Perturbator, Regarde Les Hommes Tomber, Author & Punisher le 07/10/2022 - Paris (Olympia)

Un peu comme son dernier album, la tournée européenne de Perturbator s'est faite désirer. Après plusieurs reports inévitables, elle s'est enfin tenue début octobre avec d'illustres invités : Author And Punisher et Regarde les Hommes Tomber, Health n'ayant (hélas) pas pu assurer le début de la tournée pour raisons familiales. La date parisienne était particulièrement symbolique, ayant lieu sur les planches révérées de l'Olympia, déjà profanée par son confrère de Synthwave Carpenter Brut en 2018.

Quelle riche idée d'avoir convié cet ovni de la scène indus pour cette tournée ! Author And Punisher, alias Tristan Shone, a de plus prouvé cette année qu'il est au sommet de son art avec son dernier album Krüller. C'est un disque résolument plus mélodique que ses prédécesseurs, mais aussi plus riche, notamment grâce à l'ajout d'une guitare sur la majorité des titres. Dieu merci, ces riffs ne sont pas samplés ce soir, mais joués avec maestria par Doug Sabolick (Ecstatic Vision). 




Si on avait quelques craintes au niveau du son, la configuration de l'Olympia étant souvent ingrate avec le Metal, Tristan et Doug nous rassurent vite : le son est puissant, brut et précis à la fois. Le set est sans surprise axé sur Krüller, mention spéciale à la superbe reprise de Glory Box (Portishead) qui nous fait espérer qu'Author And Punisher réitèrera l'exercice de la reprise rapidement. En soi, ce concert n'avait qu'un défaut : trente petites minutes. Heureusement, des chanceux avaient pu le voir quelques mois plus tôt en compagnie de Hangman's Chair et Emptiness au Trabendo (une autre superbe date signée The Link Prod au passage). Dommage qu'une bonne portion de l'Olympia n'ait pas assisté à cette prestation d'un artiste qui n'a pas son pareil aujourd'hui. 

Si les riffeurs de Regarde Les Hommes Tomber sont amis de longue date de Perturbator, ils n'ont pas démérité leur place sur la scène de l'Olympia pour autant. Le quintet nantais est en effet devenu le fer de lance de la nouvelle scène Black Metal française, fer qui a été battu sur de longues tournées et les plus prestigieux festivals dans toute l'Europe. Le set délivré ce soir est manifestement rodé, maîtrisé sur le bout des doigts dans ses moindres détails, y compris chez leurs techniciens qui ont réussi à diffuser une odeur d'encens jusqu'aux confins de la (très grande) fosse de l'Olympia. 



La setlist est répartie entre les deux derniers albums du groupe, Exile et le plus récent Ascension, nettement plus Black Metal pur jus et axé sur les riffs en tremolo. Encore une fois, difficile de mettre en avant un musicien plus qu'un autre, sachant qu'ils maîtrisent chacun leur élément avec brio... en fait, ces cinq-là semblent former une unité extrêmement bien soudée qui vaut plus que la somme de ses parties. Ironiquement, l'art de Regarde Les Hommes Tomber prend un sens beaucoup plus brûlant en ces temps troublés où le mot "effondrement" est si souvent prononcé (nous vous renvoyons à notre dernière interview avec le groupe), une époque sombre dont The Incandescent March est la parfaite bande originale. Que nous proposerons-t-ils donc sur le prochain album ?

La voix de Farida Lemouchi (Molassess, The Devil's Blood) résonne dans la sono de l'Olympia quand on se met à réfléchir au parcours de Perturbator. Le parisien avait entamé une mutation de sa musique sur New Model en 2017, penchant vers l'Indus et inspiré par la Trap et la Techno de Detroit. Des ses propres dires, Lustful Sacraments est une lettre d'amour aux musiques gothiques et Post-Punk, d'où l'intégration logique de guitare et de chant dans ses concerts. On peut l'entendre dès la première piste du set, Excess et c'est une vraie réussite. L'ajout de la guitare et du chant interprétés par James Kent apportent une authenticité bienvenue à la musique, qui repose beaucoup sur des samples à un concert de Perturbator



Il faut maintenant saluer le troisième héros du concert derrière Kent et Dylan Hyard (batterie - Worst Doubt) : l'ingé-lumière. Un travail qu'on devine titanesque a été abattu pour proposer une mise en lumière inventive, dynamique et différente sur chaque titre. A certains moments, les textures mises en scène sont telles qu'on se croirait happé dans Suspiria de Dario Argento. On a ici affaire à un des plus beaux jeux de lumières de concert de ces dernières années et l'apport significatif de ce travail à l'immersion, à l'ambiance du concert montre à quel point la lumière est une composante qui est trop sous-estimée dans la scène Rock / Metal. Comme pour les deux précédents groupes, le son est très bon et puissant, permettant de profiter pleinement du spectacle et des meilleurs titres du dernier album de Perturbator : Dethroned Under A Funeral Haze, Death Of The Soul, sans oublier des tubes comme Tactical Precision Disarray et Humans Are Such Easy Prey.



On peut noter un vrai effort sur les transitions entre les morceaux, plutôt qu'un simple enchaînement de morceaux. A cela s'ajoute un intelligent travail d'arrangements pour rejouer certaines parties à la guitare alors qu'elles étaient jouées au synthé sur la version album, en plus de la batterie puissante de Dylan, qui amène elle aussi une touche analogique à des motifs programmés sur boîte à rythme sur disque. S'il y avait un reproche à faire au concert, ce serait peut être la présence trop prenante d'anciens titres qui n'ont plus grand chose à voir avec la musique actuelle de Perturbator et trop entendues sur les précédentes tournées (She Comes Like A Knife, Neo Tokyo, The Cult Of 2112) Mais pour le reste, c'est un sans fautes et on a déjà hâte de voir dans quelle direction James Kent ira pour sa sortie à venir, qui arrivera rapidement, on l'espère. 

Neredude (Novembre 2022)

Photos par Leonor Ananké / © 2022 
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