Emma Ruth Rundle, Jo Quail

The Black Lab (Lille / Wasquehal) - 9 juillet - Organisation : Cerbère Coryphée
Octobre 2021. La nouvelle tombe : un concert événement d'Emma Ruth Rundle est annoncé dans une église le soir de la Saint-Valentin 2022 (Église Saint-Étienne de Lille). Tous les ingrédients sont réunis pour passer une soirée tranquille, assis bien confortablement avec son plus un. Quelques jours avant la cérémonie, c'est le drame. La 274e vague de covid qui déferle sur la France a raison du concert, finalement décalé au 9 juillet et déplacé au Black Lab. Le concert organisé par l'asso Cerbère Coryphée est maintenu comme assis. Mais c'est Emma Ruth Rundle quand-même, pas de souci, on sera là, même si le concert avait lieu dans le pire rade de Lille (ce qui n'est pas le cas ici puisque le Black Lab, c'est assez cool comme lieu).

9 juillet 2022 20h30 : la violoncelliste anglaise Jo Quail est invitée par Emma Ruth Rundle pour ouvrir la soirée. La Black Lab est déjà bien rempli, à tel point que la plupart des places assises sont prises et quelques dizaines de personnes restent debout dans le fond. Un concert toujours aussi impressionnant avec cette mise en scène tout en simplicité : Jo Quail seule sur scène avec son violoncelle (qu'elle n'hésite pas à martyriser) et ses pédales de loop. Même pas besoin de micro. Quand Jo parle entre les morceaux, elle crie, et c'est suffisant pour que tout le public l'entende. Au programme : environ 45 minutes de concert, soit cinq morceaux, ou plutôt "mouvements" ou "incantations", comme l'artiste les appelle. C'est pile ce qu'il faut pour se préparer à la suite.


Jo Quail @ Rennes - Photo Anne-Laure Deylaud

Entre les concerts, tout le monde se lève. Ça dit bonjour (c'est vraiment toujours les mêmes têtes qu'on croise sur Lille), ça passe aux toilettes, ça prend un bière, ça parle de la pluie et du beau temps. Mais à 22h, dès qu'Emma Ruth Rundle arrive, s'installe au piano, et commence à jouer ses premières notes, la magie opère instantanément et tout le monde se tait. Plus personne pour parler, on n'ose même pas boire sa bière et pour le pipi, va falloir se retenir. Le temps s'est littéralement figé autour de l'artiste américaine. Et pour un premier concert post-Hellfest, bordel ça fait du bien un public qui FERME SA GUEULE ! La morale de la soirée : pas besoin d'église pour imposer un silence de cathédrale. En ce qui concerne la mise en scène, elle est ultra simple : une guitare, un piano, un micro. Même la présence d'un médiator est de trop, ce soir ça joue du bout des doigts. Et quant à la voix d'Emma... Pas besoin de démonstrations de force, ni de grigris, ni de vocalises inutiles : c'est une voix tout en retenue, à fleur de peau, qui fait ressortir la gravité du propos, qui inonde le public du Black Lab. Engine Of Hell, album acoustique sorti en 2021, est interprété dans son intégralité, avant un rappel de deux chansons dont Marked For Death. Emma discute un peu avec le public et introduit le morceau qui arrive : "another long and boring song" comme elle dit. Après environ 1h de set, les lumières se rallument et le public encore sonné par ce trop plein d'émotions et d'authenticité repart tranquillement vaquer à ses occupations du samedi soir. Merci pour ce moment !

L'Antipode (Rennes) - 10 juillet - Organisation : Garmonbozia
Pour la date de Rennes, le lendemain de celle de Lille, la disposition était similaire. La salle de l’Antipode a été placée en configuration assise et gradins, ce qui n’est franchement pas plus mal pour ce genre musique qui est propice au recueillement, au silence et à l’écouter attentive de la musique des deux musiciennes. Pour compléter ce qui a été évoqué plus haut (les deux concerts étant similaires sur le fond et la forme) j’ajouterai que les parties plus énervées de Jo Quail donnent un peu plus de chaire à « ses mouvements » comme elle les appelle ce qui confère plus de hauteur et de variations sur ces pistes avec certaines parties émotionnelles assez touchantes. L’ajout au fur et à mesure d’éléments de percussions, de petits effets, de quelques lignes mélodiques simples sont aussi plutôt impressionnants pour former une pièce et un ensemble fluide et émouvant. Rappelons qu’elle construit son morceau seule avec différents effets et boucles et qu’à la moindre erreur, toute une composition serait par terre. Et ça, ça force le respect.



Comme à Lille, Emma Ruth Rundle jouera en intégralité son dernier album Engine Of Hell en alternant piano et guitare. Un concert tout en sobriété, presque désarmant avec des chants faits de murmures et de voix plus hautes. Les compositions sont belles, mais le format et le parti pris au bout de quelques titres commence à devenir moins touchant. La musicienne d’un naturel timide, semble même un peu déboussolée ce soir que ce soit en s’adressant au public ou en quittant la scène où elle sera guidée par un technicien. Un rappel était prévu pour deux titres avec Marked For Death, mais un autre morceau qu’elle ne jouera étonnamment pas. Nous avions l’autorisation et les consignes de ne prendre des photos de la musicienne que sur ce dernier titre, ce qui est un peu dommage. Ce n’est pas grave, il y a des jours ou on est moins dedans, on a nos propres soucis etc. Ceci étant, j’aimerai beaucoup voir Emma Ruth Rundle en formation groupe et au format électrique afin que cela apporte davantage de hauteur et de variété dans ses morceaux que lorsqu’elle est seule sur scène.