Festival La Route du Rock 2009

par Chorizo (26/08/2009)

La Route du Rock - collection été, 19e édition - c'est quoi? Avant tout, un festival "intimiste" qui ne se monte pas la grosse tête face aux cadors du genre (1 scène, près de 15 000 festivaliers pour cette édition), une programmation quelque part confidentielle qui brasse dans nos souvenirs (Peaches, Tortoise, My Bloody Valentine) ou dans ce que la folk, l'electro et la pop ont su faire de mieux ces dernières années (Grizzly Bear, Bill Callahan, Andrew Bird; Gang Gang Dance, Four Tet), un  cadre superbe (le Fort Saint Père) gorgé de soleil cette année, une ambiance calme, entre hipsters et vieux de la vieille, entre curieux et passionnés. Tout ça, sur 3 jours. Tout ça... et des énigmes...

 

Vendredi 14 août
Le vendredi, c'est un peu le jour des revenants, ces fantômes qui surgissent devant nos yeux ou dans nos têtes. C'est celui des hallucinations sonores, entêtantes et animales. Un instinct presque primaire, noyé dans les notes. Un concours au plus sauvage, au plus fort qui survivra.
Ah, et à celui qui entrera le plus vite sur le site du festival selon qu'il porte des Converse ou pas. Chouette concept, qu'on suggère de réitérer l'année prochain avec les Crocs. On taquine, mais l'initiative interroge.

Intro pompeuse, certes, mais aussi totalement démentie lorsque nous arrivons (à la bourre) au Palais du Grand Large (l'auditorium de Saint Malo) pour assister à la mise en bouche de cette journée, l'intrigante Marissa Nadler. L'américaine vient présenter son dernier album, Little Hells, accompagnée d'un backing band pour mettre en musique ses contes, dans une ambiance sombrement féérique. Elle tisse son univers, voluptueusement, sans fausse note; un jeu d'éclairages qui la met en valeur et rajoute de la couleur à ses histoires. Charmant.

Retour au Fort Saint Père, où Deerhunter épuise ses guitares. Nous n'aurons malheureusement pas l'occasion d'écouter la bande de Brian Cox mais la dream pop distillée semble avoir conquis les festivaliers si l'on en juge par la sortie qui est réservée au groupe.

Ce sont les vétérans de Tortoise qui prennent la suite. A en juger par la faible affluence lors de leur entrée en scène, ce n'est pas eux qui ont du sex appeal ce soir. Pourtant, les vétérans de la scène post-rock de Chicago viennent de sortir un de leurs meilleurs albums, Beacons of Ancestorship, qui navigue entre les genres avec un malin plaisir: electro, rock, punk, jazz... Un savant mélange parfaitement retranscrit sur scène. On craignait un peu de se retrouver dans un ascenseur et au final, les chicagoans réservent une belle surprise avec un set dynamique, un son énergique (et fort, mais sans bavure), des morceaux tirés de toute leur discographie et deux batteries qui se cherchent, se répondent et apportent un plus considérable au live. Finalement, Tortoise remporte sans forcer l'adhésion de la foule. Il n'est jamais trop tard pour s'y mettre...

Non, le sex appeal, les Dieux du stade, le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière, c'est My Bloody Valentine qui le trimballe. Ils permettent aussi de donner raison à l'intro de ce report. Gros retour attendu pour les shoegazers irlandais qu'on avait quittés au début des années 90 sur deux pépites et une réputation sulfureuse en live. MBV c'est du Culte, du lourd, de l'assourdissant. Un je-m'en-foutisme absolu, les yeux braqués sur ses pompes et les amplis. C'est une absence d'ingé son. C'est une crainte de la part des organisateurs du festival. C'est une énigme. Ou une Arnaque. La foule massée près de la scène en attendait beaucoup; on ne compte plus les oreilles ramassées en fin de set. 1h30 après être entré sur scène, le groupe laisse un public médusé. Une bouillie sonore intenable d'où les mélodies et la voix ont disparu. Impossible de reconnaître les morceaux, de ressentir quelque chose. Le groupe joue de plus en plus fort, sans limitation aucune, et termine son set sur un mur sonore de près de 15 minutes où le seul intérêt réside dans le silence qui s'ensuit sur le champ de bataille. MBV c'est une Déception, rien ne justifie un tel set à des lieues des sensations sur disque, même pas une prétendue expérience sensorielle ou un revival 90's.
Beaucoup de festivaliers quittent le site après le set des irlandais. Ceux qui restent n'osent plus s'approcher de la scène. Du coup, lorsque A Place to Bury Strangers (groupe qui fait partie du panier d'héritiers des susnommés et dont on dit qu'ils jouent encore plus fort sur scène) se met en place, nous ne sommes que quelques uns à nous armer de courage. Le son sera fort, certes, mais on a libéré l'ingé son, retrouvé ligoté quelque part, et APTBS démontre en 35 minutes chrono que jouer fort ne signifie pas enterrer les mélodies. Leur post-punk mâtiné de shoegaze est catchy, dynamique, les guitares virevoltent tandis que les effets pleuvent, le groupe se dépense malgré un set très court et ravit les personnes encore présentes. On en reparlera à l'occasion de la sortie de leur 2e album, Exploding Head, à la rentrée.

L'agressivité du son depuis le début de la soirée n'aura d'égale que la sauvagerie et le primaire qui émane du concert de Snowman. A 2h30 du matin (!), rare sont ceux qui sont restés pour assister au concert des australiens. Et pourtant... Quelque part entre post-punk et The Liars, Snowman offre une prestation hallucinatoire à cette heure de la nuit où chaque membre du groupe retrouve ses instincts animaux. Cris, percussions tribales, choeurs chamaniques, The Horse, The Rat And The Swan est joué dans sa totalité avec une envie qui fait plaisir à voir. Là-dessus, on peut rentrer dans sa tanière.

 

Samedi 15 août
Le samedi, c'est un peu le parent pauvre de ce festival, malgré la présence de 2 grosses tête d'affiche. En terme de notoriété s'entend, car Papercuts et St. Vincent, que nous avons loupés sont deux one (wo/)man bands à découvrir, eux et leur son si délicat.

En terme de qualité de prestation, c'est un parent middle-class. Forest Fire, à l'auditorium, joue fort (décidément) et sa 60's-way of folk prend de l'ampleur, une autre dimension moins posée, plus lourde, jusqu'à un final "noise" (mot à la mode cette année) claquant. Peu de monde mais une prestation correcte pour ce jeune groupe timide de Brooklyn qui vient de sortir son Survival et repassera le défendre à la rentrée.

De loin, les écossais de Camera Obscura, influencés par leurs compatriotes de Belle & Sebastien, s'échinent sur scène. On n'y restera que peu de temps, pas forcément emballés par une musique qui a du mal à prendre vie malgré toute la bonne volonté du groupe. Et puis, The Kills entrent en scène, public déchaîné qui va bien. Duo garage rock, aux riffs aussi efficaces que sexy, emmené par la survoltée Alison Mosshart (bon, malade ce jour) et la voluptueuse boîte à rythmes (en forme, elle), The Kills livre un set chaud musicalement mais froid émotionnellement: c'est automatique, un peu sans passion. The Kills do the job et basta. Il en suffit de peu pour contenter un public qui a droit à ses classiques rock 'n roll mais sans pour autant y mettre le grain de folie qui aurait pu foutre le feu.

Celle qui allumera la mèche, c'est bien la revenante de Peaches, accompagnée d'un nouveau groupe et d'un nouvel habilleur. Tenues provocantes, postures salaces, Avril Lavigne sur scène, morceaux épicés, on replonge dans les années 80 avec cette quarantenaire punk qui aime se faire tripoter de partout et provoquer son public. Il faut avouer que c'est efficace. N'étant pas familier de son univers, on découvre avec curiosité ces punk-eries qui ont certes vieillies mais encore du chien et qui sont un vrai spectacle comme on n'ose plus en faire. Au moins, on sait de quoi rêver alors qu'au loin résonnent les premières notes du set de Four Tet qu'on n'a plus le courage de voir à cause de l'heure tardive et ce, malgré tout le respect qu'on a pour ses albums...


Dimanche 16 août
Le dimanche, c'est le jour des histoires. De frustration, de fou chantant, de frenchy un peu seul et d'ours qui se perd dans les bois. La frustration, d'abord, de ne pas pouvoir assister au concert de Gang Gang Dance au Palais du Grand Large, la faute à une assistance trop nombreuse et un raté de l'orga. Dommage, car la réputation de ce groupe avant-gardiste méritait d'être confirmée en live.

On se consolera donc en regardant Bill Callahan et sa folk classieuse ouvrir le bal en ce dernier jour. Touchant, aux arrangements country délicats, Callahan rappelle Leonard Cohen qui aurait croisé la route d'un Bonnie 'Prince' Billy dans un motel miteux des Etats-Unis. Le sens de la mélodie convainc, en tout cas et place la soirée sous les meilleures auspices. Ce qui est confirmé par Andrew Bird et sa joyeuse bande. L'oiseau chanteur siffle et fait vibrer une foule conquise d'avance par un set pêchu, majoritairement composé de chansons de son dernier album, Noble Beast. C'est avec plaisir qu'on entend le public reprendre les refrains et sautiller durant une petite heure.

Seul français de l'étape, Dominique A était fortement attendu pour défendre les couleurs nationales. Le set du provinois est intrigant, seul qu'il est sur scène autour d'une guitare, un piano et une boîte à rythmes. Etrange choix, qui lasse un peu par moments mais qui montre les qualités indéniables du compositeurs et de ses morceaux. Dominique A est un des rares artistes à avoir quelque chose à dire en français, frôlant la poésie et les moments de grâce musicaux. Son charisme fait le reste, qui lui assure une belle ovation à la fin de se prestation. Rendez-vous peut-être sur scène, avec un "vrai" groupe afin de voir ce que ses compositions peuvent dévoiler d'autre?

Sans se le cacher, on était venus en ce dimanche pour voir Grizzly Bear, les folkeux un peu barrés mis en lumière grâce à un Veckatimest fameux et inspiré sorti un peu plus tôt cette année. Le groupe réussit la prouesse de restituer en live ses fabuleux arrangements vocaux et enchante par l'orchestration de ses compositions. Carré, avec délicatesse et plaisir, Veckatimest défile sous nos oreilles, agrémentés de quelques morceaux de Yellow House. Il manquera toutefois un peu de pêche et de bonne volonté pour parfaire le show mais, sans faire la fine bouche, la qualité intrinsèque de leur musique suffit à faire de ce set une satisfaction.

 

Mis à part les personnes qui portent des lunettes de soleil, la nuit, pour regarder les concerts (encore une énigme... Mais pourquoi? Hein? Pourquoi?) et l'inutilité des boules quiès le premier jour, c'est finalement le mot qui résumera le mieux cette 19e édition de La Route du Rock. Une satisfaction de voir, sans prise de tête, avec une qualité certaine, des artistes sincères monter sur scène l'espace de quelques instants et prendre du plaisir à jouer devant un public respectueux. La satisfaction de se poser des questions sur tout et n'importe quoi, de se remémorer le "bon temps" (Tortoise, MBV, Peaches) au milieu de jolies découvertes (Marissa Nadler, Bill Callahan) et de confirmations (Snowman, APTBS, Grizzly Bear). Et en plus il a fait beau.

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