Scout Niblett
par Chorizo (28/06/2011)
Bien que Scout Niblett soit désormais une habituée des lieux de spectacle parisiens (Maroquinerie en 2008, Scopitone en 2009, Point FMR l'an dernier), la rareté de l'audience au Café de la Danse ce soir surprend. EMA, jeune Courtney Love-like mal fagottée, entame, par conséquent, ses premiers morceaux devant une salle quasi-déserte. L'ambiance est froide et ce n'est pas les cris du coeur de l'Américaine ("I'm 22 And I Don't Mind Dyin'!") qui réchaufferont la salle (malgré, toutefois, des instrus lo-fi pas moches. Ces saillies restant malheureusement anecdotiques).
Une attitude blasée approchant le cliché et une bouteille de rouge plus tard, la scène se vide, laissant place à Drawlings et ses 20 minutes laborieuses d'ambient/drone mal assuré. Le set confine à l'exercice de style. Et ce n'est pas la filiation avec Animal Collective (Abby Portner, la jeune femme, est la soeur d'Avey Tare), ni les échos lointains entendus avec Pocahaunted qui me feront changer d'avis.
Retour dans la salle, après ces points de vue de la scène : ça se remplit, doucement. Et c'est un public sage qui voit arriver sa tête d'affiche, une Anglaise toute timide, et son batteur dégingandé. Configuration minimale attendue pour celle qui, sur disque, a su capter toute l'énergie grunge pour la restituer, en funambule sur 6 petites cordes, en morceaux électriques tendus. Le rendu sur scène est à la hauteur de ce qu'on imagine. Scout Niblett, d'un abord délicat, est à la fois rêveuse et acharnée, docile et sauvage. Pleine de désillusions et d'espoirs sans cesse renouvelés, elle alterne balades électriques à chavirer et envolées rageuses décuplées par un batteur fou, frappant avec emphase, jouant néanmoins avec finesse, un air de Brian Viglione (The Dresden Dolls) dans la technique. Ainsi, Niblett conquiert son public, qui se chauffe, qui s'enivre jusqu'à s'échauffer : la fosse se lève, tente quelques pogos, encourage la guitariste qui, quelques instants, se placera même derrière les fûts pour une reprise déjantée de "We Are The World" (oui, le "tube" des années 80). Celle de McCartney, "Maybe I'm Amazed", aurait pu être écrite par Emma Louise elle-même, tant le jeu du "je t'aime-moi non plus" rythme en permanence son jeu, tant en studio que sur scène.
Faisant tourner ses 3 derniers albums en date, Scout Niblett impose sa cadence, calme seulement en apparence. Elle prend un malin plaisir à faire éclater sa colère aux moments les moins propices, reinventant à elle seule cet esprit de Seattle dans les années 90. Le dénument de ses compositions n'ayant d'égale que la richesse des émotions qu'elle y fait passer. 1h30 plus tard, Niblett a ce sourire satisfait de ceux qui ont réussi à séduire leur monde. Et entame son dernier rappel, devant un public qui la réclame, elle et son batteur, à cors et à cris.
Lorsqu'elle revient, enfin, le public envahit la scène. Le délire n'est plus le même, il pue le mauvais vin, l'ambiance retombe, on a presque envie de prier la dame de partir avant que les ennuis ne commencent. Elle persiste un peu, et abandonne lorsque l'envie disparaît, peu après. Tant mieux, et dommage à la fois. Oublions ces 10 dernières minutes. Repassons-nous le reste, en attendant l'année prochaine sans doute.
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