Amenra, Verset Zero

Complet ! Oui, le concert du mercredi 14 mai 2025 affiche complet à l’Antipode. Les années passent et Amenra rassemble un public de plus en plus nombreux. Le groupe de Metal est venu trois fois à Rennes depuis l’épisode Covid. Des soirées qui étaient toutes organisées par Garmonbozia. En 2021 pour un set acoustique, en 2022 avec un retour tout en électrique et enfin aujourd’hui, en 2025. Et pour cette date, ils sont attendus ! Les gens se massent à l’entrée bien avant l’ouverture des portes. Dans la file d’attente, les discussions tournent autour des musiciens belges et de leur discographie. C’est beau ! Amenra existe depuis 1999 et il fédère plus que jamais. Le succès viendrait-il à force de persévérance ? 

À l’intérieur, la salle se remplit vite. Qu’il soit côté fosse ou balcon, le public sait que la visibilité et l’acoustique ne seront pas en reste. L’Antipode offre un confort d’écoute exceptionnel depuis la création de son nouvel équipement en 2021. La première partie est assurée par Verset Zero. Un seul en scène qui fait les dates françaises de la tournée européenne d'Amenra (sauf Paris). Avant le début du live, le décor est planté : un autel, des bougeoirs, un drapeau à l’effigie d’une croix inversée... Quand il apparaît, le musicien est vêtu d’une toge et d’une épaisse cagoule. L’éclairage est minimaliste. Même au moment de lancer sa diatribe, Verset Zero reste à peine visible. Bible satanique à la main, il entame sa messe funèbre. L’attention est captée ! La voix est lugubre, gutturale, envoûtante... Le chanteur convoque les ombres sur une musique Electro. Une prêche aux portes de l’Enfer qui happe d’emblée un public qui ne lui était pourtant pas acquis. À l’occasion, il prend guitare et basse pour offrir un espace de cohabitation entre le monde des vivants et celui des morts. L’intervention d’instruments à cordes au milieu du set donne un nouveau souffle au live. Dommage qu’il ne le fasse pas plus souvent. Certes, la musique Electro couplée à ce timbre d'outre-tombe donne une intention quasi expérimentale… mais l’exercice en devient parfois un peu trop clinique. La performance reste à saluer. Ce soir, Verset Zero n’a laissé personne indifférent.

Amenra ne tarde pas à enchaîner. Lumières éteintes, ils se placent sur scène en toute discrétion. Un bref réglage à la guitare, un début de mélodie au médiator… et puis, le groupe démarre avec "Salve Mater". Le public réagit tout de suite ! Une bordée d’acclamations... qui s’estompe presque aussitôt. Dès que le morceau s’envole, les spectateurs se taisent à l’unisson : la musique d'Amenra s’apprécie à la note précise. Il faut avouer que la voix de Colin H. van Eeckhout embrase tout ! Dans ses textes, il s’exprime en flamand. Des mots criés qui donnent des airs de dialecte ancien à cette langue essentiellement parlée en Flandre. La posture qu’il adopte pour les déclamer est tout autant singulière : de dos et courbé, le frontman ne se retourne qu’aux rythmes impulsés par ses camarades. Le live ne fait que commencer et c’est déjà impeccable. Oui, cette première composition dévoile une partie du talent d'Amenra. Les musiciens savent jouer avec les silences. C'est une vraie force. Ils osent les longs morceaux qui ne cessent d'alterner entre lignes harmoniques et montées en puissance. Il faut souligner l’implication de Mathieu J. Vandekerckhove qui est à l’origine de tout le travail de composition, mais qui pourrait le deviner ? Chez Amenra, nul ne se met en avant. Peu d’éclairage, fumée épaisse... les visages des cinq protagonistes sont inaccessibles. L’ambiance est sombre. Les symboles religieux émergent. Les silhouettes spectrales des musiciens se mêlent aux vidéos en noir et blanc qui défilent derrière eux. Avec "Razoreater", ils ne relâchent rien. C’est avec "Plus Près De Toi" qu’ils entrent dans une nouvelle dynamique : ils imposent un rythme binaire qui dure... et qu’ils ne le rompent qu’au bout de plusieurs minutes avec un chant clair en français. L’instant est suspendu et ça repart. Quelle claque ! Le morceau n’est pas récent. Il est sorti en 2017 sur l’album Mass VI et il est toujours si puissant.

Leur set comporte d’ailleurs des titres antérieurs à cette période comme "Am Kreuz" et "Terziele.Tottedood" qui se veulent plus à vif. Forlorn (nouvel EP) est également très attendu. Une setlist qui prouve qu’Amenra assume plus de vingt ans de créativité. Idem pour le line up. Au fil des ans, certains postes ont changé; comme pour la basse. Après quatre années à leurs côtés, Tim De Gieter est parti (en très bons termes) pour se consacrer à son projet Doodseskader. Depuis quelques mois, c’est la multi-instrumentiste Amy Tung Barrysmith qui tient la quatre cordes et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en la voyant sur scène, elle a très vite intégré le répertoire d’Amenra. À l’oreille, l’harmonie entre les musiciens va de soi. Ce mercredi 14 mai, les compositions s’enchaînent avec habileté. Oui, tout est millimétré mais le jeu du groupe belge n’a rien de mécanique. Au contraire. La fluidité et la qualité des transitions entraîne le public dans une attention rare. Pendant plus d’une heure, Amenra développe une partition qui se déroule presque comme un film. Tout y est. Des séquences, des moments forts, de l’émotion... Leur musique aborde la dualité dans toutes ses formes. Les vidéos en fond de scène semblent esquisser le cycle de la vie… Des images à l’aspect buriné qui pourraient évoquer la complexité du monde actuel tant dans sa violence que dans sa beauté. La musique d'Amenra paraît nous souffler qu’au milieu des ténèbres, la lumière brille... encore faut-il pouvoir l'atteindre. La fin du live se termine avec "Silver Needle. Golden Nail." Clap de fin ! Le concert se conclut d’un même bloc. Le groupe quitte la scène sans un mot. Un air de trop peu ? Le public reste médusé par ce set d'exception. 

Sombre, envoûtante, quasi introspective... La soirée du mercredi 14 mai 2025 marquera les esprits. Il y avait du cœur dans cette prestation d'Amenra. Oui et au-delà de la technique qui est maîtrisée, il est parfois bon de souligner qu’un lien peut se tisser entre un groupe et son public. C’est ce qui s’est passé lors de ce live à l’Antipode signé Garmonbozia. Amenra a donné l’impression d’offrir un concert unique à Rennes : c’est indéniablement la marque des grands artistes.