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Motocultor 2023 - Jour 2 Carhaix, 2023
Les hostilités de ce second jour sont lancées par Gorod. Il n’est même pas 13h et l’appel des mandales se fait entendre. La fosse de la Dave Mustage se remplit au fur et à mesure que le ciel s’assombrit, menaçant tel une épée de Damoclès. Bekhten’s Curse pose les bases avec son riff d’intro assassin et Chrematheism achève avec sa batterie infernale. Bref, ce début de journée met tout le monde d’accord : on aime Gorod à ses débuts, notamment Disavow Your Gods (Process Of A New Decline, 2009) mais à l’instar du vin, la musique des bordelais gagne clairement en qualité avec le temps comme le prouvent les singles récents The Orb ou We Are The Sun Gods avec son groove raffiné et d’une rare efficacité. A revoir très vite et plus tôt que vous ne pensez.
Premier concert de la journée sur la Massey et première tuerie, Psychonaut nettoie les esprits comme les conduits avec son Post Metal gorgé de groove et de sensations. Les Belges harmonisent les guitares autant que les cervicales qui s’animent en conséquence et ici aussi on sent un réel plaisir de se produire là devant un parterre de connaisseuses et de connaisseurs. L’audience captive réagit comme un seul être aux mouvements et riffs progressifs extraits en particulier du dernier album Violate Consensus Reality. De quoi se mettre bien avant d’enchaîner une grosse journée derrière.

Esthesis ayant dû annuler leur venue pour cause de vol de matériel, ce sont les progueux d’Altesia (comme la bataille avec Jultes César) qui assureront la relève au pied levé. Malgré cet imprévu - et malgré l’heure matinale - la Massey est étonnamment bien remplie pour soutenir les bordelais ! Un des morceaux dure pas moins de dix min, "rien que ça", comme dit le frontman (tu fais du Prog et tes titres font moins de dix min ? Nan mais allô). Les influences sont plus que flagrantes et très codifiées, mais ça n’empêche pas de passer un bon moment. Et peste soit leur jeune âge, ils ont su partager la cour des grands (Riverside, The Ocean…) en Pologne et au Portugal. Nous avons hâte de découvrir ce qu’ils nous réservent dans le futur.
Il n’est pas forcément évident pour Déluge d’occuper la Supositor Stage (décidément ces noms de scènes…) à une heure de plein après-midi en plein air et sans ce côté un peu intimiste et émotionnel que procure leur musique, d’autant plus que la pluie commence à s’inviter à Carhaix. Heureusement, le groupe délivre un set tout à fait honorable avec un son plutôt bon même si la voix est un poil trop en avant, mais on entend tout de même bien les mélodies et il se dégage l’énergie Post-Hardcore issue des morceaux d’Ægo Templo, tout comme les passages tournoyants d’avantages Black Metal. Il est appréciable aussi que le groupe de Metz joue une poignée de titres de leur premier disque. Æther qui date tout de même de huit ans désormais avec en clef de voûte le superbe Avalanche. Petite chose amusante, on a l’impression que les musiciens, assez statiques au départ, se lâcheront un peu plus et seront plus à l’aise en fin de set. Un bon concert de Déluge en somme, mais j’ai quand même très envie de les voir dans une salle de concert avec un light show qui rend hommage à leur musique.

En premier lieu, il est surprenant de voir Gggolddd en plein milieu d’après-midi sur la plus grande scène du festival et n’y allons pas par quatre chemins, cette configuration ne sied pas du tout à la musique des néerlandais.e.s qui se veut intimiste et un slot sous un chapiteau aurait été davantage approprié, voir même nécessaire. La seconde étrangeté c’est de s'apercevoir que le groupe est constitué de quatre musicien.ne.s sur scène et pas six ou sept comme auparavant, même si heureusement le couple Milena / Thomas est toujours de la partie. Mais exit la session rythmique (plus de bassiste ni de batteur) et les percussions, un peu trop simples sont assurées par le guitariste Jaka Bolič. En résulte un set très (trop) minimaliste, sur une scène beaucoup trop grande en plein après midi axée sur essentiellement leur dernier album, This Shame Shoul Not Be Mine qui évoque l’agression sexuelle subie par Milena lorsqu’elle était plus jeune. Difficile dans ces conditions de rentrer dans le concert, d’autant plus si on compare avec leur prestation à l’Homme Sauvage ou leur concert si particulier avec des instruments à cordes au Roadburn 2022. Alors la voix et les mouvements de danse très classes de Milena sont toujours fantastiques, la tournure plus Electro / Dark Rock des compositions est intéressante, surtout que Gggolddd se permet de réapproprier des anciens titres comme He Is Not à travers cette nouvelle mouture et c’est super respectable et plutôt chouette, mais au final on sort de ce concert déçus quant on sait ce que peut donner sur scène le groupe. Mentionnons également des stories du compte Balance Ta Scène qui ont reçu plusieurs témoignages concernant des remarques sexistes dirigées envers la chanteuse pendant leur concert. Donc on a une femme qui racontent une expérience traumatisante de violences sexuelles sur scène et il y a des tocards qui ne trouvent rien de mieux à faire de faire exactement ce dont elle parle dans ces textes. Bravo la grande famille du Metal ! Vous êtes toujours aussi désespérant.
Difficiles à appréhender sur disque mais toujours impressionnants en concert, les Montpelliérains demeurent imperturbables. Bien que leur Metal Prog cinématographique soit légèrement plus “accessible” avec le dernier album Sheol, la puissance qu’Hypno5e dégage sur scène reste intacte, et le groupe démarre en toute logique par Sheol - Part II - Lands Of Haze, monstre serpentaire de plus de dix minutes, alternant lourdeur abyssale et poésie. Le quatuor privilégie d’ailleurs plutôt les titres les plus denses et vénères, avec notamment la bonne surprise Maintained Relevance Of Destruction (Part II) issue du premier album Des Deux L’Une Est L’Autre. Bref, une prestation comme Hypno5e a l’habitude de livrer, sans fioritures ni improvisation (ce que certain.e.s peuvent regretter), mais toujours impeccable et classieuse.

17h35, il pleut, il fait froid, les K-Way sont légions. La croisière 70 000 Tons Of Metal était l'occasion de présenter leur dernier opus, Anno 1696 et les Finlandais d’Insomnium ouvrent leur set du jour avec le titre éponyme. N’en déplaise aux die-hards fans du groupe et autres aficionados de Death Metal Mélodique, je me suis arrêtée à Shadows Of The Dying Sun (2014) dans la discographie du groupe, jamais égalé depuis. Et c’est dommage car seulement deux morceaux de cet album seront mis à l’honneur, Across The Dark (2009) sera complètement oublié… Qu’à cela ne tienne, leur venue ne surpassera pas celle de 2017, mais au moins le son était impeccable et le public très réceptif.
Lili Refrain était une sacrée découverte lors du Hellfest 2022 et c’est un énorme plaisir de la retrouver sur cette édition du Motocultor avec un parterre de gens nombreux et qui lui réservent un superbe accueil. Son attitude hyper joviale et son énergie communicatrice tranche frontalement avec son maquillage facial austère et qui fait franchement peur. Il ne faut pas longtemps pour succomber à sa musique, à ses rythmiques tribales qu’elle construit seule avec un tom et des baguettes, plusieurs loops, des effets et autres couches d’ambient qu’elle gère avec ses pédales d’effets, parfois son utilisation de la guitare et surtout sa voix… Et quelle voix ! Entre murmurement, chuchotement, (difficile de ne pas penser à Senua de Hellblade - si vous avez joué au jeux, vous aurez la référence) et voix lyrique céleste et captivante. L’envie de fermer les yeux est prenante, histoire de s’immerger dans ce monde occulte, tribal orné de runes et d’ossements, sauf que la musicienne nous tient également captivé par sa gestuelle étrange, ses vocalises parfois terrifiantes et sa manière de taper son tom comme si elle allait se battre avec lui. C’est une fois de plus un set fantastique qui se déploie devant nous et Lili Refrain est tellement humble et contente d’être là qu'on apprécie encore davantage le set. C'est un énorme coup de cœur !

Le fait que Carcass commence son set par un classique de leur période Death Metal Mélodique (Buried Dreams) fait énormément plaisir tout comme lorsqu’ils joueront This Mortal Coil et Death Certificate issus de Heartwork (1993) et même le morceau éponyme. Je comprends l’idée de jouer des morceaux de leur dernier disque Torn Arteries (2021), mais un peu moins le fait de jouer des titres d’avant Heartwork et encore moins le fait de ne faire figurer aucune composition du pourtant excellent Surgical Steel (2013) qui avait marqué leur grand retour. De fait, les morceaux entre eux et donc la setlist est assez étrange et soufflent différentes ambiances à la fois mélodiques et d’autres plus brutales et manque par conséquent d'un peu de cohérence. Ca n’empêche que Carcass joue bien, c’est propre, rodé, le son est bon et assez puissant sur la Mainstage et tu sens que le groupe vieillit bien, un compliment que l’on ne peut pas faire à tous les groupes de Death Metal de cette époque.
Vous avez essuyé le sang de votre figure après Terror, il est enfin l’heure d’accueillir le patron du Metal Progressif britannique. Les boss... Head Honcho. El Numero Uno. Mr. Big. The Godfather. Lord of the Rings. Je parle bien sûr de Haken ! Pour celles et ceux qui n’auraient pas déjà découvert leur dernier bijou, Fauna, lors de leur tournée au mois de mars, c’était un des concerts à ne pas manquer en ce vendredi 18 août. Un voyage auditif à la Riverside avec une rythmique plus chiadée, sans oublier les bangers précédents comme Invasion et Prosthetic (Virus, 2020). Vector (2018), qui pourtant se marie très bien avec son petit frère, ne sera malheureusement pas de la partie. On se quitte avec le grandiose, le bien plus intense The Architect (sans Einar Solberg de Leprous) qui dure pas moins de onze minutes, parfait pour assurer la transition auditive avec le groupe suivant.

Je n’avais jamais écouté une traître note de Deicide ayant un a priori néfaste sur leur musique la jugeant trop bas du front et trop bête… Alors effectivement c’est con comme une brique, mais qu’est-ce que c’est génial. Le sentiment de se prendre un rouleau compresseur dans la tête et de ne rien comprendre est jouissif et c’est aussi cool d’écouter gros truc de Metal extrême qui pousse tous les potards à fond. C’est super technique, violent et il y a cette frénésie palpable sur les moindres riffs (dont on ne comprends pas la moitié) et les hurlements de Glen Benton sont fous de puissance et glacent même le sang tellement ils sont surmixés par rapport à l’ensemble. Bref, ça en fout partout, le set est hyper généreux (ils ont joué pas loin d’une douzaine de titres) ya un côté presque nanard (sans doute pas assumé), mais c’est formidable de se prendre autant une dose de violence de cette manière. En somme, on en ressort conquis, il y a ce feeling à la Immolation qui donne envie de creuser le groupe et Glen Benton est vraiment impressionnant de tenir un set comme ça sur la longueur sans sourciller ou laisse paraître la moindre émotion !
Certes, ça fait 15 ans que Health existe et puis ils ont participé à la BO de Cuberpunk… Mais ça arrive de découvrir des groupes sur le tard. Et quelle découverte ! Une des meilleures de cette édition. Une voix à la Brian Molko (Placebo) sur une instru de Nine Inch Nails, un soupçon de Perturbator (avec qui ils ont tous les deux collaboré sur leur dernier album, d’ailleurs) et c’est parti pour une heure de Coldwave teintée de Dark Techno envoûtante. On a beaucoup bougé et ça faisait du bien de délier les corps avec une musique dansante.
Après la fessée Carcass il fallait bien un petit Napalm Death des familles pour anéantir ce qu’il restait d’essence vitale. Mission accomplie, malgré un son un peu brouillon (oui je sais), avec une setlist bigarrée, comprenant les classiques Scum ou You Suffer, mélangés aux plus “doux” Narcissus du dernier album ou (l’excellent) Amoral de l’avant-dernier. Le cultissime groupe de Birmingham n’oublie pas les habituels discours engagés (et enragés) entre les titres par l’intermédiaire du hurleur Mark Greenway, plutôt orientés délicieusement antifascistes. C’est la guerre dans le pit et les nazis chient dans leur froc. D’ailleurs l’un des pionniers du Grindcore terminera tout naturellement sa dévastation par une reprise du Nazi Punks Fuck Off des Dead Kennedys. Remballez, c’est plié.

Que ce soit le son, les jeux d’ombre et de lumières ou les projections en fond, la performance aux petits oignons de Wardruna est tout bonnement remarquable. La Dave Mustage est presque saturée et pourtant, il y règne un silence presque religieux pour profiter au mieux des airs folkloriques envoûtants tels que Kvitravn ou le tant attendu Helvegen. C'est presque dans une torpeur qu'on s'aperçoit que les norvégiens ont joué plus d'une heure et quart et nous ont complètement emmené dans leur monde fait de paysages enneigés, de cascades, de roches recouverts de mousses et de forets enchanteresses. Même en festival impossible de rester insensible au charme et à la beauté des compositions de Wardruna porté par la magnifique voix pleine de profondeur d'Einar Selvik. La mise en scène est celle bien connue depuis des années avec ces tissus blancs trouées qui réverbèrent les lumières, les jeux d'ombres et contre-jours des musicien.ne.s en arrière plans et quelques projections plutôt nuancées sur écran géant, mais tout cela fonctionne encore parfaitement. On pourrait revoir Wardruna chaque année qu'on serait à chaque fois conquis.e.s.
S’il faut mettre de côté le « fangirlisme » et être objectif, le passage de Katatonia était très limite. Sortir d’une transe imposée par Wardruna et subir le trop plein de basses et les cymbales grésillantes de Katatonia, c’est une redescente violente ! Le son n'est pas terrible, sans parler de la panne de micro pendant tout le premier couplet de Birds. À titre personnel, je ne comprend pas pourquoi ils s’évertuent à jouer July (The Great Cold Distance, 2006) mais ont retiré Evidence (Viva Emptiness, 2003) de la setlist, pourtant remise à l’honneur cette année pour leur tournée consacrée à Sky Void Of Stars. Bref, la clôture de la Massey Ferguscene est décevante et on sentait le groupe pas forcément très investi.
Top 3 : Pentacle : Lili Refrain, Deicide, Health Anne-Laure : Lili Refrain, Deicide, Wardruna Oona : Wardruna, Health, Haken Tang : Psychonaut, Hypno5e, Napalm Death
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On est tout de même beaucoup à avoir rater les premiers concerts dont Psychonaut (oui je suis deg) à cause de la file monstrueuse pour rentrer sur le site, qu il y avait déjà la veille. Heureusement, les jours suivants le problème fut résolu...
Pour avoir vue Gggolddd récemment sur leur tournée avec Ef et Mono en petite salle, je peux assurer que le choix de la scène était inapproprié, d autant plus pour le son qui était très "volatile", pas enveloppant du tout. C était assez frustrant, sans parler des problèmes de son. Mais Milena assure grave sur scène même dans ces circonstances, j ai rarement vue une personne aussi charismatique sur scène.
Pour Haken, j ai noter l absence de Richard Henshall qui n a pas été expliqué par le groupe. Leur set était ceci dit très bien équilibré.