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Major Arcana le 26/09/19 Paris (Le Trianon)

Le Major Arcana se déroulait fin septembre au Trianon de Paris. Présentée comme une cérémonie illustrée par le duo d’illustrateurs Førtifem (ayant participé à des artworks de groupes comme Emperor, Rammstein, Alcest, Regarde Les Hommes Tomber, Trivium…) l’affiche regroupait trois sets spéciaux et collaboratifs mettant à l’épreuve la créativité et la singularité artistique de chacune des formations qui allait jouer ensemble. Le Trianon affiche complet ce soir, pas si étonnant si on prend en compte la curiosité que l'évènement suscite. Les visuels et les cartes de tarots dessinés par Førtifem représentant chaque groupe de la soirée auront mis l’eau à la bouche. Enfin et surtout, voir un set exclusif d’Alcest et Perturbator jouant sur la même scène, de même que Regarde Les Hommes Tomber et Hangman’s Chair ou Nostromo et Dehn Sora (Treha Sektori, Throane, Ovtrenoir) nous donne très largement envie d’en savoir plus sur comment tous ces sets spéciaux vont prendre forme musicalement et visuellement.

Le premier acte est tenu par Dehn Sora (L’Ermite) et Nostromo (Le Mat) respectivement leurs cartes de tarot. Du Dark Ambient d’un côté, du Grindcore de l’autre, autant dire que l’alliance est osée, voire difficilement concevable. A la manière de l’eau et de l’huile, les deux entités ont du mal à se mélanger. Dehn Sora est pourtant exemplaire dans sa manière de transmettre des pistes immersives, d’un onirisme sombre et percutant. D'ailleurs, posé dans un des confortables fauteuils des balcons, les interludes et transitions sont particulièrement envoûtantes, enrichies des superbes visuels en noir et blanc de Førtifem. Mais ensuite, c’est Nostromo qui prend le relais, et là c’est la décharge de violence, le truc épidermique, le truc qui te donne envie de prendre ce même fauteuil, de le balancer à la gueule du premier venu et de déclencher une émeute. Nostromo c’est la bagarre, le groove, cette rage enfouie au fond de toi et qui explose. L’éruption. A l’inverse de Dehn Sora qui est le chaos intérieur. Javier Varela de Nostromo est toujours aussi impressionnant derrière le micro et les autres musiciens ne sont pas en reste. Et en vrai, le set défonce. Mais ça ne prend pas trop, c’est trop calme. Le cadre ne s’y prête pas, le public n’est pas vraiment dedans, Dehn Sora derrière les musiciens apporte bien quelques textures supplémentaires mais on ne l’entend pas franchement. Du coup, d’un côté on a une musique immersive, contemplative et atmosphérique, de l’autre, l’explosion, la claque au visage et un putain de set de Grindcore. Les deux étaient excellents chacun de leur côté, mais d'un point de vue global, on en ressort pas complètement conquis en se disant qu’on a hâte de retrouver chacun dans son domaine de prédilection à un futur concert.

 

La cohérence sera beaucoup plus de mise sur ce deuxième acte pour Regarde Les Hommes Tomber (La Tour) et Hangman’s Chair (Le Pendu) qui vont jouer deux titres du premier (L’Exil, A Sheep Among The Wolves) et trois autres du second (Banlieue Triste, Naive et Can’t Talk). L’alchimie est totale, la puissance de frappe colossale. Hangman’s Chair apporte de la lourdeur dans les compos de Regarde Les Hommes Tomber et à l’inverse, ces derniers densifient et noircissent encore d’avantage les morceaux d’Hangman’s Chair. Neuf musiciens sur scène, deux batteries qui se relayeront sur les morceaux des deux groupes, mais rarement à jouer ensemble, deux basses, trois guitares au centre et les deux chanteurs de part et d’autre de la scène. Vu la disposition et le nombre de musiciens, on comprend que ça sonne gros, les hurlements et la rage de Thomas complétant d’ailleurs fort bien la voix plus mélodieuse et lyrique de Cédric. Bref, les deux frontmen se complètement bien, chacun dans leur registre et les deux formations avancent comme une seule, imparable, écrasante. La foule est bien plus réactive, les têtes et les corps s’agitent au gré du mélange Black Metal / Doom porté par des illustrations plus sombres et mystiques et toujours aussi captivantes à regarder jusqu'à un final Sludge écrasant  et improvisé. Bref, une superbe alliance, un très gros concert immersif d’un bout à l’autre. Le genre de set et d'expérience qu’il serait chouette de réitérer. Et d'après ce qu'on a pu entendre, ce concert a suscité une pointe de jalousie auprès de certains programmateurs de festival en Hollande.
 

Le troisième acte est présenté par Perturbator (Le Bateleur) et Alcest (L’Etoile). Deux univers artistiques qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre entre la Synthwave sombre et explosive du premier et la beauté éthérée du Shoegaze / Post-Rock de l’autre, il y a un gouffre qui semble infranchissable. Et pourtant un pont va se dresser entre les deux formations. Au départ, James Kent et son batteur sont rejoints sur scène par Neige d’Alcest à la guitare. De nouveaux titres de Perturbator sont joués pour l’occasion. Création pour l’évènement ? Titres à paraître dans un futur album ? Pour l’instant, la question reste en suspens. Toujours est-il que ces nouvelles compositions s’inscrivent d’avantage dans la suite de l’ep New Model paru en 2017, c’est-à-dire des morceaux plus aériens, plus froids, d’avantage nourris d’influences Indus ou Techno, mais chargés d’ambiances moroses et grises. Neige y ajoute des arpèges mélancoliques comme il sait si bien le faire et l’alchimie est au rendez-vous, les deux artistes se complétant parfaitement bien. Encore une fois il est intéressant de noter que Perturbator arrive à sortir du cliché Synthwave et on ne peut qu’être impatient de voir la nouvelle mouture du projet car on sent que le musicien en a encore sous le coude. Puis le set bascule sur trois titres d’Alcest : Kodama, et deux nouveaux issus de Spiritual Instinct, le nouvel opus, avec Protection et Sapphire. Le line-up d’Alcest est désormais au complet sur scène et le batteur de Perturbator s’est retiré laissant la place à Winterhalter derrière les fûts. C’est beau, c’est envoûtant, en trois titres Alcest fait voyager le public vers de hautes cimes tutoyant les nuages. Les illustrations animées de Førtifem sont encore une fois magnifiques, apportant vraiment une dimension supplémentaire à la rêverie apportée par les compos d’Alcest. Petits bémols sur cette fin de set cependant, trois morceaux c’est court, mais bon, c’est le jeu de la collaboration et il est aussi un peu regrettable de ne pas avoir plus entendu les synthés de James Kent sur ces dernières pistes. Un chouette final tout de même.

 

On sort de ce Major Arcana avec le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’unique. Bien sûr tout n’était pas parfait, certaines collaborations auraient pu être plus en osmose ou plus cohérentes, mais en fait, même en prenant ça en compte, on a passé une superbe soirée dans le cadre exceptionnel du Trianon. Et puis mine de rien, il faut saluer bien bas tout le travail derrière. Celui de Førtifem bien sûr, qui a animé les trois sets d’une très belle manière, fait tous les visuels de l’évènement avec ces cartes de tarot, en plus d'avoir choisi la programmation de la soirée avec goût et une belle prise de risque. Tout cela doit à coup sûr représenter un boulot de dingue. Et bravo également aux groupes pour s’être prêtés au jeu et à un exercice pas facile qui les sort de leur zone de confort. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit ce type d'évènement, a fortiori en France. On n’a qu’une seule hâte, que ce type de performance artistique soit renouvelé, car ce genre de soirée alliant illustrations et concerts collaboratifs, surtout dans le Metal, ne sont pas légion. Et quand on voit le monde qui est venu ce soir, on se dit qu’il y a vraiment quelque chose à faire.

Pentacle (Octobre 2019)

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