Hacride + Abysse + A Subtle Understatement
par Craipo (16/12/2009)
Le temps est froid et humide sur Nantes. Un temps de nantais dirons nous. Mais ce soir encore, dans la cité des ducs, nous avons une bonne raison de sortir: Le Ferrailleur accueille la première des deux dates réunissant Abysse et Hacride dans l'ouest de la France (une seconde est prévue le lendemain à Lorient). Pas de préventes, la salle est donc déjà très correctement peuplée à 20h30. Tant mieux. Après tout on a l'a déjà vue bien plus vide par le passé... pour des raisons que je ne m'explique d'ailleurs pas toujours (reemember Have Heart... les présents comprendront) donc ce genre de constat est toujours rassurant.
Assez rapidement, A Subtle Understatement entre en scène. Ils ont beau être du coin, je ne les ai encore jamais vus, l'occasion est donc idéale pour réparer ce manque. C'est tout du moins ce que je croyais. Bon déjà, que les choses soient claires: généralement le Deathcore j'aime pas. Enfin à quelques exceptions près. Cependant, bien conseillé par l'ami à cinq branches, je m'étais un peu penché sur le cas des cinq locaux quelques mois plus tôt et avais été plutôt agréablement surpris. Le soucis du soir va venir du fait que la "Grippe A" (oui, oui) aura amputé le quintet d'une guitare. Plein d'envie mais visiblement handicapé par ce manque, le groupe va se battre pour dévisser des têtes et enflammer la fosse, exhortant le public à bouger autant que possible. Les plus habitués réagissent mais force est de constater que la sauce a souvent du mal à prendre. Les compos paraissent bancales, il manque quelque chose, et le chant, même s'il est puissant et maitrisé frise l'inaudible: déjà très caverneux et éructé il est peut être un peu trop mis en avant au détriment de la guitare restante, notamment. Le groupe montre un potentiel tout à fait honnête, notamment se ses intros qui sont autant de grosses mandales gratuites plutôt très bien amenées que le quatuor d'un soir se perd un peu en route sur la durée dans cette configuration réduite. Dommage.
Abysse, à l'initiative de la soirée, prend la suite dans un style beaucoup plus sobre. Avec les choletais, comme je l'écrivais il y a quelques mois de cela, ce sont les instruments qui causent, même sur scène. Abysse ne cause pas, Abysse joue. La recette est simple mais encore faut-il l'agencer correctement pour que le rendu soit acceptable. Et sur ce point Abysse va démontrer sans trop de peine ses talents et, très rapidement engloutir l'assistance dans les méandres de son univers muet et contemplatif. Le rendu sonore est par instants un peu à la peine (c'est toujours le risque de ce genre de compos) mais dans son ensemble la prestation fait plutôt bel effet et le quintet récolte des applaudissements nourris à la fin de chaque titre. Ne me demandez pas la setlist, je ne l'ai pas, trop occupé à (enfin!) observer le groupe à l'œuvre dans ses enchainements de plans postcore/metal/postwhatever. En prémisse au concert qui doit suivre, Abysse chauffe l'espace, l'envahit, se répand en musique dans la bonne humeur et fait monter la sauce jusqu'à son dernier morceau, le plus virulent et peut être le plus convaincant de la prestation. Le concert s'arrête, Jeremy (basse) peut enfin ouvrir les yeux et j'entends les noms et qualificatifs filer autour le moi: "Pelican", "Neurosis", "Metal Progressif", "planant", "génial" et j'en passe. Il y avait visiblement pas mal de premières fois ce soir. Et comme dans d'autres domaines, lorsque les choses sont faites avec passion et application, il semblerait que ça ne fasse pas si mal que ça, bien au contraire. Vivement la deuxième?
Quand arrive Hacride la scène semble s'être agrandie. Ce même groupe qui m'avait paru si à l'étroit à l'Ubu un an plus tôt puis terriblement à l'aise lors du Hellfest 2009, disposant enfin d'un cadre à l'envergure de ses compos envahissantes vient de s'accommoder sans le moindre mal de la topographie du lieu. Les poitevins ne sont pourtant que quatre - trois sur l'introduction de la prestation - me direz vous mais, pour une raison que j'ignore, j'ai depuis des mois la sensation qu'Hacride ne peut exister hors d'un espace à sa (dé)mesure. J'adore me tromper de la sorte.
Mais revenons plutôt au départ de la prestation. Hacride n'est alors qu'un trio instrumental et fait monter l'intro sur Phenomenon. La tension, déjà à un niveau peu commun, continue de monter pour une raison évidente: Hacride n'est plus n'importe quel groupe car le quatuor fait désormais partie de la tête de gondole au niveau français ce qui, sans virer dans le chauvinisme au premier degré, n'est pas rien sur la scène Metal ces dernières années. Hacride est une tête d'affiche, une vraie, que l'on se voit presque offrir pour un simple billet de 10, bien accompagnée qui plus est. C'est maintenant une machine de guerre sure de sa force, d'une efficacité et d'une précision redoutable. Alors oui, bien évidemment, l'attente est présente, presque palpable.
Et lorsque Samuel entre en scène, le show démarre pleinement, bascule. My enemy. En quelques instants Hacride plaque l'assistance au sol, bien aidé par un son aux petits oignons (merci Thomason) qui fait parfaitement ressortir les alternances de chant comme les textures sonores de son dernier album en date. Bien sur la batterie, très puissante, n'est pas en reste, loin de là. Elle reste même un des gros atouts du groupe ce soir encore. L'autre particularité d'Hacride hormis des compos énormes et un son au même niveau, c'est bien sur Samuel et sa prestance envahissante. "Ce type est une rock star" allais-je échanger un peu plus tard dans la soirée. Oui, voilà, c'est tout à fait ça. Sauf qu'il n'est pas question d'excès ou d'attitude déplacée, non. Il habite juste ses titres, communique sans cesse avec le public sans pour autant en faire des tonnes et forcément lorsqu'il nous invite humblement à entrer dans leur univers au démarrage de To walk among men, c'est le plus naturellement du monde que, tous, nous avons envie de le suivre, lui et ses trois compères. Live, Hacride vit à travers son vocaliste et, lui, attire l'attention, captive, nous pousse à nous intéresser au fond autant qu'à la forme, au travail du groupe... dans son ensemble. Captivante synergie. La première demi-heure de show vient de passer comme l'éclair et pourtant les poitevins n'ont pas encore donné le meilleur de leur alliage de puissance et de finesse. Pourquoi? Parce que quelques minutes plus tard le combo va nous honorer d'un A world of lies d'anthologie. Leur titre le plus équilibré, le plus poussé de leur courte et déjà riche discographie qui fut tout autant offert sur un plateau qu'asséné comme un coup derrière la nuque à un public littéralement cloué dans ses bottes (comment ça je généralise?). Heureusement que Perturbed était déjà passé par là pour échauffer les cervicales - et les épaules pour les personnes placées devant la scène. Le dernier tiers du concert semble dès lors se faire dans la foulée, passant plus rapidement encore que précédemment, profitant de nous voir captivés pour s'échapper vers un final dont personne ne veut. Puis le groupe annonce clairement la couleur alors que débute On the threshold of death: ce titre sera leur final et la dernière occasion pour chacun de se défouler, chose qu'ils ne rechigneront pas à faire, le sourire aux lèvres. Ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls. On en aurait bien repris une dose à vrai dire, car avec ce genre de concert il n'y en a jamais assez. Mais soit. Hacride a déjà fait bien plus que le minimum syndical, assurant un show, intelligent, évocateur et passionnant. Comme quoi progressif ne rime pas toujours avec prétentieux, comme quoi accalmie et ambiance ne se veulent pas forcément antinomiques de "Metal". Car "Metal" ce concert fut, bien plus que beaucoup d'autres auxquels j'ai pu assister d'ailleurs.
"Ca fait plaisir de vous voir de plus en plus nombreux à chaque concert" nous avait lancé Samuel plus tôt dans la soirée. Quoi de plus naturel pour un groupe qui semble, à l'image de sa musique, progresser à vue d'œil et de date en date?
Grosse, grosse soirée donc à Nantes pour les amateurs de gros son cherchant autre chose qu’à vider leur bière en beuglant grassement sur fond de bruit. Grosse soirée tout court même. Et puisque c’est comme ça, on r’viendra.
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