Chelsea Wolfe + A Dead Forest Index La Maroquinerie (18/11/15)

Nous sommes le mercredi 18 novembre, et ce soir aller à un concert n’est pas un acte comme les autres. Nous sommes au 21ème siècle, et aller à un concert ce soir, c’est avoir la boule au ventre. Ce qui paraissait impensable quelques jours plus tôt est devenu bien trop réel. C’est avec les mains moites et le cœur serré, au battement fort inhabituel avant ce genre de soirée, que je me rends à la Maroquinerie pour y retrouver ces gens sans qui Paris ne serait plus la même. Chelsea Wolfe est au programme, malgré le contexte hallucinatoire et une voix qui lui faisait défaut en début de semaine.

« Paris is music, we need to stick together »

À l’entrée, une file d'attente conséquente vient longer la rue Boyer. Une fouille minutieuse est opérée sur chacun d’entre nous. « Toute sortie est définitive ! » qu’on nous indique frontalement. Le ton est rêche, l’atmosphère tendue. L’organisation avait prévenu : tout retardataire de plus de cinq minutes après le début du concert se verrait refoulé. C’est dans ce climat anxiogène que j’entre dans la salle. Un sentiment difficilement descriptible prédomine. L’événement est annoncé complet, de nombreuses personnes sont déjà présentes, assises sur les marches qui entourent la fosse. Les ami-e-s sont là aussi. Les regards de la foule sont appuyés, chacun se dévisage avec une instance singulière. La peur côtoie la résilience qui côtoie le bonheur d’être là, ensemble.

Les lumières s’éteignent. Sensation douce amère. La première partie, A Dead Forest Index, commence son set. Les Australiens proposent une Pop guitare/batterie particulièrement apaisée. Le chant d’Adam Sherry est impeccable, d’une profondeur touchante, l’émotion à  fleur de peau. Globalement agréable sans être inoubliable, chaque pause entre les morceaux entraîne pourtant une clameur incroyable. Un véritable besoin d’extérioriser se fait sentir. L’effet cathartique de l’union d’êtres humains, tous venus pour les mêmes raisons, tous unis pour un même besoin : se rassurer. Ce n’est qu’à la fin du set que le groupe prend la parole. Quelques phrases lapidaires, prononcées avec sincérité « Paris is love, Paris is music, we need to stick together ». Les lumières se rallument, la salle s’est nettement remplie, Chelsea Wolfe ne va pas tarder à faire son apparition.

« It’s so important that you came here tonight »

photo : Hana Ofangel

Les lumières disparaissent à nouveau pour laisser place une introduction ténébreuse. La salle est maintenant pleine à craquer pour accueillir celle qui fait tant parler d’elle ces dernières années. La Californienne, depuis Apokalypsis en 2011, ne cesse de prendre de l’envergure, enchaînant les sorties de qualité. Sur Abyss, son dernier album en date (ADM dans nos pages), elle nous offre sans nul doute son meilleur effort discographique. Acclamée par une foule compacte, Chelsea entre sur scène accompagnée de son groupe lorsque le cinglant Carrion Flowers vient libérer les spectateurs de l’attente. Mise en valeur par un éclairage de grande qualité, son set reprend les morceaux qui font sa renommée, piochant ci et là dans sa discographie déjà bien garnie. Les louanges du public sont encore plus importantes entre les morceaux. Peu à peu, la décrispation se met en place et nous permet de nous plonger dans la profondeur des abysses. Jamais complètement toutefois : cette fameuse porte qui donne accès à la salle, simplement énervante en temps normal de par la lumière qu’elle laisse entrer à chaque entrée/sortie, se révèle ce soir source d’une inquiétude que l’on ne devrait pas avoir.
Pour autant, la communion entre le public et l’artiste est totale. Pour elle, notre venue ce soir est un témoignage de révolte contre l’atrocité. Elle remercie d’ailleurs plusieurs fois tout le monde d’être venu, soulignant l’importance de notre présence ce soir.



photo : Hana Ofangel

Après un bref rappel, les lumières se rallument. Nous sommes tous là, sourires béants. Le temps de quelques morceaux, nous avons permis à notre esprit de vagabonder, de soulager une peur naviguant entre conscience et inconscience. Ce soir nous sommes tous là, venus pour voir une femme libre jouer une musique libre dans un espace libre. Parce que la meilleure réponse à la folie haineuse reste de savoir savourer chaque seconde de liberté accordée. Parce que la meilleure arme contre le vide de tout reste l’amour de tous. Pour eux, pour nous.
Parce que cela aurait pu être vous, parce que cela aurait pu être moi.



photo : Hana Ofangel

Humtaba (Novembre 2015)

photos de Hana Ofangel

Merci infiniment à Thibaud de Kongfuzi ainsi qu'à Chelsea Wolfe et A Dead Forest Index d'avoir maintenu ce concert malgré les conditions extrêmes.

Setlist :
Carrion Flowers
Dragged Out
After the Fall
We Hit a Wall
Kings
Maw
House of Metal
Simple Death
Survive
Iron Moon

Rappel :
Color of Blood
Pale on Pale

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Commentaires

waynegaleLe Mercredi 25 novembre 2015 à 07H58

Très joli texte