Radar Festival, 2024 - Jour 3

par OonaInked (23/08/2024)

On se lève tôt pour venir soutenir nos artistes compatriotes d’Ashen. Tout le monde n’a visiblement pas eu cette volonté; la Neural DSP Stage semble vide, en comparaison à la veille? tant pis pour eux ! Les performances live de Ashen sont constantes de qualité et de justesse, ce jour ne fait pas exception et leur reprise de Smells Like Teen Spirit a été très bien reçue. Ils mériteraient amplement leur place sur un créneau horaire plus long, il n’y a plus qu’à espérer, d’ici quelques singles sortis au compte-goutte.

Je vous avais parlé de The Omnific et leur combo deux basses / batterie l'an dernier en ouverture de Ne Obliviscaris. Eh bah rien de bien différent, c'est toujours un peu répétitif à mon goût et on en fait vite le tour, mais c'est toujours aussi carré et le batteur toujours aussi déconneur : il sourie dès le deuxième titre, profite de chaque temps mort pour rejoindre Toby et Matthew sur le devant de la scène et danser. Ça donne le ton sur le niveau d’autodérision du groupe. Dans la famille "Metal australien", nous venons d’avoir le cousin trentenaire, discret mais cool, aimant mélanger l’esthétique surfer-mulet et hipster, je demande maintenant la petite sœur alternative rebelle : Future Static. Amariah (chanteuse lead) présente un timbre clair proche d’Hayley Williams (Paramore), doublé d’un chant saturé pêchu malgré son petit gabarit. Je le redis, mais la Sneak Stage ne peint pas les growls de la petite scène sous leur meilleur jour, ni le reste de la performance. Ce fut une découverte agréable malgré tout et j’irai sûrement les voir dans un cadre plus propice si l’occasion se présente. En attendant, je me contenterai d’un Liminality (2023) en streaming, qui semble prometteur.


Photo Rubix Photography

En remplacement d’OxymorronsMike Dawes reprend le flambeau. Il n’a qu’un tabouret et un pied de micro, le cadre est sobre au possible… Et v’là qu’il enchaîne les blagues : "Everybody says Pedro Pascal! Pedro? Pascal! Pedro? Pascal!", ou "Please make some noise… for my shoes! Yeaaaaaah!". C’est absurde, on adore, capital sympathie sur vingt. Après une reprise acoustique de Jump, Mike prend le temps de raconter un potin de tournée accompagné de son nouveau pad et le quiproquo qui en a résulté quand un sample absolument pas adapté à l’humeur du morceau joué s’est déclenché par inadvertance. Hilarité générale. "Levez la main si vous voulez une autre balade sensible ?" Cette fois-ci, la balade est dédiée au fabricant de sa guitare, qui, il explique, n’exporte pas beaucoup de ses produits dans les pays anglophones… Pourquoi ? Parce qu’il s’appelle Andreas Cuntz - je laisse aux non-anglophones le loisir de chercher la traduction. S’en suit une anecdote sur sa recherche de boulot il y a de ça dix ans : il avait été recruté pour apprendre le ukulélé à des enfants turbulents qui au final utilisaient l’instrument comme une massue. Dawes propose un dernier moment d’introspection "que tous les progueux aiment et c’est polyrythmique, ce que je n’ai pas besoin de vous expliquer car vous êtes des nerds !" Certes. Histoire de finir en beauté (avec une pincée de fan-service en réminiscence de l’année passée), nous aurons droit à une reprise acoustique quasi-exclusive d’Euclid de Sleep Token. Tout simplement magnifique. Comme quoi, un mec tout seul qui fait des blagues aussi mémorables que sa musique est bien plus intéressant à regarder que d’autres groupes qui en feraient des caisses pour pas grand-chose.

On arrive à la grosse déception du jour : les Danois de Siamese se voient contraints d’annuler au dernier moment en raison de circonstances imprévues. En effet, leur van a dû être immobilisé par les autorités pour cause de surpoids*. Même sur la petite scène, c’était l’un des groupes que j’attendais le plus. Tant pis. Ils seront remplacés au pied levé par Pintglass, groupe local qui s’occupait de l’after party la veille. Du Hardcore sans cerveau, tellement bordélique entre tous les mouvements de foule dans le pit et sur les planches qu’il est difficile de savoir réellement combien de membres sont sur scène, mais j'apperçois qu’ils portent tous des gilets jaunes : forcément en tant que française, ça donne un parfum de grève générale et je trouve ça drôle !
*Si vous êtes intéressé.e.s par le pourquoi du comment, Early Maggots a eu la même mésaventure en direction des Pays-Bas et Simon (Guitare) en a fait un vlog disponible sur YouTube.


Photo : Loztogs
 
Tel un front split auditif à la Van Damme, direction la Mainstage pour Sungazer, leur Jazz fusion / Prog / Electro, leur saxophone et leurs pyjamas fluos. Je craignais que la dimension instrumentale, à l’instar de The Omnific, soit un peu trop répétitive… Ce n’était pas le cas, mais à la fois pas suffisant pour retenir mon attention. On reprend les hostilités avec les Gallois de Holding Absence, que je peux difficilement décrire autrement qu’un Caskets bis. Allez, en un peu moins torturé, on voit le rayon de soleil à travers le nuage dépressif. En dehors de Wilt (de leur album éponyme de 2019) qui présente une belle intensité, un refrain accrocheur et une bonne énergie de la part des musiciens, rien de très notable, malheureusement.

Déjà que je ne suis pas particulièrement fan d’Humanity’s Last Breath en live pour diverses raisons, je n’attendais pas grand chose de leur passage sur la Sneak Stage, pour les raisons précédemment citées. Avantages : aucun. Inconvénients : tous. Le son qui grésille, les spots violets et rouges hyper saturés qui éblouissent, la scène deux/trois fois plus étriquée que ce à quoi ils sont habitués… Un guitariste était même dangereusement proche de se cogner la tête quand il est monté sur un ampli pour saluer la foule. Si, pour une fois, vous souhaitez un avis autre que votre humble chroniqueuse, voici ce que le guitariste de Earthside tient a dire : "Je pense vraiment qu’il faut les voir dans une meilleure salle que la deuxième scène. Le son et la vue ne sont vraiment pas bons… Et je pense qu’avec un cadre adapté, j’aurais adoré et je les aurais trouvé dingues. Mais c’était compliqué pour moi de rentrer dedans et d'apprécier la performance". C’était ramassé - pas dans le bon sens du terme - et le cadre ne sied pas du tout leur potentiel tartaresque.


Photo Ruben Navarro

Le pénultième acte de la journée et du festival, que bon nombre attendaient je pense : Leprous, et leur "choix des morceaux par le public en temps réel". En ouverture, Have You Ever? et The Price sont imposés et rapidement les débats sont lancés. Einar nous laisse à chaque fois le choix entre quatre propositions, prenant attentivement en considération le nombre de mains levées et pas le volume sonore - "plus forts, mais moins présents", pointera-t-il à plusieurs reprises. Le consensus favorise The Valley, tiré de Coal (2013), plutôt que Restless, une des rares suggestions de Bilateral (2012), mais même si l’on peut constater une légère préférence de l’audience pour leur période old school, on est globalement sur un parfait équilibre entre les différents opus du groupe - à l’exception de Tall Poppy Syndrome (2009) - ce qui vous donne une idée de la quantité de travail en amont. Déception personnelle : le vote a choisi Alleviate au lieu de Distant Bells - qui, il faut l’avouer, a un sacré cachet. Satisfaction personnelle : j’ai pu voir Castaway Angels pour la première fois en live. Enfin, ce ne sera pas The Sky Is Red mais l’explosif Contaminate Me (sans Ihsahn) qui clôturera la soirée et au passage sera l’une des rares occasions où l’on entend Einar screamer. L’un des guitaristes n’était visiblement pas motivé pour la jouer, s’ensuivent quelques boutades. Clap de fin pour Leprous et pour les festivaliers, laissant les équipes de nettoyage, rangement et démontage entamer leur travail.

Bilan : Faux départ, vraie arrivée, vraie éclate. Les Anglais du Radar Festival n'en sont qu'à leur quatrième édition et positionnent déjà la barre très haut en termes de propreté, d’accueil, de prévention et de sécurité. La communication est fluide, la signalétique est claire et l’inclusivité est formidable à tous les niveaux (LGBTQIA+ friendly, régimes alimentaires, accès PMR). Les acteurs de l’industrie française devraient en prendre de la graine, à commencer par l’absence de complaisance avec les groupes ayant des valeurs diamétralement opposées au vivre ensemble et au respect de l’autre sous couvert de "séparation entre l’homme et l’artiste" ; car, ne vous en déplaise, le Metal, la musique et l’art plus largement, ont une dimension intrinsèquement politique. Sur ce, je vous dis à très vite dans le pit.


Photo Oli Duncanson

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