Anna Von Hausswolff le 18/10/22 - Montreuil (Marbrerie)

Le Mardi 18 Octobre s’est produit à la Marbrerie de Montreuil le sabbat mystique d’Anna Von Hausswolff, neuvième et dernier d’une tournée qui l’aura emmenée en Espagne et au Portugal. Accompagnée de William Fowler Collins et du légendaire Aaron Turner (Isis, Sumac, Old Man Gloom), c’est dans une salle complète que la présumée sataniste (par certains croyants assez crétins et crédules) nous a fait rêver pendant une heure et demie.

C’est à William Fowler Collins d’avoir l’honneur d’ouvrir la soirée avec son Drone / Ambient mi planant, mi perturbé. Le musicien sera au centre et au bord de la scène, assis et baignant dans une lumière tamisée, entouré de ses amplis. Je n’ai malheureusement pu assister qu’à deux minutes du concert, son set commençant à 19h30 et ne durant qu’une demi-heure, le timing était trop serré pour moi. Cela aurait au moins eu le mérite de me faire découvrir son travail, dont l’album We Are Here To Help You qui est sympa à écouter.

Vient alors Aaron Turner et ses deux amplis, monolithes qui l’entourent, reconnaissable avec sa grosse barbe et sa fameuse guitare transparente (qui m’avait déjà tapé dans l’œil lors d’un concert de Sumac). La salle se remplit de plus en plus, affichant complet pour cette unique date en France après l’annulation de celle de Montpellier (Anna était aphone). Aaron Turner commence son set, seul à la guitare, assis par terre (ou à genoux, je ne pouvais le voir), produisant des notes par ci par là qu’il bouclait via un looper, envoyé dans l’un ou l’autre des deux amplis qui l’entouraient. Outre le fait de proposer deux premières parties qui ont la même configuration et un jeu singulier, c’est à dire de n’être constitué que d’une personne à la guitare qui explore les terrains de la musique expérimentale, c’est assez osé, mais en plus en première partie d’une artiste qui n’est pas non plus avant-gardiste, ça promettait des décalages entre les artistes et le public. Et il y en a eu. Oh oui !

Aaron Turner joue devant une foule indifférente, telle la légende passée du Post-Metal qu’il est, dont plus grand monde n’en a à foutre. Il répète les mêmes choses continuellement, les mêmes notes sur son looper, psalmodiant un rituel en boucle, tel le pèlerin qu’il est et à qui il ressemble physiquement. Dans le public, l’immense majorité cause et gueule sans aucune gêne, parle de son boulot, de ses relations, se plaint... Même si vous ne voulez pas les écouter, vous n’avez pas le choix. Ça vient te pousser pour se coller à côté de toi et passer son temps à causer, sans aucun respect. Aaron semble également être énervé et monte d’un bon cran le son de ses amplis, couvrant un peu mieux les voix de ce public de merde. Mais on pourrait aussi se poser la question, de ce que viennent faire deux artistes un peu expérimentaux (et à côté de Turner, William Collins fait presque de la Pop) en première partie d’une artiste qui produit une musique beaucoup plus accessible ? Est-ce que ça n’était pas un peu prévisible ? Le décalage oui, le manque de respect, non. Quoi qu’il en soit, c’est un public en grande majorité pas familière de la sphère Metal qui est présent, car quand Turner se lève d’un coup et se met à hurler avec son growl caractéristique de vieux monsieur, tous les regards se tournent vers lui, coupant le babillage de quelques secondes. A en voir l’expression des personnes présentes, ils auront découvert une nouvelle chose dans leur vie ce soir.



Alors que son set devait durer normalement 45 minutes, Aaron abrège sa prestation au bout de vingt minutes, range sa guitare, ses amplis et se barre. C’est assez triste d’assister à ça. S’ensuit une attente de 45 minutes, alourdies par une programmation musicale totalement à côté de la plaque. Je veux dire, dans un concert où il y a : un musicien Drone / Ambient, un autre qui est une référence du Post-Metal et une dernière qui fait de la musique Rock / Doom gothique avec de l’orgue, quelle serait la meilleure musique à diffuser entre les sets ? Si vous répondez du Reggae, plusieurs possibilités : Soit vous êtes effectivement la personne qui a choisi de diffuser ça dans la salle, soit vous êtes très habitué des lieux et c’est courant à la Marbrerie, soit vous êtes con.
Quoi qu’il en soit, c’est après s’être tapé 45 minutes de Reggae (avec l’exception d’un morceau de Slayer, autant à côté de la plaque que le reste) qu’Anna Von Hausswolff débute enfin son set.

Étant très familier de sa discographie et ayant eu la chance de l’avoir vue à Paris dans l’église protestante après l’annulation par les fanatiques catholiques, je ne peux vous conseiller qu’une seule chose : si vous aimez ses disques, courez la voir en concert. Ses morceaux s’en trouvent magnifiés et même modifiés avec une petite part d’improvisation ou d'adaptation live je ne sais pas, mais cela fonctionne. L’alchimie opère sans problème avec les musiciens qui l’accompagnent ce soir, un guitariste, un bassiste, un batteur et enfin une autre personne au clavier, instrument de prédilection dans sa musique. Durant son set d’une heure trente, Anna vole, tantôt à son clavier avec son d’orgue ou à sa guitare, tout en chantant, avec une énergie et une précision vocale parfaites. Elle enchaîne des titres de The Miraculous, Ceremony et lorsque vient le fameux Ugly And Vengeful de Dead Magic, le silence se fait alors total dans la salle. S’ensuivent alors plus de vingt minutes de grâce, d’ambiance ésotérique, de talent fou. La magie n’est pas morte et Anna le prouve ici ce soir avec maestria. On part sur le doomesque The Mysterious Vanishing Of Electra, le temps pour Anna de prendre la guitare pour nous faire secouer la tête. Après un rappel vient alors le dernier titre, qui, après une petite recherche, n’a jamais été enregistré et qui se nomme Gösta ou The Mirror, un titre écrit par Anna et sa sœur.

C’est pendant ce titre particulièrement calme et touchant, chargé d’une grande émotion, qu’Anna descend dans le public et le traverse, tout en regardant presque chacun dans les yeux, s’arrêtant, souriant, touchant un bras, marchant en fendant la foule qui s’écarte respectueusement. C'est un moment magique, le temps est suspendu, sa voix chargée de mélancolie et de compassion résonne et nous fait vibrer plus fort qu’un concert de Sunn O))), du moins différemment. Elle regagne la scène sous les applaudissements, remercie et salue la foule avec ses musiciens et repart. Les lumières se rallument. Qu'il est dur de revenir à la réalité après ce rêve envoûtant. Mais les souvenirs restent et les échos de sa musique et des sentiments ressentis sont encore là et dureront encore un bon moment.

Barja (Novembre 2022)

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment