David Grubbs, La Terre Tremble !!!

par Senti (22/10/2008)

Le Montévidéo, c’est la classe. Au cœur de Marseille, ce lieu chaleureux et accueillant laisse libre cours à des interprétations en tout genre reliées par le goût de l’improvisation, du non-conventionnel et de l’expérimentation. Ce soir, c’est musique.

David Grubbs en solo c’est aussi la classe, la grande. Car David Grubbs, « Sound Art professor » à Brooklyn, ce n’est pas moins de 13 albums sur FatCat et DragCity. C’est Gastr Del Sol et Bastro avec des membres de Tortoise. C’est aussi et surtout, le trio punk rock 80’s Squirrel Bait avec 2 comparses de Slint.

Avant la leçon, ce sont les rennais de La Terre Tremble !!! qui investissent la scène feutrée et s’immiscent dans les conduits auditifs et les parois nerveuses encore en veille. Le trio est un électron libre inlassablement attiré puis rejeté par tous les pôles et toutes les forces physiques et psychiques. Leur musique se crispe et se détend, construit et déconstruit, cherche l’harmonie pour mieux la consumer, nous prend gentiment par la main pour finalement nous perdre dans un fracas épineux, sombre et nerveux. S’il fallait des balises, on dirait free-math-rock ou no-pop schizophrène, mais La Terre Tremble !!! et nous, on perd l’équilibre jusqu’à oublier les notions de "Frontière" et de "Mot". Leur tectonique des plaques est imprévisible, use de craquements répétés, de 2 ou 3 guitares qui se répondent, se chassent, tricotent dans leur coin pour s’accoupler ou se détruire, d’une rythmique étouffée ou cinglante. La Terre Tremble !!! intitule son album Trompe L’Œil mais nous a Trompé L’Oreille en nous attirant dans des mélodies imparfaites et dissonantes qui laissent, malgré tout, toujours une frêle branche à laquelle se raccrocher, de justesse. On ne s’est pas ennuyé une seule seconde à se débattre dans ce marécage sonore, original et tentaculaire.

David Grubbs et sa bonhomie naturelle et spontanée de natif du Kentucky nous accrochent inexorablement de larges sourires aux lèvres ; des sourires accentués, lorsque l’homme décoche quelques phrases en français pour situer son dernier passage à Marseille, il y a déjà une quinzaine d’années. Les compositions de David Grubbs content des histoires, dessinent des lieus et se fondent dans un kaléidoscope d’émotions véhiculées par la mémoire et l’expérience personnelle. Le guitariste n’est toutefois pas du style à ne piocher uniquement au sein de son monde intérieur comme un ermite. Il n’hésite pas à susciter un soutien rythmique (John MacEntire) ou une escorte à la guitare pour donner de l’épaisseur à sa musique sur la plupart de ses disques. Sur scène, cela n’empêche pas David d’être seulement accompagné de sa Gibson pour donner pleinement corps à ses compositions hybrides et méandreuses. Ainsi, Grubbs insuffle à ses paysages sonores un caractère labyrinthique par la combinaison savamment orchestrée de frasques folk évidentes et de tirades alambiquées, tendues à l’extrême. C’est bien ce tiraillement, entre légèreté harmonique simple et expérimentation acoustique bouillante, qui fait tout le charme de l’œuvre solitaire/soliste de David Grubbs. Le gazier libère des particules lumineuses à travers un chant suave et touchant sur le magnifique "Cold Apple", tube néo-folk intelligemment calé en milieu de set, puis se crispe sur sa guitare, les doigts électrisés, pour diffuser dans l’espace une énergie presque cathartique. Au terme de chaque morceau, c’est un sourire béat et communicatif, de soulagement et de satisfaction, qu’affiche le musicien, heureux avant toute chose. En ce qui nous concerne, c’est le même topo.

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