Crumble Fest
par Tang (28/05/2014)
Le Zinor, lieu montacutain investi par des associations culturelles enthousiastes (Aïnu, Septif-rock, Art-Sonic, Crumble Fight, etc), encadrées par le Collectif Icroacoa, symbolise une valorisation réelle et intègre des musiques actuelles. En place depuis la rentrée 2012, tous ces gens s’évertuent à faire de Montaigu autre chose qu’une ville-dortoir vendéenne quelconque. La mayonnaise a pris et s’étale même sur la région, y compris Nantes, située à 30 minutes motorisées, en position de partage associatif constant. La qualité des prestations, la mise en avant de la scène locale et l’éclectisme affiché donnent au Zinor et à tout ce monde passionné une belle petite réputation dans le coin. Alors quoi de mieux pour fêter les préliminaires de l’été qu’un bon évènement chargé en groupes/artistes de tous horizons ? Pourquoi pas le Crumble Fest première édition par Crumble Fight, association très active entre Nantes et Montaigu, responsable d’une bonne vingtaine de concerts depuis deux ans. Allez, on est partis. C'est pas cher en plus, et le camping est gratuit.
Vendredi 16/05 // 19h30 // Goudron – The Irradiates – Snailking – Arno De Cea&The Clockwork Wizards – Obscure Sphinx – Dirge – Igorrr Live Band
Les locaux du jour avaient déjà entamé les hostilités à notre arrivée, alors que nous étions en recherche de collations maltées. Attrapé en cours de route, le set de Goudron apparaît concis, punk, fiévreux et fidèle à la matière exprimée sur disque. Futur-ex-duo un temps annoncé en trio sous le patronyme Bela Vaudou, Goudron a exposé son noise-hardcore instrumental, expéditif, avec véhémence et nonchalance, devant une audience encore assez disparate mais attentive.
The Irradiates, qui ont suivi sur la scène extérieure, n’ont pas fait un pli, armés d’un Arno de Cea en feu, habité, fusionné avec sa six-cordes. N’étant pas un fin connaisseur du surf-rock ni des antécédents du bonhomme, la découverte fut d’autant plus grisante. Émotion complétée avec le projet solo d’Arno de Cea, entouré de The Clockwork Wizards, tout aussi inspirés, peut-être galvanisés par l’humeur joviale ambiante et…irradiante. Entre temps, les suédois de Snailking se sont permis d’écraser leur auditoire en intérieur. Leur sludge impitoyable, flanqué d’un mysticisme doomesque, a certainement manqué de faire s’écrouler la salle. La déflagration fut hypnotique et malsaine, le jeu de scène diaboliquement puissant et salvateur. Transition idéale entre deux sets de surf envoûtant. Tout va bien pour l’instant.
Une nouvelle bière s’impose pour encaisser le post-hardcore des polonais d’Obscure Sphinx, second couteau de Dirge sur leur tournée. Le rendu particulier des guitares entendu sur disque est ici parfaitement audible, les coups de boutoir sont précis, réguliers, un peu trop sans doute. Le set est calibré, chanteuse et voix – énorme tout de même -en avant, musiciens en retrait, tapis dans l’ombre. Une mise en scène qui aurait pu faire son effet dans d’autres circonstances, mais qui me paraissait en l’état trop superficielle, ce qui m’obstrua le plaisir ressenti à l’écoute de Void Mother, leur dernier disque.
Vient ensuite Dirge donc, pionnier parisien de ce qu’on appelle aujourd’hui post-metal ou post-hardcore, genres démocratisés par les Cult of Neurisis que l’on connaît désormais comme si on les avait pondus. Assurément l’un des moments les plus intenses de la soirée, les morceaux d’Hyperion se mêlaient aux anciens en une montagne de puissance insondable, reliant la terre au cosmos. Difficile alors de distinguer correctement chaque titre, noyés que nous étions sous une charge émotionnelle qui restera dans les mémoires, en tout cas la mienne, sachant que c’était ma première expérience Dirgienne en direct.
Il est temps de reprendre son souffle en fumant une clope (pas bien), de faire le point sur cette belle série de concerts qu’on vient de se manger, tout en savourant une boisson des dieux, autrement nommée "bière fraîche". Ceci avant d’affronter Igorrr, assisté pour l’occasion de deux voix, des deux sexes, d’où le "live band". Le breakcore baroque métallisé du clermontois n’en devient que plus épique, le public est dense, et captivé par le rendu sonore, bien meilleur que lors de son passage au Ferrailleur nantais l’année dernière. Les titres s’enchaînent, la folie est palpable, s’intensifie, explose, et finit par nous laisser là, hagards, les bras balans, l’œil perdu et la vision trouble. C’est confirmé, Igorrr retourne les têtes en direct, aidé par une sono efficace.
Bilan plus que positif pour cette première soirée, garnie en émotions variées, bigarrés, complexes, extrêmes ou non. Mais ce qui est génial, c’est qu’on remet ça le lendemain, dans une atmosphère un peu plus aérienne, et ensoleillée.
Samedi 17/05 // 17h35 // Machete – Libido Fuzz – Chromb – Mud Walk – Domadora – Mamont – Cheap Wine – The Grand Astoria – The K.
Le temps de s’installer avec deux gaillards dessinateurs, graffeurs/pochoiristes de talent et compagnons de festival dans un petit coin végétalisé à côté de la scène extérieure, décoré par des vinyles (de Rick Astley entre autres) suspendus, partiellement transformé en atelier graphique donc, Machete avait déjà ouvert le programme de la soirée en interne. Je n’ai pu malheureusement capter que deux titres, exécutés avec toute la fougue que l’on connaît des montacutains, suffisant pour dodeliner frénétiquement de la tête, et donc s'échauffer les cervicales.
S’ensuivent les bordelais de Libido Fuzz et leur rock garage psychédélique correctement agencé, sans que le set ne me bouleverse des masses néanmoins. Il a fallu attendre les premiers accords de Chromb pour me sortir de mes notes, présenté comme l’un des deux ovnis du festival (avec Igorrr), et le qualificatif n’est pas volé. La recette post-rock-jazz filmique schizo des lyonnais prend une dimension phénoménale sur scène, où la démence bien présente sur disque, est ici palpable dans les corps, pris soudain de spasmes, ou alors stoïques et attentifs. La démarche épileptique du quartet rappelle Mr Bungle, mais le résultat est tout aussi unique, et en français dans le texte. Une grosse et belle découverte de plus.
Décemment je me dis alors que ce n’est pas possible, que je vais forcément être déçu quelque part. Peine perdue, les premiers suédois(es) de la journée, Mud Walk, en ont décidé autrement, déversant des flots continus de groove ample, à base de blues-rock à l’ancienne, gras et sans fioritures. Ça file droit, les mouvements crâniens sont réguliers, ça fonctionne et ça coule de source.
Pris dans les discussions j’ai raté le set jam-psyché de Domadora, dont j’ai eu tout de même d’excellents retours, tels que "grosse baffe" ou "branlée !", ou encore "ma claque du fest !". Donc j’imagine que ça devait valoir le coup, à priori. Mais c’était sans compter ma propre branlée de la soirée (je ne parle pas encore de la nuit), que fut Mamont. Les (autres) suédois, en tournée avec Mud Walk, ont déballé leur stoner d’une puissance et d’un feeling hors-normes, avec les mêmes intentions qu’un Kadavar par exemple, peut-être même plus inspirés. Autant dire qu’on planait tous très haut, les mecs semblaient capables de jouer jusqu'au petit matin sans faiblir. Une vraie leçon de stoner. Hop, ça aussi je note.
Cheap Wine en provenance de Creil, a fait le job avec son blues-rock psychédélique virevoltant, échappé des années 60/70’s. Ça joue avec classe et fluidité, on en attendait pas moins. Je regrette seulement de ne pas avoir été plus attentif à la chose. Le stoner-psyché russe de The Grand Astoria (déjà bookés à Nantes par Crumble Fight) fera quant-à-lui mon bonheur total, l’heure aussi avancée que l’alcool dans mon sang ont sûrement aidé à me sentir en osmose avec l’envoûtement musical entrepris, quoi qu’il en soit la magie a opéré, les masses corporelles se sont allégées, les sourires niais se sont affichés sur les visages sereins. C'était beau.
(crédit photos : Evan Forget)
On dirait qu’on tient là l’un des meilleurs festivals de l’Ouest, alors que ce n'est qu'une première. En effet, ça se confirmera avec The K. en clôture idéale, entité belge à trois têtes nourrie aussi bien par le noise-rock grinçant et concassé de Chicago que le punk-hardcore des familles. La folie atteint alors son paroxysme, les corps commencent à se démembrer, à éructer, à danser dans une joyeuse ivresse. On assiste à une démonstration de rock-n-roll à l’état punk, le chanteur-guitariste (vêtu d'un simple caleçon) hurle a s’en faire péter les veines, finit par soumettre son instrument à une spectatrice enchantée de l’offrande, courir partout, et déménager la batterie à l’extérieur de la salle, non sans l’aide de quelques bras entreprenants. On remarquait au passage l’inscription d’un message clair sur l’abdomen du chevelu à poil(s) : "no more guitar hero". La fureur retombe et les carcasses stagnent, se rassemblent, se dispersent ou s'orientent mollement vers la sortie, faciès heureux et rassasiés.
(crédit photos The K. : Cédric Arial)
Cette première édition du Crumble Fest a placé la barre très haute. Aucune déception majeure (Obscure Sphinx n’était pas loin), un service magistral, les équipes du Zinor et d’Icroacoa au taquet, une organisation au poil de Crumble Fight (merci à Ben, Vinz et Vincent, histoire d’identifier les coupables), et des rencontres toutes enrichissantes, si ce n’est vivantes. On espère au moins autant de surprises, de soleil et de pépites sonores pour le Crumble Fest #2. En ce qui concerne le soleil j’en sais foutre rien, mais pour le reste ça devrait aller.
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