Bane, Have Heart, Ceremony, The Plague Mass, Up Rights
par Falbala (13/09/2007)
Terrible affiche de rentrée proposée par l'association Toulouse hardcore Shows en ce début de mois de septembre, quasiment un mini-festival réunissant diverses tendances du hardcore et des groupes poids-lourds made in U.S.A.
Ambiance débonnaire et bonne enfant sur le parking du Caravan Sérail ; skate, lecture et fin de repas pour les membres des groupes, mais à peine plus d'une centaine de personnes pour assister à l'un des concerts phares de l'année en matière de hardcore. Le vieil adage qui affirme que les absents ont toujours tort se verra vérifier de très belle manière par ce show qui ira crescendo et fera frémir le public de sensations fortes et totalement disparates, tant chaque groupe sera porteur d'une puissante identité.
Ce sont les toulousains d'Up Rights qui ont le privilège d'inaugurer la soirée. Sans complexe et en toute simplicité, la quatuor, récemment auteur d'un 7", livre un hardcore old school dans la plus pure tradition du genre. Energique et rustique, il éveille les premières velléités de slam et de mosh parts. Quentin, dont les qualités de frontman avaient déjà été remarquées lors des prestations de Fire At Will, s'emploie efficacement à faire participer un public plutôt empressé d'en découdre et qui finit par le porter à bout de bras. L'ambiance s'échauffe encore lors de la reprise du titre "The Decline" de Champion en fin de set. Une belle mise en jambe pour entamer la soirée.
The Plague Mass fait ensuite son entrée. Le groupe autrichien originaire de Graz, après avoir résolu quelques problèmes techniques inhérents à l'ampli basse, envoie son punk-metal mâtiné de metalcore où des passages mélodiques viennent assouplir le tout. Malheureusement, le batteur crève la peau de sa grosse caisse, cassant quelque peu le rythme de la prestation. Néanmoins, les fans du premier rang ne se chagrinnent pas pour si peu et le set, puissant, va se poursuivre dans les meilleures conditions.
Puis vient Ceremony.
Lorsque résonnent les notes pernicieuses et nauséeuses de "It Rained Today Inside My Head" (extrait du dernier 7" Scared People), le trouble envahit le public, et quand Farrar se met à hurler de sa voix hargneuse et écorchée, le regard fou et mauvais, un malaise preignant s'insinue dans la salle. Le frontman fait le vide autour de lui, repoussant physiquement les personnes et leur aboyant littéralement dessus avec haine et véhémence. Furieux, nerveux, il arpente l'espace usant d'une gestuelle emportée et brutale, le jack du micro enserrant son cou, le micro dans la bouche comme pour vomir. Aucun applaudissement n'accompagne les premiers titres. Atmosphère malsaine et show décousu à l'image de la musique produite par Ceremony. Entre les morceaux, Farrar se replie à terre, prostré, désespéré, agonisant, les autres membres du groupe ne bronchent pas. Le set se déroule dans une tension extrême, une intensité maladive, une agressivité mordante, oscillant entre désespérance et violence, notes insidieuses et fastcore rentre dedans. Farrar effarant, impressionnant, vit entièrement la musique, exorcisant sa haine par la haine et jetant à la face de chacun son mal-être et sa souffrance.
Un set d'à peine une demi-heure, mais aurait-on supporté plus longtemps une telle décharge d'agressivité et de douleur? Un set coup de poing, laissant des hématomes, que personne n'est sans doute près d'oublier, que l'on ai adoré ou détesté.
Etourdie, désorientée, décontenancée, la salle évacue la pression et reprend ses esprits pour accueillir Have Heart qui se présente sans Ryan Hudon. "Watch Me Sink" ouvre les hostilités et c'est la ruée immédiate sur Pat Flynn. Envie irrépressible d'être à ses côtés pour entonner avec lui ses paroles fortes qui se sont ancrées en nous, de participer à ce qui est parti pour être un énorme concert. Slam furieux, mosh parts endiablées, KDS acharné, la salle se déchaîne sur ce hardcore puissant et brut, asséné radicalement par un groupe en pleine ascension. Le public, hyper réceptif, connaît les morceaux par coeur et chantera tout le long du set. Les titres de The Things We Carry sont d'une efficacité plus que redoutable ; l'ambiance déjà surchauffée s'enflamme sur les morceaux phares que sont "Armed With A Mind", "The Unbreakable" ou "Something More Than Ink". A plusieurs reprises Pat Flynn est totalement submergé par le nombre mais continue à tendre son micro vers ce public entièrement acquis à sa cause, qui lui renvoie son message avec conviction. Impression jubilatoire de se retrouver sur ces photos de covers, dans cette imagerie traditionnelle du hardcore qui est bien réelle et dans laquelle on entre avec excitation. Tout cela est intense, énergique, palpitant! Et jusqu'à l'excellent "Watch Me Rise" qui concluera le set en apothéose, l'ardeur du public ne se démentira pas. Le groupe recueille tous les suffrages et l'ovation finale le convie à un rappel ("Old Man II") qui clôture définitivement cette impétueuse et incandescante prestation à laquelle le public tout autant que Have Heart aura contribué.
Après Have Heart, la venue de Bane est perçue comme une gratification suppléméntaire, un bonus set, mais chacun garde à l'esprit qu'il s'agit d'une figure emblématique du hardcore, un groupe quasi-mythique qui aura marqué de son empreinte le mouvement au même titre que Sick Of It All.
L'ambiance est totalement décontractée lorsque A. Bedard, casquette vissée sur la tête et incontournable chemise à carreaux, P. Chilton et les trois musiciens qui les accompagnent sur cette tournée, (et où l'on retrouve le guitariste remplaçant de Have Heart derrière les fûts, qui se révèle être un excellent batteur), montent sur scène. Le set prend rapidement de l'amplitude : slam, mosh parts, circle pits s'enchaînent. A. Bedard, débonnaire et rieur, vient danser au milieu de la salle dans son style si particulier. Osmose parfaite avec un public tellement heureux et ravi qu'il ira jusqu'à bâtir des pyramides humaines et à jouer à saute-mouton devant le groupe hilare. Bane balaie plus de dix ans de hardcore en jouant des titres extraits de toutes ses réalisations (The Note, Give Blood, Holding This Moment, It All Comes Down To This), des titres à l'impact foudroyant en concert. "My Therapy" est énorme, reprise en coeur par toute la salle, et "Swan Song" particulièrement réussie, associant Bedard et Chilton au chant, ce dernier ayant par ailleurs une très intense présence scénique. Le set est ponctué par des discours très touchants de Bedard, dont la voix éraillée fait naître des frissons. Ses mots, simples et émouvants, emplis de force et d'énergie, donnent envie d'aller de l'avant, soudent le public et donnent à chacun une forme de fierté d'appartenir à ce mouvement, si divers mais tourné vers un même but : vivre pleinement. Chacune de ses interventions est applaudie avec ferveur et passion. Et ce message, profondément ressenti, va être parfaitement illustré par P. Flynn et R. Farrar qui se sont glissés parmi les fans, participant à cette fête comme pour démontrer qu'effectivement le hardcore est une grande famille composée de diverses personnalités ayant differentes manières de s'exprimer et d'appréhender les choses, mais solidement unie. Un concert pour se faire plaisir, s'amuser et profiter du moment présent, un instant de bien-être et de joie qui se termine par "Can We Start Again?" et un énorme circle pit endiablé. Chaleureuse, conquise par tant de sincérité et d'authenticité, la salle réclame le retour de Bane qui revient jouer un morceau écrit en 1995 et figurant seulement sur les premières démos ("Both Guns Blazing" selon les inconditionnels) ; le circle pit se reforme, déchaîné, ultime. Et puis c'est réellement la fin. Tout le monde se congratule, les membres de Bane serrent des mains, entament le dialogue, souriants. Les fans sont ravis, les visages rayonnent : Bane semble être l'incarnation du hardcore dans ce qu'il a de plus jouissif!
Soirée mémorable, inoubliable et terriblement étonnante. Après Ceremony, groupe torturé, violent et désespéré, Have Heart a débuté son concert par "Watch Me Sink" comme pour ponctué cet état d'esprit. Groupe pivot, il va ensuite entamer une transition qui va aboutir à "Watch Me Rise" et ouvrir ainsi la voie à Bane et à son message unitaire et ultra positif. Une progression sans doute fortuite mais qui a donné à ce show une dimension philosophique qu'il est étrange et surprenant de découvrir et assez extraordinaire d'avoir vécu au travers de sensations diverses. Aurions-nous involontairement foulé les sentiers d'un parcours initiatique?
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