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Billy Talent, Ephen Rian le 18/09/06 - Paris (Batofar)
Le voilà, le concert qu’on attendait. Billy Talent est-il aussi talentueux sur galette studio qu’en live brut? Le Batofar est plein comme un œuf ce soir (concert à guichets fermés), près de 400 emo-kids (mais pas seulement) suent à grosses gouttes alors que le concert n’a pas commencé. Ça descend plus ou moins des bières devant la salle de concert, en écoutant de loin Ephen Rian faire de son mieux pour décrocher un poing levé, un début de dandinement de cul, tout juste un sourire. Le son est tout gauffré, ça passe tout juste le temps.
Bon, maintenant qu’on a perdu les motivés de la 'lecture de chroniques live par procuration' (parce que par exemple, ils habitent Liverdun, en banlieue nancéenne ; ou parce qu’ils n’ont pas 20€ à foutre dans un concert de rock’n roll ou bien encore parce qu’ils s'y sont pris la veille pour acheter aux enchères sur e-bay leur billet à 50€), bref, maintenant qu’on est plus qu’un très petit nombre à lire ces dernières lignes, je voudrais soulever une nouvelle fois cette question qui me taraude: pourquoi les gens (aux concerts, live) passent-ils leur temps à filmer avec leur téléphone portable pourri des morceaux de concert, pourquoi les gens (aux concerts, live) passent-ils leur temps à appeler leurs copains (les "lecteurs de chronique par procuration" susmentionnés) pendant "Pins and Needles" ou autres tubes ? Pour faire plaisir à leur pote, le lendemain matin dans la cours de récré? "Tiens regarde, hier, moi, j’ai vu Billy Talent en vrai, Na !". Possible, mais pas convaincant. Et puis si on y réfléchit deux secondes, le gars a passé tout son concert à regarder bêtement un écran minuscule qui filmait un concert auquel il était sensé assister, sans en regarder une seule seconde "directement". Alors ça rime à quoi ? Et là on touche un point important. La société du spectacle nous a donc tous englué doucement dans ce rapport à la représentation via un filtre médiatique puissant. Les choses ne sont donc définitivement plus vécues directement, tout s’est éloigné dans une représentation. Pour le dire autrement, on a l’impression de regarder de la télé-"réalité", en fait, on regarde une représentation d’un spectacle scénarisé. On jouit de regarder un extrait merdique d’un concert, entre copain, au lieu d’en jouir à l’instant où il se déroule. On ne vit plus les situation que par l’intermédiaire d’un média, aliénant la nature humaine, pour finir par la dominer, l’orchestrer. Un bonhomme a écrit un jour un livre qui s’appelle La Société du Spectacle, c’est parfois un peu chiant (et abscond) mais ça vaudrait le coup de se plonger dedans un de ces quatre. Guy Debord, puisque c’est de lui dont il s’agit, y évoque entre autres les différences entre présentation et représentation, vous savez la peinture de René Magritte qui montre une pipe, avec en dessous, écrit "Ceci n’est pas une pipe" (il a fait la même avec une pomme). On rit, on est emmerdé, on se demande parfois ce que ça peut bien pouvoir dire. Et bien c’est tout simple, ce n’est effectivement pas une pipe, c’est la représentation d’une pipe. Et ça change tout. Puisqu’on ne peut pas fumer cette pipe. On ne peut qu’en jouir visuellement, si vous me passez l’expression. Ce qui me perturbe, c’est la manière dont on envisage la musique live à travers l’illusion de la représentation, comme un stade vidéo, comme un concept autoréférentielle du "j’y étais". On s’en branle de ça. Est-ce que c’était bien au moins, le concert ? Yul (Octobre 2006)
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