Billy Talent, Ephen Rian le 18/09/06 - Paris (Batofar)

Le voilà, le concert qu’on attendait. Billy Talent est-il aussi talentueux sur galette studio qu’en live brut? Le Batofar est plein comme un œuf ce soir (concert à guichets fermés), près de 400 emo-kids (mais pas seulement) suent à grosses gouttes alors que le concert n’a pas commencé. Ça descend plus ou moins des bières devant la salle de concert, en écoutant de loin Ephen Rian faire de son mieux pour décrocher un poing levé, un début de dandinement de cul, tout juste un sourire. Le son est tout gauffré, ça passe tout juste le temps.
Passons aux choses sérieuses, avec un vrai groupe de coiffeurs canadiens : Ian Kowalewicz (chant) est un mix entre Anthony Kiedis, le chanteur des Red Hot Chili Peppers et le gars de Big D And The kids Table, Dave, pour ceux qui connaissent. Grande mèche brune, sensible et touchant finalement, dans ces 'screams'. Jon Gallant (basse), toujours dans une veine culinaire, à une sorte de choucroute dégeulasse sur la tête, on l’imagine aisément chez le coiffeur demander : "Well, comme d’hab, à chier devant, bien nul sur les côté et pourri derrière". Bravo, c’est réussi. Aaron Solowoniuk (batterie) est tout droit sorti d’un film américain, le type qui joue le méchant, mais qui se révèle avoir le coeur sur la main. Palme d’or capillaire, D’Sa (guitare) mi-crooner, mi-rockabilly, jolie aisance à la guitare.
Bon, maintenant qu’on a perdu les moins motivés à la lecture de 'chroniques de live', avouons, qu’on a eu très peur pendant les trois premières chansons. La gratte super faible (était-elle seulement reprise?) et la voix super forte. Même si on aime Ian, c’est bien que tout soit homogène quand même. Heureusement, les chansons sont plus ou moins bien interprétées, ça tient la route tout du long, les refrains sont chantés en chœur par le public, ainsi que le charismatique D’Sa (excellent comme animateur de soirée). Au final, on a droit à un set bien balancé entre le premier et le dernier album ("Devil In The Midnight Mass" fait un tabac, "Surrender" itoo). Un rappel entamé avec "Red Flag" remet tout le monde d’accord. Billy Talent poursuit sa tournée sold out, vendant ses t-shirts 25 euros, aucun CD et le sourire "indé" majorisé.

 

Bon, maintenant qu’on a perdu les motivés de la 'lecture de chroniques live par procuration' (parce que par exemple, ils habitent Liverdun, en banlieue nancéenne ; ou parce qu’ils n’ont pas 20€ à foutre dans un concert de rock’n roll ou bien encore parce qu’ils s'y sont pris la veille pour acheter aux enchères sur e-bay leur billet à 50€), bref, maintenant qu’on est plus qu’un très petit nombre à lire ces dernières lignes, je voudrais soulever une nouvelle fois cette question qui me taraude: pourquoi les gens (aux concerts, live) passent-ils leur temps à filmer avec leur téléphone portable pourri des morceaux de concert, pourquoi les gens (aux concerts, live) passent-ils leur temps à appeler leurs copains (les "lecteurs de chronique par procuration" susmentionnés) pendant "Pins and Needles" ou autres tubes ? Pour faire plaisir à leur pote, le lendemain matin dans la cours de récré? "Tiens regarde, hier, moi, j’ai vu Billy Talent en vrai, Na !". Possible, mais pas convaincant. Et puis si on y réfléchit deux secondes, le gars a passé tout son concert à regarder bêtement un écran minuscule qui filmait un concert auquel il était sensé assister, sans en regarder une seule seconde "directement". Alors ça rime à quoi ? Et là on touche un point important. La société du spectacle nous a donc tous englué doucement dans ce rapport à la représentation via un filtre médiatique puissant. Les choses ne sont donc définitivement plus vécues directement, tout s’est éloigné dans une représentation. Pour le dire autrement, on a l’impression de regarder de la télé-"réalité", en fait, on regarde une représentation d’un spectacle scénarisé. On jouit de regarder un extrait merdique d’un concert, entre copain, au lieu d’en jouir à l’instant où il se déroule. On ne vit plus les situation que par l’intermédiaire d’un média, aliénant la nature humaine, pour finir par la dominer, l’orchestrer. Un bonhomme a écrit un jour un livre qui s’appelle La Société du Spectacle, c’est parfois un peu chiant (et abscond) mais ça vaudrait le coup de se plonger dedans un de ces quatre. Guy Debord, puisque c’est de lui dont il s’agit, y évoque entre autres les différences entre présentation et représentation, vous savez la peinture de René Magritte qui montre une pipe, avec en dessous, écrit "Ceci n’est pas une pipe" (il a fait la même avec une pomme). On rit, on est emmerdé, on se demande parfois ce que ça peut bien pouvoir dire. Et bien c’est tout simple, ce n’est effectivement pas une pipe, c’est la représentation d’une pipe. Et ça change tout. Puisqu’on ne peut pas fumer cette pipe. On ne peut qu’en jouir visuellement, si vous me passez l’expression. Ce qui me perturbe, c’est la manière dont on envisage la musique live à travers l’illusion de la représentation, comme un stade vidéo, comme un concept autoréférentielle du "j’y étais". On s’en branle de ça. Est-ce que c’était bien au moins, le concert ?

Yul (Octobre 2006)

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment