Raein
par Turtle (11/11/2011)
"This is my tigersuit". Il y a eut la fièvre, la sueur, la chaleur écrasante des soirées d’ivresse sonore. "This is my tigersuit".
Le plateau était colossal. Isaïah. Le Dead Projet. Raein. Oui, Raein. Grâce à l'action conjuguée et à la passion de Things Get Worse, Old Town Bicyclette et Los Piratos.
Isaïah a fait l’aller-retour de Liège dans la journée pour être là. On appelle cela la foi. Le quatuor, revenu avec des nouveaux membres d’un précédent hiatus, retrouve les joies du parterre. Avec la sobriété et l’humilité qui les caractérisent, les belges laissent la musique parler pour eux. Dense. Noire. Âpre. Le son d’Isaïah. Façon Ils consomment, tuent, prient mais ne pensent pas. Avec ces arpèges lumineux qui fissurent les murailles obscures. Ces cris a-cappella sans micro qui tordent le bide. That's screamo.
Le Dead projet prend le bâton de relai avec son post-harcore hérité d’Isis et forgé dans les mêmes aciéries que Time To Burn, Revok et Comity. Basse broyante, chœurs furieux, chant gueulé. Le tableau des charges est complet. L’énergie impressionnante à constater. Les visages émaciés par les cris – du batteur possédé au chanteur ultra-remuant -, tout en rudesse, en fureur, en volonté de donner tout, tout, tout. Et des mélodies percutantes à souhait. On reparle très bientôt de l’album Keep on living. Et ca va s’entendre.
Et puis la masse grossit. La rumeur enfle. La salle est bondée. Il n’y a plus un centimètre d’espace. Plus un centimètre d’oxygène. Ils sont là entrain de se préparer. Tout naturellement. Ignorant qu’ils sont des légendes du screamo. L’ampli explose. La salle exulte. Raein nous entame Ogni Nuovo Inizio avec une frénésie époustouflante. Les deux guitaristes convulsent, braquent leurs doigts, leurs jambes. Andréa joint l’unicité de son chant à la violence des cordes. Il y a pas. Le charisme, ça s’invente pas. On l’a ou on l’a pas. Lui l'a. Diaboliquement. Les yeux fermés. Le poing levé. La rage aux commissures. Dans toutes les attitudes, et sans jamais chercher à être dans la pose, il incarne le truc. Les mecs sont emo. Dans le sens le plus beau et le plus noble du mot. Ce sens nié, perdu, sali par l’ignorance, la bêtise et la méconnaissance. Ce sens réel, hérité des 80s’/90’s qui les fait partager tout le set avec le public qui est chaud bouillant et qui chante en italien ( ce qui surprend fortement le combo) ; ce sens qu’ils essaient d’expliciter quand ils avouent qu’un problème de mécanique aurait dû les retenir à Lyon, et quand Andréa après le concert me dit qu’ils ont du louer un van juste pour venir à Paris et repartir le lendemain, alors qu’ils n’avaient aucune idée du monde qui les attendait, que l’incertitude les menaçait et que pourtant par amour de leur art, ils ont dit "on y va, on annule pas". C’est un feu qu’ils offrent. Un incendie. De 30 minutes, parce que l’intensité ne permet pas d’avantage, alors ils déposent les armes. Mais ça ne peut pas en finir là. La foule réclame les hymnes de Il n’y a pas d’orchestre. Les italiens s’exécutent. Les notes de "The King Is Dead" jaillissent. C’est la liesse. Inexprimable. Indicible. Puis le clou du spectacle. Ce que tous et toutes réclament. "Tigersuit". L’arpège le plus célèbre de l’emo-européen. J’ai alors vu des enragés les uns sur les autres. Des jambes par-dessus des têtes. Des slams. Des hurlements. Andréa dans un amas de corps électrisés et trempés. Et le micro au-milieu de nous, qu’on a agrippé, dans lequel on a hurlé à s’en péter les cordes vocales "This is my tirgersuit, this is my tigersuit". Inouïe. Unique. Inoubliable. Raein a livré une des prestations les plus mémorables des shows screamo que Paris a pu accueillir en son sein. Ce soir là, sur scène, nous avons contemplé l’Histoire.
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