Jinjer, The Agonist, Khroma, Space Of Variation le 08/12/2019 - Toulouse (Le Rex)

Le 8 décembre, Jinjer faisait son quatrième arrêt dans la ville rose en deux ans (deux des trois fois précédentes vous étaient racontées ici et ). Les Ukrainiens semblent avoir conquis le cœur des Toulousains, puisque les revoici donc encore, et cette fois en tête d'affiche dans un Rex affichant complet depuis de longues semaines.

C'est Space Of Variation qui ouvre les hostilités avec un Metal hybride, empruntant au Hardcore un certain goût pour les riffs "bas du front", mais aussi à l'Emo ou à l'Easycore lors des refrains faciles chantés en clair par le guitariste (qu'on entend assez mal). Malgré un public encore relativement clairsemé, le chanteur est complètement à fond, tournant comme un lion en cage, communiquant énormément d'énergie par sa gestuelle. Et ça fonctionne plutôt, car la foule se tasse de plus en plus vers l'avant de la salle, proche de la scène. Les Ukrainiens finissent leur demi-heure impartie devant un parterre bien plus compact et bien plus chaud qu'il ne l'était trente minutes plus tôt. Mission accomplie, donc. L'orga et les roadies connaissent le taff : le changement de plateau durera à peine un quart d'heure, et la ponctualité restera une constante toute la soirée. Khroma investit les planches à son tour, pour une demi-heure d'un Metal débordant de samples électroniques, entre Trap et Indus. Si le mélange ne me parle pas franchement, force est de reconnaître que le vocaliste a un style surpuissant, faisant sortir sans effort des cris colossaux. Les growls sont chargés d'une lourdeur venant du fond de son ventre, on sent que le chant est puissant parce qu'il est visceral. Quand il ne chante pas, il tourne le dos aux spectateurs pour s'affairer sur un sampler. Un choix artistique assez intéressant, plutôt que de laisser la partie électronique de la musique des Finlandais à la seule charge d'un ordinateur.

Dès que Khroma a terminé, on sent que l'intensité de la soirée augmente d'un cran, rien que pendant la pause entre eux et The Agonist. La densité au mètre-carré quadruple subitement, en tout cas là où je me trouve, à environ trois mètres de la scène. Je n'ose pas bouger, de peur de ne pas retrouver la même place, mais de toutes manières le changement de plateau est à nouveau rondement mené en quinze minutes. Les lumières s'éteignent, les musiciens entrent en scène et attaquent avec In Vertigo, le titre d'ouverture de leur récent sixième album, Orphans. L'énergie déployée est énorme et authentique, les quatre musiciens sont tous à fond dès la première seconde. Et tout s'intensifie encore quand la vocaliste entre en jeu : Vicky Psarakis est magique, sur tous les plans. La jeune femme assure un jeu de scène indéniable, occupant les planches avec bien plus d'assurance que les deux chanteurs qui l'ont précédés. Son charisme est total, ses sourires sont francs, la Canadienne est tout à fait dans son élément et ça se voit. Mais encore plus important, son chant est incroyable. Si je nourrissais un doute quant à sa voix dans ma chronique de Eye Of Providence en 2015, puis avais désavoué Five l'année d'après, la prestation vocale dans Orphans me convient bien mais l'album est trop récent pour que j'en ai saisi toutes les subtilités. Le groupe, et surtout la chanteuse, se sont donc chargé de démontrer à quel point l'actuelle frontwoman n'est pas "juste" la remplaçante de son iconique prédécesseure. Non, The Agonist, c'est Vicky Psarakis, avec son chant screamé ou growlé, sa voix claire très juste et bien placée, ses transitions voix de coffre / voix de tête indécelables, et même quelques passages en inhale, quasiment en pig-squeal, rien ne l'arrête, tout est beaucoup trop bien réalisé. The Agonist a l'excellente idée d'éviter dans sa set-list le douloureux Five, pourtant récent, et concentre sa prestation autour d'Orphans. Pourtant il y a aura des exceptions : dès le second titre, c'est l'excellent Panophobia qui est joué (issu de Prisoners, sorti à la fin de l'ère Alissa White-Gluz), puis le titre d'ouverture de Eye Of Providence s'enchaine. Les prestations des cinq membres sont incroyables, rien n'est à jeter. Après The Gift Of Silence se produit le seul moment faible du set : un solo de batterie. Sérieusement ? Quand on ne joue que cinquante minutes et qu'on a six albums au compteur, c'est quand même dommage... J'aurais très volontiers troqué cet interlude contre un titre supplémentaire. Les Canadiens ajoutent un autre extrait de Prisoners (Dead Ocean) dans la seconde moitié de leur set, puis concluent avec l'indispensable single Burn It All Down. Le tout dernier titre sera As One We Survive, dont le final lancinant qui gagne en intensité dans le chant se prête parfaitement à une conclusion de concert. Chapeau bas.

Je ne tiens plus. Si l'intensité du show de The Agonist m'a fait survivre pendant leur prestation, l'intermède avant la tête d'affiche m'est fatal, et je dois accepter de céder du terrain. La foule reste aussi compacte, et je dois me frayer difficilement un chemin vers l'arrière de la salle. C'est une configuration que je n'avait jamais vue : la scène du Rex est nantie de trois écrans verticaux qui habillent le fond, en guise de backdrop. Lorsque le show de Jinjer commence, l'écran du milieu affiche un compte à rebours de trois minutes pendant que résonne le sample de lainnereP. Quand il se termine enfin (c'est long, trois minutes entière dans le noir à attendre que le groupe arrive !), le quatuor entre en scène et amorce Teacher Teacher. Ah bon ? Eh oui. C'est un peu étrange de ne pas ouvrir par un morceau emblématique issu du dernier album en date, mais bon pourquoi pas... Sauf que le second titre est encore plus vieux (Sit Stay Roll Over). Il faudra attendre le quatrième morceaux pour avoir un extrait du récent Macro, album qui sera d'ailleurs sous-représenté dans la set-list. En seront issus Judgement (& Punishment), Retrospection, On The Top et Pit Of Consciousness, éparpillés en pointillés ça et là dans le show. L'EP Micro sera lui joué en entier, mais l'album le plus représenté sera King Of Everything. Drôles de choix... Mais malgré cette prise de position osée en terme de set-list, Jinjer n'est quand même pas là pour épiler les kiwis. Le quatuor balance une tartine de Metalcore furieux, convainquant, où le rôle de la basse est vraiment mis en avant par le fait qu'une seule guitare soit utilisée. L'ensemble allie groove et technique, c'est mastoc, c'est massif, c'est efficace. Derrière le micro, Tatiana Shmailyuk semble tout aussi dynamique que sa comparse de The Agonist, mais niveau vocal, la Canadienne l'emporte haut la main. La chanteuse de Jinjer semble en effet un peu fatiguée ou malade, et si son chant clair comme ses growls sont au point, elle ne se risquera pas à s'éloigner de sa zone de confort et ne proposera pas une amplitude aussi folle que l'étendue des capacités de Vicky Psarakis. D'ailleurs, entre les titres, la communication sera très rare de la part de la frontwoman ukrainienne, et à chaque fois elle aura l'air très essoufflée dans ses courtes interventions parlées. Si musicalement Jinjer fait le taff (surtout pendant les classiques I Speak Astronomy ou Who Is Gonna Be The One, où pas mal de gens reprennent les refrains en chœur), le côté visuel n'est pas si fou. Peut-être était-ce le cas sur les premiers groupes, mais en étant devant cela ne m'avait pas marqué. Depuis le fond de la salle, je me rend compte que l'éclairage est peu présent, et vient surtout de derrière les musiciens (et c'est accentué par les LEDs des trois écrans en fond de scène). Résultat, on voit peu de détails du jeu des musiciens, et on est même parfois obligé de plisser les yeux pour ne pas être éblouis. Dommage. Les Ukrainiens nous laissent après leurs Words Of Wisdom, mais reviennent pour un dernier titre en rappel : si vous suiviez bien, ils n'avaient pas encore joué Pisces, et il était impensable qu'ils partent sans nous l'avoir asséné. C'est chose faite, et... c'est tout. Un seul titre en rappel, pour un show qui dépasse à peine l'heure. Un peu court, dommage encore.

La salle se vide lentement, le merch à l'entrée attire l’œil et ralentit le mouvement. Les trois premiers groupes sont disponibles, discutent, signent leurs disques, prennent des photos. Les CDs de Jinjer sont toujours à 25€, comme la fois d'avant, et je les bouderai donc autant que la fois d'avant, malgré l'envie de soutenir la formation. Avant de finir, un dernier point sur l'ambiance globale, qui a rendu l'expérience de ce concert moins agréable dans son ensemble. Il me semble qu'une certaine proportion du public ne venait pas que pour la musique, mais aussi pour les chanteuses. Je n'ai évoqué plus haut que leurs aptitudes scéniques, et j'estime que c'est tout ce qui importe. Les mouvements de foule pour se rapprocher toujours plus du centre de la scène (alors que regardez, Danny Marino joue un solo incroyable sur la droite de la scène, là, mais tout le monde s'en fout en fait ?), les "à poooiiil", les cœurs avec les mains, les "Tatiana I love you !"... Beaucoup d'aspects qui auraient pu être "juste normaux" si des hommes tenaient le micro des deux derniers groupes, ont ici été sabotés. D'ailleurs, bien joué de la part de Tatiana Shmailyuk pour avoir gardé son espèce de trench-coat tout le long du show, déjouant en grande partie le stéréotype d'hypersexualisation de la chanteuse en mode "figure de proue du groupe". Malgré certaines faiblesses dans la soirée (les deux premiers groupes qui m'ont peu parlé, pas assez de The Agonist, les lumières et l'étrange setlist sur Jinjer, et surtout cet aspect beauf), les points forts étaient aussi nombreux, à commencer par les performances musicales des quatre groupes et principalement des deux derniers, une orga au top avec une ponctualité exemplaire. Ca se compense largement. Tout est bien qui fini bien.

Zbrlah (Décembre 2019)

Merci à Mina et à Emilie de Regarts Asso pour l'invitation à ce concert. 

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