de Before I Forget. S’en suivront Snuff et d'autres reprises notamment, une chanson pour sa femme, présente, et qui l’a vraisemblablement sauvé d’une passe très sombre récemment. Sur ce slow, les couples du public s'enlacent et exécutent quelques pas de danse qui vont émouvoir le chanteur. Le concert s'achèvera sur Through Glass et une note très positive en grande partie dû à la sincérité du chanteur et au public qui était à la hauteur de l'événement.
The Offspring
A cause des aléas techniques chez Crosses, on arrive devant The Offspring avec 15 minutes de retard, juste à temps pour du… pas-Offspring. Ils nous font une « Limp Bizkit », en jamant des bouts de reprises (les cultes Smoke On The Water puis Iron Man, la mélodie de Hall Of The Mountain King tout en acceleration, le non moins culte Hey Ho Let’s Go…). On suppose que si des titres récents ont été joués, c’était avant notre arrivée, parce que la suite est plus ou moins un défilé de chansons presque aussi classiques que celles de leur medley de covers : Gotta Get Away, Why Don’t You Get A Job, Pretty Fly (For A White Guy), The Kids Aren’t Alright, Self Esteem… Et la réponse, évidente, est une giga teuf devant les Main Stages. Entre les titres, Noodles et Dexter Holland rivalisent de pitreries et de blagues potaches, construisant une ambiance détendue et rigolote (“je suis sûr qu’on va se réveiller en train de baver sur notre table et qu’en fait on est encore au lycée”). Bref, malgré la réputation qu’avait Offspring il y a quelques années d’un groupe décevant car devenu un peu fainéant et blasé, les deux derniers passages clissonais (celui d’aujourd’hui inclus) de la bande à Dexter ont été marqués par une pêche, une complicité, et une énergie qui vaut vraiment le détour. Régressif à souhait.
I Am Morbid
Mettons nous d'accord sur un point : les quatre premiers albums de Morbid Angel sont des monuments du Death Metal. A partir de ce postulat, I Am Morbid (avec David Vincent, premier chanteur, présent sur ces fameux quatre albums) ne peut que ravir les amateurs de la formation originelle. Le son est aux petits oignons (notamment la batterie, parfaitement dosée) et Monsieur Vincent est en belle forme. Riffs torturés, ralentissements sans préavis, solis sortis d'une autre dimension, les compos de Altar Of Madness à Domination prennent une belle intensité sous la Altar. Les morceaux choisis font tous leur effet, du solennel Immortal Rites au lubrique Blessed Are The Sick, en passant par le semi-remorque Where The Slime Live, tout fan de Death Old School aura eu son compte. On regrettera l'absence du titre (injustement) mal-aimé I Am Morbid qui aurait pu conclure le set en beauté, mais c'est bien le seul bémol à mettre sur cette performance.
Foo Fighters
Vint finalement le tour de la tête d'affiche. Le clou du spectacle. Le groupe qui clôt cette édition du Hellfest 2024 : les Foo Fighters. On pourrait vous narrer comment les Américains ont enchaîné leurs tubes avec brio, ces merveilleux solo de batterie de Josh Freeze, cette envolée de double pédale magnifique en plein récital de toms et de cymbales sur Breakout. On pourrait vous raconter comment ils ont rendu hommage à Nine Inch Nails avec March of the Pigs, a Mr Crowley du pape du métal, à Sabotage des Beastie Boys. Mais tout ceci ne vous décrirai que piètement la magie de l'instant. Un concert des Foo Fighters, c'est une communion entre des artistes et un public. Cette impression bizarre d'être au beau milieu d'un immense festival, et à la répète avec eux tant leur naturel et leur bienveillance à tous prend le dessus sur tout le reste. C'est à ce genre de concerts qu'on réalise à quel point un groupe est essentiel dans votre appréciation de codes et de styles, de paroles et de signification. Cette petite voix dans la tête qui vous guide sur le chemin et qui fait de vous qui vous êtes, une partie de votre personnalité.
Dimmu Borgir
Dimmu Borgir, programmé en clôture de ce fantastique festival que bon nombre de pays nous envient, a prouvé que cette place lui était naturellement due. Le show était grandiose, le son maîtrisé, la salle remplie, et Shagrat n’a rien perdu de sa puissance vocale durant ses 30 ans de carrière. Le groupe rend d’ailleurs hommage à son histoire en commençant et en clôturant son show par « det nye riket » 1ère chanson instrumentale du 1er album de dimmu, « for all tid ». En passant de Spellboon (by the devil) à Alt Lys er svunnet, quelques flammes surgissent de la scène. Avec Morning palace, Dimmu Borgir (la chanson, pas le groupe…), ou encore Progenies of the Great Apocalypse, entre autres, les fans n’ont pas vu le temps défiler et n’espèrent qu’une seule chose depuis 6 ans : à quand le prochain album ?
Top 3 :
Oona : Simple Plan, Sierra, Nova Twin
Zbrah : Royal Blood, The Offspring, le peu de Crosses qu’on a eu
Skaldmax : I Am Morbid, Simple Plan, High Vis
Maxwell : Foo Fighters, Corey Taylor, Queens of the Stone Age
Marmotte : Simple Plan, l’ambulance, les urgences (force à toi <3)
Florian : le peu de Crosses qu’on a eu, Foo Fighters, Drug Church
Bacteries : Five Finger Death Punch