Opeth à l'Olympia par Garmonbozia [Paris, 11/11/2019]

Avec In Cauda Venenum, Opeth a sans aucun doute marqué les esprits. C'est un album alambiqué et dense, un vrai ultimatum prog chanté en suédois. Il y avait donc de quoi être curieux quant à leur tournée pour défendre ce disque. En France, c'était un concert important à l'Olympia, à la fois pour Opeth mais aussi pour Garmonbozia, organisateurs du concert. Voir cette association porter un groupe comme Opeth dans une salle aussi prestigieuse, c'est peut être aussi un signe de bonne santé pour la branche non-grand public du Metal et il faut s'en réjouir.


The Vintage Caravan

Depuis des années, Opeth avait l'habitude de jouer sans première partie ou d'embarquer de bons groupes sur leurs tournées. On peut notamment se souvenir d'Alcest en 2014 ou de ce doux set sans distorsion signé Myrkur en 2016. Par contre, cette fois, on ne peut pas vraiment parler d'une réussite mais plutôt d'un gâteau fourré au vide servi avec amour par Nuclear Blast, label des deux formations jouant ce soir.


Que dire de The Vintage Caravan ? C'est le stéréotype du rock mâtiné de son vintage, certes (trop) bien exécuté, mais qui manque cruellement de caractère. Avez-vous retenu ne serait-ce qu'UN riff de ce concert ? A part de bien fades choeurs à trois voix, rien ne permet de distinguer The Vintage Caravan d'un autre groupe de rock 70s. C'est plat, sans saveur et d'autant plus triste que le son est très bon et les musiciens manifestement talentueux : soli de guitare maitrisés, chant juste, section rythmique calée au millimètre près. C'est du décibel générique comme une molécule de paracetamol de contrefaçon, une musique de fond, aussitôt absorbée, aussitôt oubliée.‎


Opeth


"Le changement, c'est maintenant." avec Opeth, et cela dès l'intro puisque ce n'est plus Through Pain to Heaven de Popol Vuh, que le groupe utilisait depuis des décennies pour débuter ses concerts. En cause, de sombres histoires de royalties avec le fils de Florian Fricke (Popol Vuh). ‎[NdR : voir l'interview de Mike Akerfeldt dans le New Noise n•50] A la place, nous avons droit à l'intro d'In Cauda Venenum et... c'est une bonne chose, parce qu'elle est très convaincante dans son hommage à la musique de Tangerine Dream et de Popol Vuh, justement. Il fleure un bon parfum des seventies dans l'Olympia, car le dernier album d'Opeth fait écho à la créativité bouillonnante des musiciens de cette décennie. Mike semble en bonne forme et est assisté avec brio à la voix par Joachim Svalberg, qui nous sort même quelques falsettos du meilleur effet. 



Si la setlist laisse peu de places aux surprises, il est tout de même plaisant d'entendre les nouveaux morceaux, qui présagent une renaissance artistique pour le groupe. Il est d'ailleurs clair que Mike est plus impliqué vocalement sur les extraits d'In Cauda Venenum et on ne va pas se mentir, c'est un délice de l'entendre chanter en suédois. Par contre, comme d'habitude à l'Olympia, le son est incompréhensiblement bizarre, pour ne pas dire franchement mauvais, un crime de lèse majesté quand on connaît le talent de l'ingé-son d'Opeth. Grosse caisse absente sur les parties rapides, fréquences basses beaucoup trop présentes, faut-il en dire plus ? Et cette fois, nous ne sommes pas les seuls à râler puisque plusieurs personnes hurleront en choeur "cut the bass !!" entre les morceaux. Bref, il serait plus que temps que les propriétaires de la salle s'occupe de ces problèmes de sonorisation qui sont connus [Ndr : y compris du personnel !] et font honte à la réputation légendaire de l'Olympia.



Ne soyons pas mauvaises langues, Opeth a tout de même sorti quelques raretés de sa besace, à commencer par Nepenthe, un très beau (et injustement sous-estimé) jam 70s qui évoque aussi bien Jethro Tull que la première période de King Crimson. Difficile également de bouder son plaisir quand l'intro de Harlequin Forest retentit, avec son final toujours aussi dantesque sur scène. Et c'est avec une vraie satisfaction qu'on entend Mike dire que cela faisait des années qu'ils essayaient de jouer à l'Olympia avec l'assistance de Fred Chouesne, le fondateur de Garmonbozia. [NdR : l'association a fait jouer Opeth en France de 2001 à 2006, puis de 2009 jusqu'à aujourd'hui, sur demande du groupe.] Ce premier Olympia complet est aussi une célébration de leur travail passionné depuis plus de 20 ans et il faut le saluer, l'applaudir, a fortiori à une époque où des entreprises bien loin d'être mélomanes comme Live Nation essayent de s'accaparer les musiques lourdes. 



Sur Moon Above, Sun Below, on redécouvre de vrais moments de beauté et de délicatesse qui sont, on l'oublie trop souvent, toujours présents sur les album récents d'Opeth. Après Hope Leaves et Lotus Eater, on se dit que le concert est finalement plutôt sympathique malgré les problèmes de son. Mais c'était sans compter une petite blague de Mike : lors de la première date de la tournée, le classique The Moor était joué en rappel mais il a depuis été remplacé par... Sorceress, un bon titre, mais qui est tout sauf fédérateur, il est donc incompréhensible de voir la formation le jouer en fin de concert. C'est donc sur une déception que se finit ce set d'Opeth, qui est renforcée par Deliverance, un classique certes, mais joué sans aucune passion par un groupe qui visiblement se force à l'intégrer dans la setlist. Le match retour se fera donc sur la Mainstage du Hellfest 2020, où on espère revoir les suédois dans de meilleures conditions sonores et avec une setlist mieux agencée.

Neredude (Décembre 2019)

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