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Ieperfest 2015 Ypres - Belgique

Mercredi 13 août, 16h46. Le départ du TGV de la gare du Nord marque le début de notre pèlerinage annuel en direction des vertes plaines de la Flandre-Occidentale des environs d’Ypres. Weekend champêtre, apaisé et bucolique en vue ? Pas tout à fait, non… Si c’est bien au milieu des champs que nous allons passer ce weekend, c’est pour une cure de décibels et de mosh pits !

Le festival n’étant pas forcément très connu en France, procédons à une session de rattrapage. Comme son nom l’indique, le Ieper Hardcore fest est un festival de… Hardcore ! Mais c’est aussi bien plus que ça. Tout d’abord, niveau programmation, comme vous pourrez vous en rendre compte à la lecture de cet article, le festival s’est ouvert à d’autres styles : Punk, Metalcore, Grind, Doom… Mais au-delà, les organisateurs sont très attachés à proposer plus qu’une simple programmation musicale. Ici le militantisme est roi : véganisme, protection de l’environnement, groupes d’actions anarchiques… de nombreuses ONG (Sea Shepperd, Black Fish, Oxfam, Hardcore Help Fundation…) sont regroupées dans la tente « More Than Music », espace d’échange et de débats qui propose conférences et projections de documentaires. Enfin, le Ieperfest, c’est une ambiance très DIY : le festival, dont c’est la 23ème édition cette année, a su rester indépendant et préserver son esprit des débuts. Ici, vous ne verrez donc que peu de sponsors et quasiment pas de sécurité. La proximité avec les groupes est immédiate, le stage diving est encouragé, une "piste" étant même aménagée sur la scène principale !

Pour cette première journée, nous arrivons juste à temps sur le site pour voir Skin Crawler ouvrir les hostilités avec un son typique de la scène locale « H8000 » : c’est frontal, c’est gras, c’est basique. Pas de doute, nous sommes bien au bon endroit ! Nous laissons les Belges à leurs œuvres sur la Main Stage pour faire un premier tour des lieux. Comme depuis l’édition 2014, le festival propose trois scènes : la Main Stage, la Marquee (la tente principale) et la petite dernière, la Trench Tent. L’ajout de cette troisième scène, aussi modeste soit-elle (les groupes jouent quasiment au niveau du public et devant une audience maximale de 200 personnes), a vraiment changé la donne, permettant au festival d’ajouter près de 20 groupes à son affiche.
Il n'est pas encore midi mais la Trench est déjà pleine pour écouter les Brésiliens de DisXease. Entre deux morceaux ultra directs, le chanteur partage avec nous les galères de leur tournée marquée par les défections successives de leur bassiste, de leur guitariste et enfin de leur batteur ! Toujours debout pour leur dernière date, les Brésiliens sont heureux d’être là et ça se voit !
En termes d’affinités musicales, c’est avec Fall of Messiah, premier groupe que nous avions coché sur le running-order, que démarre véritablement « notre » festival. Le son des nordistes de Saint-Jans-Cappel, qui balance entre Screamo, Post-hardcore et même Post-rock, détonne par rapport au noyau dur de la programmation du fest. Peu importe qu’on soit dans une tente qui a tout d'un chapiteau de cirque, peu importe la coupure de courant, peu importe que le show ne dure que 25 minutes, le groupe réussi à installer son ambiance. Les plages instrumentales et les cris pleins de désespoir du batteur-chanteur font mouche. On en redemanderait mais pas le temps de s'appesantir, il est déjà l'heure d'aller voir Sweet Jesus sous la Marquee. Le super hardcore-band, constitué d’anciens membres d’Have Heart, Verse, Dropdead et Soul Control est attendu par de nombreux festivaliers mais le groupe joue de façon beaucoup trop hachée pour que le concert s’emballe. Ils devraient pourtant le savoir les vétérans de Sweet Jesus qu’aligner les (bons) titres ne suffit pas à faire un bon set ! Après cette semi-déception, c’est avec Lionheart que nous déjeunons. D’entrée, les Californiens, poètes à leurs heures perdues, annoncent la couleur : « Ieperfest it's no time to be a pussy ! ». Le groupe prend visiblement son pied et est très reconnaissant envers son public qui lui permet de jouer sa « musique de merde » et faire la fête partout dans le monde.  C’est cool de voir des groupes s’éclater sur scène !
Changement radical d'ambiance avec Monolord qui investit la Marquee. Nous les avions ratés au Roadburn, le Ieperfest nous offre une (inattendue) session de rattrapage ! Les basses vrombissantes des Suédois font leur effet dès le premier morceau. Le ton est donné, pendant 35 minutes, le Doom va régner, les mosh pits vont laisser leur place à du headbanging compulsif ! Grosse claque, on court direct au merch acheter leur dernier LP !
Les concerts s’enchainent jusqu’à l’arrivée sur la Main Stage de Ceremony qui entame son concert par "Separation", tiré de leur dernier album The L-Shaped Man. Autant dire que c’est la douche froide, le son très New Wave de leur dernière production ne convainc pas le public. Il ne sortira de son apathie que sur les morceaux plus anciens, comme l’excellent "Sick" tiré de Rohnert Park. Le groupe aura beau alterner nouveaux et anciens morceaux tout au long de son set, la mayonnaise ne prendra jamais.

photo : Ceremony - Cardinals Media

C'est avec Black Tusk que nous retournons sérieusement aux affaires. Le combo de Savannah délivre une performance bien grasse comme il faut ! Inutile d’en rajouter, nous prenons notre pied. Les Géorgiens laissent ensuite la place à la récréation du weekend animée par les trublions d’Horse the band. Invités de dernière minute suite à des défections, les Californiens produisent un show à la hauteur de nos espérances : sauvage et complètement barré ! Côté musical, à part une ou deux nouveautés, rien d’inconnu, il faut dire que le groupe n’a rien sorti depuis A Natural Death en 2007… Nathan Winneke est en forme, alignant les déclarations les plus absurdes louant par exemple la nourriture vegan et ses extraordinaires propriétés flatulentes. Ah oui dernière chose, à l’occasion de cette tournée, le groupe en a profité pour officiellement introniser leur sixième membre, Ed Edge joueur de… triangle ! Comme le résume Nathan Winneke « He doesn't do much but he doesn't ask much either! ». Notre soirée se terminera sous la pluie et devant la prestation de Caliban. Ayant toujours été plutôt imperméable au Metalcore, la musique produite par les Allemands ne fera pas exception...

photo : Horse the Band - Cardinals Media

C'est sous un ciel menaçant et une quinzaine de degrés que cette seconde journée du festival commence. Il n'est que 11h30 mais xREPENANCEx est déjà en train de distiller sa rage et d’exprimer son militantisme pro-vegan quand nous débarquons dans la Marquee. Les allemands de Embranced by Hatred et leur style tout en finesse prennent ensuite le relai sur la Main Stage. J’ai beau voir deux guitaristes sur scène, j’ai bien l’impression de n’entendre que des basses… Les concerts s’enchainent, nous concernant, il faut attendre 13h40 et Dangers pour avoir quelque chose d’appétissant à se mettre sous la dent. Le groupe achève ici une impressionnante tournée de 37 dates en 43 jours qui les aura menés en Australie, en Asie du sud-est, en Israël puis en Europe ! Le combo, que je ne connaissais pas, produit un Screamo plus que convaincant et sonne sur certains morceaux comme du Refused (période Songs To Fan The Flames of Discontent). C'est littéralement porté par le public que le chanteur finira de cracher sa rage.
A peine une demi-heure s’est écoulée que le chaos est déjà de retour sous la Trench avec Loma Prieta qui nous balance dans la tronche 35 minutes de Screamo sans interruption. Pas de grands discours ici sur la tolérance, la corruption ou le veganisme, les gars de Loma Prieta ne sont pas là pour autre chose que jouer leur musique. N'ayant pas écouté un de leur albums depuis un moment, peu de sons familiers émergent de ce brasier incandescent sans cesse alimenté par les hurlements de Sean Leary mais cela n’a pas d’importance, je passe un bon moment. La fin du concert est marquée par de nouveaux morceaux donnant la part belle à des passages en chant clair. S’éloignant du Screamo, ces respirations permettent de rendre plus digeste le concert. On attend avec impatience le prochain LP, Self Portrait, prévu pour octobre prochain !

photo : Loma Prieta - Cardinals Media


Pour reposer nos oreilles après ce double cheeseburger de Screamo, nous nous dirigeons vers la Marquee qui fait le plein pour assister à la performance des légendaires Doom. A raison d’un morceau toutes les deux minutes, les titres s'enchainent à une vitesse hallucinante, ponctués par un étonnant plaidoyer anti-tabagisme, Brian Talbot déclarant même « Fucking smokers are fascists! ». Peut-être est-ce là le slogan officiel de la lutte anti-tabac made in UK ?
Profitant d'un "trou" dans la programmation, nous quittons le site du fest pour déguster une frite dans une des fameuses frituurs belges, que nous digèrerons ensuite devant Entombed A.D. avant de nous engager dans la Trench pour le set de Mörser. Ignorant que je suis, je me fais berner par l'intro du concert, mélodique et planante à souhait. D'un coup la meute de chanteurs (ils sont 4 !) débarque. Nous sommes piégés, un mur de son s'abat sur nous. Black ? Death ? Grind ? Pourquoi choisir ? Prenons plutôt 4 chanteurs ! C'est ce qu'ont dû se dire ces gars quand ils ont fondé leur groupe. Le pire ? C'est que ça fonctionne plutôt bien ! Pas le temps de reprendre son souffle ni de recoller les morceaux de nos tympans douloureux, Walls of Jericho investit la scène principale. Candace Kucsulain, frontwoman du combo est une boule de nerf. Le pit est en folie, ça mosh de partout et pourtant elle n'oublie pas de prendre soin de son auditoire, prenant même le temps d'essuyer la scène et demandant que l'on n'y envoie pas de bière pour que les stage-divers ne se blessent pas… Et oui c’est ça le Ieperfest : beaucoup de rage mais aussi beaucoup d’amour !

photo : Walls Of Jericho - Cardinals Media

Au milieu de ces gros bras, Touché Amoré font clairement figure de minots. Et pourtant, la Marquee est pleine à craquer de personnes ayant, comme moi, stabiloté ce concert sur le running-order. Comme à chaque fois il n’y a rien à redire. Les Californiens délivrent une prestation pleine et font plaisir à voir jouer, Touché Amoré faisant partie de ces groupes semblant encore complétement ébahis par ce qui leur arrive. Jeremy Bolm n’aura d’ailleurs de cesse de remercier l’organisation de les avoir booké pour cette édition et de louer l’éclectisme de la programmation, soulignant qu’un festival de la sorte n’existe et ne pourrait exister aux États-Unis. Dehors, l’affluence est au maximum devant la Main Stage pour voir Biohazard clôturer tout en puissance cette deuxième journée du fest.

photo : Touché Amoré - Cardinals Media

Troisième et dernière journée, les jambes commencent à se faire douloureuses mais pour y pallier, le fest a prévu un réveil en douceur avec Gust. A mi-chemin entre Hardcore, Crust et D-beat, le son des Suédois est plaisant et me rappelle celui des belges de Rise and Fall. Je ne peux que vous encourager à jeter une oreille sur leur premier LP qui s'écoute sur leur bandcamp. Par ailleurs, pour avoir un peu discuté avec eux, le groupe est à la recherche de dates pour monter une tournée en novembre, avis aux programmateurs…
Après un interlude proposé par All For Nothing et son Hardcore très classique, nous retournons dans la Trench pour notre second rattrapage du Roadburn du weekend : Briqueville. C'est avec 10 minutes de retard et costumés en médecins de peste (avec les masques en forme de bec d’oiseau) que les Belges débarquent sur scène. Avec un set de 25 minutes, trois morceaux, c'est tout ce qui leur sera permis de jouer. Dans ces circonstances, qui plus est dans une tente et à midi, difficile d'installer l'ambiance propice et adaptée à leur Doom progressif et majoritairement instrumental. Et pourtant, la Trench est pleine d’un public acquis à leur cause. La ligne de basse est envoutante, les guitares se font tantôt lourdes tantôt aérienne, tout y est ! Le final, qui laisse la part belle à la section rythmique, est tout simplement jubilatoire. Vivement que les Belges passent à Paris pour que je puisse enfin les voir dans des conditions dignes de ce nom.
En ce début d’après-midi, la plupart des personnes venues voir Treha Sektori sont assises ou couchées. Il faut dire le l’ambiance électro/Post indus/Dark ambient développée par Treha prête plutôt à la méditation (qui a dit sieste?) qu'à du mosh. Pour ma part, c'est la deuxième fois que j'assiste à un concert du side-project de Dehn Sora et j'avoue rester assez hermétique au concept qui consiste à transformer ce qui pourrait être une intro sympa en un album entier... D'ailleurs, signe qui ne trompe pas sur les intentions du public, la Trench se vide dès les premières notes de No Turning Back installé sur la Main Stage.
En concurrence directe avec Oathbreaker, nous optons pour Rosetta. Choix cornélien quand on connait la qualité des prestations des Belges mais je n’ai pas l’intention de laisser passer cette occasion de voir les Américains en live pour la première fois. Dès que les premières nappes de guitares se font entendre, nous savons que nous avons fait le bon choix. La demi-heure qui leur est allouée passe en un claquement de doigts, je n’ai pas vu le temps passer. Dehors, les mexicains de Brujeria sont à l’œuvre. Après quelques morceaux, nous les laissons pour faire une pause devant un film sur les conséquences de la déforestation à Jakarta (et oui, c’est ça aussi le Ieperfest !) avant de retourner dans la Trench, voir Nick Oliveri dans sa version Death Acoustic. Autant jouer franc jeu : son récent passage au Glazart en première partie d'Elder ne m’avait pas emballé. En tout cas, ce que l’on peut dire c’est que le sieur est en grande forme « Horny and pissed off » après une tournée de 36 dates en Europe (nos salutations à madame Oliveri qui aura fort à faire au retour de son homme). Profitant de longs apartés entre chaque morceau, Nick Oliveri en profitera pour : plaisanter sur ses ex-femmes, trasher les QOTSA et faire des blagues sur les avantages de tourner seul (comme par exemple le fait d’avoir autant de tickets boisson qu’un groupe complet…).
Après un intermède Metalcore sur la Main Stage avec Stick To Your Guns, nous retournons une ultime fois sur la Trench pour assister au second set made in France du weekend : celui de Birds in Row. Les Lavallois se donnent à fond et émaillent leur prestation de nouveaux morceaux qui sont de bon augure pour les productions à venir. Entre une tournée en Asie du sud-est et la sortie d’un 7 titres, la fin d’année s’annonce d’ailleurs bien chargée pour les gars de Birds in Row.

photo : Birds in Row - Cardinals Media

Nous sortons définitivement de la tente pour voir les Satanic Surfers investir la scène principale. 11 années se sont écoulées depuis leur dernière venue sur le fest et au moins autant de temps que je ne me suis pas penché sur un de leurs disques… Le soleil ayant miraculeusement refait son apparition, c'est donc sur une note nostalgique que se termine l'après-midi.
Avant-dernier groupe du weekend, les pionniers du Doom Pentagram montent sur la scène de la Marquee. Lourd et gras, leur son est parfait pour une fin de festival tout en douceur mais les déhanchés de Bobby Liebling ne doivent pas nous faire oublier de nous préparer pour l’ultime virage à 180 degrés de la programmation : la clôture du festival par Sick Of It All ! En professionnels du Hardcore, les New-Yorkais emportent tout sur leur passage et le public balaie d’un revers de main les inquiétudes du groupe de devoir affronter une audience sur les rotules. Le groupe en profite pour annoncer l’organisation, l’année prochaine, d’une tournée célébrant leur 30ème anniversaire (!!!) dont la setlist sera le résultat d’un vote sur internet.
C’est sur cette excellente prestation des New-Yorkais que s’achève cette 23ème édition du Ieperfest, les jambes lourdes, les oreilles bourdonnantes et les bras chargés de vinyles. Aucun doute, sauf cataclysme, je sais quel est mon programme pour le weekend de la mi-août 2016 !

photo : Sick Of It All - Cardinals Media

rwn (Août 2015)

Photos de Arne Desmedt, Cardinals Media : Facebook / Flickr

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