Empyrium, Helrunar, Sun of The Sleepless (Nouveau Casino, Paris, 04/10/2018)

C'est donc un concert historique à plusieurs égards qui se déroule ce soir à la capitale. D'abord, c'est la réouverture du Nouveau Casino au metal, une salle importante à Paris pour l'underground, qui était fermée au genre depuis 2015 et est progressivement revenu sur sa décision depuis 2017. Cette date marque également la première parisienne de deux projets de Markus Stock : Sun Of The Sleepless et surtout Empyrium, un groupe qui a fait la renommée du label allemand Prophecy Productions. Avec Helrunar qui n'était pas revenu dans les environs depuis 2011, c'est assurément une soirée particulière qui s'annonce.

Sun Of The Sleepless  

L'introduction du concert est un sample d'une chanteuse qui reprend une partie de l'album a capela. Le groupe enchaîne avec Motions, et on y retrouve bien l'énergie de la chanson studio, à ceci près que le son semble étonnamment manquer de puissance, malgré la présence de trois guitares. La console indique un niveau sonore aux alentours de 95 db, ce qui est nettement moins que la limite légale. Sans doute est-ce lié aux exigences de la salle... C'est un peu dommage, parce qu'on peut entendre que le groupe interprète bien la musique, mais ce léger manque de puissance empêche aux compos de prendre toute leur ampleur au début du concert.



Where In My Childhood Lived A Witch est le pinacle de l'album, et c'est également le pic d'intensité du set, avec des riffs Black Metal dans la lignée norvégienne et des passages en palm mute très efficaces. A la batterie, le français Vincent Kreyder bat la mesure comme un métronome avec ses blast beat. A la console, les samples sont pour ainsi dire inaudibles, ce qui n'était apparemment pas le cas en se rapprochant de la scène et il est de toute façon meilleur au balcon, on n'est donc pas incité à se rapprocher. C'est dans tous les cas un peu dommage de s'appuyer sur des samples pour les chœurs de voix claire, sachant qu'ils contribuent à donner son cachet à l'album, et cela d'autant plus qu'il y a quatre musiciens sur scène qui pourraient épauler Markus à la voix claire, notamment Eviga (Dornenreich). 



Le set, concentré sur le premier album de Sun Of The Sleepless, se termine tambour battant avec Phoenix Rise. On note toujours un certain pragmatisme dans les riffs qui sont simples, efficaces mais aussi mélodiques et mémorables. Le son est enfin aux petits oignons, laissant entendre distinctement les trois guitares. Dommage que ça n'arrive que sur la dernière chanson.  Bref, le combo a donné un bon concert, qui aurait pu être magnifié dans de meilleures conditions sonores.



Helrunar

Forts d'un nouvel album plutôt réussi, on pouvait avoir des attentes pour le concert d'Helrunar après sept ans d'absence dans l'hexagone. Dès les premiers riffs, il est évident que leur son est bien meilleur, d'abord plus précis car laissant bien entendre la voix et les guitares, mais aussi donnant une impression plus nette de puissance sonore. Il est intéressant de noter que le volume est exactement identique au concert précédent : la console indique 95dB pendant presque tout le concert, la différence se place donc dans l'agencement sonore du groupe et le travail de l'ingé-son. On peut en tout cas s'immerger dans la musique nettement plus facilement, en dépit de leurs compositions qui ont peine à montrer une vraie originalité.



Mais ne crachons pas dans la soupe chaude qu'on nous sert : Helrunar joue bien et ces compositions black teintées de mélodie sont efficaces. Le chanteur Marcel Dreckmann
 a un chant très puissant taillé pour ces chansons, mais ne fait pour ainsi dire aucun effort pour la prestation scénique. Ce n'est pas un problème en soi, mais là, quand il ne chante pas, il donne vraiment l'impression de s'ennuyer. Et le problème, c'est que c'est contagieux, encore une fois parce que les chansons peinent à réveiller la flamme païenne en nous. Et malheureusement, faire la blague "la prochaine chanson, c'est du Viking Metal, mais du cool à la Enslaved et Bathory, pas du drinking Metal." est bien vu, mais ne suffit pas à dissiper l'ennui, qui n'est pas ferme, mais bien là. Ceci dit, ladite chanson sonne effectivement comme un bon compromis entre Blood Fire Death et Hammerheart, avec les chœurs épiques et riffs martiaux qui vont bien.



Certes, le Black Metal d'Helrunar ne réinvente rien aux standards du genre, mais tous les poncifs sont bien restitués, par des musiciens appliqués et il est difficile de ne pas saluer le geste. D'autant que les compositions tiennent quand même la route et arrivent parfois à surprendre, notamment sur un vieux morceau très percussif basé sur le palm mute en intro, puis qui explose dans un second temps avec une partie de batterie de bon aloi. Sur une chanson du dernier album, le riff est à la fois saccadé, agressif et mélodique, les trois éléments étant bien équilibrés et soutenus par le jeu tout en finesse du batteur. Mais ces moments ne sont pas assez fréquents pour faire de la performance d'Helrunar un concert qui marquera vraiment les esprits. Le cadre du Prophecy fest, dans une grotte entourés de Germains possédés leur allait mieux !

Empyrium

C'est au tour de l'attraction principale de prendre place sur scène. The Host Of Seraphim de Dead Can Dance retentit dans la sono en guise d'introduction, l'ambiance est posée. D'entrée de jeu, le son est impeccable, ce qui est compréhensible étant donné que la musique d'Empyrium n'est pas axée sur des blasts ou des rythmes rapides. Au balcon, les lumières de la salle ne sont pas éteintes du fait que la responsable du merch veut laisser de la lumière sur son stand. Cela ne facilite pas la tâche de l'ingé-lumière de la salle dont le moniteur est conçu pour fonctionner dans le noir. On assiste donc à un scène cocasse où le staff du Nouveau Casino colle du gaffer sur les lumières pour corriger cela et accessoirement permettre aux spectateurs de se plonger dans l'obscurité, et la musique.


Ce soir, Empyrium joue donc Songs Of Moors And Misty Fields en entier, leur album le plus réputé. Pendant qu'un bois parfumé brûle et emplit nos narines d'un parfum mystique, le black folk majestueux de Markus Stock prend toute son ampleur sur scène. Comme pour faire un vrai retour dans le temps à l'époque où il ne faisait pas partie du groupe,  Thomas Helm n'est pas présent sur scène et les claviers sont samplés. Leur rôle étant moins important sur ces vieilles compositions, cette absence est moins gênante et ne crée pas l'embarras que peuvent parfois avoir les samples en concert. Par contre, c'est un choix lucide d'avoir pris une violoniste sur scène, dont les cordes frottées se marient bien au duo de guitares harmonisées sévissant souvent sur Songs of Moors and Misty Fields.



On peut remarquer la présence de Tobias Schönemann de The Vision Bleak à la batterie, avec un jeu simple mais efficace et qui parfois donne de la voix pour harmoniser la voix de Markus. Comme d'habitude avec Empyrium, l'interprétation est très professionnelle, rien n'est laissé au hasard. Markus le dit lui-même, nous sommes ici ce soir pour la nostalgie, et c'est sans doute pour cela que ce concert convainc plus que les précédentes apparitions du groupe sur scène. La setlist est en effet constituée de vieux morceaux, et les chansons plus récentes avec Thomas Helm, plus Neo Folk, avec une emphase sur les claviers et soyons honnêtes, plus répétitives, sont élaguées du set. Cette formation plus axée sur les guitares donne plus de dynamique au concert, qui ne donne pas de sentiment de longueurs ou de répétitivité.



Sur l'avant dernier morceau, nous avons droit à quelques pizzicato du meilleur effet, nous amenant en délicatesse vers le rappel. Et c'est avec Ode To Melancholy que se conclut le concert. Empyrium a fait un sans faute et a annexé Paris dans les règles de l'art.

Neredude (Octobre 2018)

Photos par Arnaud Dionisio / 2018
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