C’est après avoir esquivé moult
vendeurs à la sauvette entre le Trabendo et le Zénith et bravé les méandres
pavés du Parc de la Villette, que j’arrive enfin devant le Cabaret Sauvage. Il
est seulement 18h00 et la queue s’étend déjà sur presque une centaine de mètres.
Nous patientons plus ou moins sagement en compagnie du froid et des effluves
iodés du Canal de l’Ourcq pendant que les vigiles s’affairent à fouiller les
gens, trrrrrès lentement et pas sûrement. Tellement lentement que je manque de
rater le début du premier set.
Novelists ouvre le bal en
remplacement de Thornhill et Miss May I avec un line-up tout
chaud sorti du four : suite au remplacement de Mattéo par Tobias Rische (ex-Alazka), c’est Pierre Danel (Kadinja, Sal3m) qui vient
rajouter sa pierre à l’édifice et prend la place laissée vacante après le
départ de Charles-Henri en 2018. Le quartet (re)devenu quintet défend, pour cette
première date française de la tournée, son dernier album en date en compagnie
de cette nouvelle équipe : au revoir les influences mélodiques Pop et la profondeur mélancolique, bonjour le Metalcore et les effets synthétiques à outrance (basiques ou adaptation aux tendances musicales, chacun voit midi à sa porte). Ce chapitre sorti en septembre n’a pas grand-chose de
neuf, finalement : sur douze titres, cinq sont des interludes
instrumentaux plus ou moins courts (allant de 59 secondes à 2 minutes 20), et
cinq autres étaient déjà sortis en tant que singles, étalés de fin 2020 à juin
2022.
Heureusement, leur passage sera essentiellement
concentré sur les morceaux au format plus radio-friendly, avec en prime A Bitter
End (Noir, 2017) et Gravity (Souvenirs, 2015), pour
les fans de la première heure. Cependant, la voix plus Metalcore de Tobias n’est pas du
même effet que le timbre bluesy de Mattéo. Nous
aurons droit à une joute de virtuosité entre Pierre et Flo avant l’efficace Smoke
Signals, sur laquelle on peut enfin entendre Nicolas Delestrade (Basse - Ten56) au chant clair ! Lui qui ne parle
jamais sur scène (de ses dires) et qui était plus discret sur les opus
précédents, sa visibilité plus importante fait plaisir à constater. Le public
sera ultra-réceptif tout le long, n’hésitant pas à slammer et à enchaîner les
circle pit. On n'a que peu à ajouter sur leur impeccable prestation, à part qu'on aurait peut-être interverti Lost Cause et Do You Really Wanna Know?,
l’outro de cette dernière, fût-elle rallongée, aurait peut-être eu plus
d’impact pour une fin de set - un peu à la manière de Leprous lorsqu'ils nous
quittent sur The Sky Is Red. N'hésitez-pas à aller les voir en 2023.
C’est au tour de Bury Tomorrow d’enflammer les planches du Cabaret, après avoir retourné les terres galloises
du Hellfest et du Motocultor. Et n’ayant pas visité l’Ile-de-France depuis le
Download 2018, il faut rattraper le temps perdu. Accrochez-vous à vos
slips, serrez les fesses, c’est l’heure de la pétée. Le sextet britannique motive la foule d’entrée de jeu en les invitant à un wall of death dès le premier
titre, Choke. Sans surprise, leur acte sera centré sur l’album Cannibal,
sorti en plein confinement 2020 et qui n’avait pas eu de tournée consacrée
jusqu’à présent. Qu’à cela ne tienne, les fans ont eu le temps de réviser et
scanderont volontiers l’intégralité des paroles ! Notons que Dany prend beaucoup de
temps pour converser avec nous, nous faire faire une hola, nous convier à attraper
le bras de nos voisins et sauter en rythme - qu’on exécute de bon gré, le tout
saupoudré d’une bonne dose d’humour à l’anglaise. « When life gives you
something awkward, you lean into it and make it even more awkward »,
comme il dit. C’est indéniable, ils savent mettre l’ambiance. Et quelle
ambiance ! Sur Abandon Us et Boltcutter, singles prévus sur
leur prochain volet The Seventh Sun (2023), les mouvements de foule
sont tels que les barrières entourant la régie sont prêtes à lâcher, laissant
l’ingé son protéger la baraque à lui tout seul ! Pour couronner le tout, c’est
sur le breakdowns énervés de Death et Cannibal de l’album éponyme
que les crowdsurfers déferleront sur la sécurité de manière continue, un peu
comme la scène d’ouverture de The Happening (2008) de M. Night Shyamalan.
Le set des américains d’August
Burns Red sera un peu plus en demi-teinte. Cela vient possiblement du
défoulement excessif du public, ou du déroulement très expéditif des titres, rendant
le fil conducteur du show difficile à suivre - et par conséquent, un dialogue
entre fans et musiciens plus que faible, comparé aux britanniques. Le quintet ouvre avec leur reprise de
Chop Suey (System Of A Down), titre éternellement fédérateur par son efficacité et son classicisme.
Ni une ni deux, on ne laisse pas retomber l’adrénaline et on enchaîne avec Bloodletter,
Paramount et Dismembered Memory de Guardians, leur dernier "vrai" ouvrage studio datant de 2020 (désolée, mais les chansons de
Noël, ça ne compte pas). Les injonctions pour chauffer la salle sont évidemment
présentes : le classique "jump! jump!" ou encore, derrière sa basse headless Thanos de chez Kiesel, Dustin Davidson qui invite les plus
téméraires à un wall of death imminent tel Moïse séparant la Mer Rouge en deux
(convenu, vue la couleur des spots)… Efficaces, mais toujours peu de réels
échanges. A la limite, cela donne libre cours à quelques incivilités dont le
sens m’échappe comme des éco-cups balancés à vau-l’eau à travers la fosse.
La tête d’affiche choisira de
clôturer la soirée avec Marianas Trench et White Washed (Constellation,
2009), ayant complètement laissé de côté Rescue And Restore (2013) ou Leveler
(2011), que je trouve plus percutant et plus cohérant avec le reste de la
programmation. Cela aurait été l’occasion de le remettre à l’honneur puisque le
groupe célébrait ses dix ans récemment. Si Bury Tomorrow a mis l’accent
sur leur inébranlable volonté d’avoir un esprit familial et inclusif quitte à
foutre l’intolérant à la porte, August Burns Red n’a pas reçu le mémo et
a fait l’impasse sur le minimum syndical de chaleur humaine. Après un bref
salut, ils s’en iront sans rappel et sans la traditionnelle promesse de revenir
prochainement. Dans le futur, qu’ils restent en support, qu’on
puisse finir sur une note positive.