Ieperfest 2019

par rwn (18/07/2019)

A l’aube du démarrage de cette 27ème édition, impossible de ne pas penser aux organisateurs et aux doutes qui doivent être les leurs. Sans chercher à en rajouter, on a clairement l’impression que l’avenir du festival va se jouer dans les heures qui arrivent. En effet, après une 26ème édition (à laquelle, fait exceptionnel, je n’ai pas pu assister) catastrophique, le festival s’est retrouvé dans le rouge. Maintenu in extremis en vie grâce à une campagne de Crowdfunding réussie (plus de 22 000 € récoltés), le Ieperfest n’est pas pour autant tiré d’affaire.

Vendredi

L'arrivée sur le site est teintée d’une drôle de sensation, un peu comme quand vous allez rendre visite à un proche en mauvaise santé. On sent que cette année les organisateurs ont tout fait pour réduire les coûts et s’en tenir au juste besoin. Le site est plus petit, ne subsistent que la tente de la Marquee et la petite tente. Le festival a également réduit sa programmation, passant de trois jours et trois scènes à 2,5 deux jours et demi et deux scènes, sauf en ce vendredi soir où seule la grande tente est ouverte. On sent également que le budget spotlight a été revu à la baisse. Assez rapidement je décide de me départir de ces sentiments et de laisser à dimanche soir l’heure des bilans : il fait beau, la fréquentation semble au rendez-vous, la mayonnaise vegan coule à flots et surtout ça moshe sévère !

Car en effet, Kill for Peace est déjà sur scène et nous offre une entrée en matière très couleur locale, tout en breaks et en riffs à couper au couteau : du pur Beatdown. Ils sont rapidement remplacés par les allemands de Risk It!, substituts de dernière minute aux regrettés Candy. Leur crossover bodybuildé à la Terror est somme toute assez entraînant, surtout dans les passages down tempo dominés par la basse et la batterie. Il faut reconnaître qu’avec ce genre de formation c’est généralement quitte ou double, un set pouvant facilement être ennuyant au bout de quelques titres, surtout lorsqu’on ne connaît pas très bien. A ce jeu-là les allemands ne s’en sortent pas trop mal, en grande partie grâce à la présence dynamique de leur frontman. A l’image de la totalité des groupes de la soirée, celui-ci prendra le temps de remercier l’organisation et surtout de souligner la chance qu’un tel festival 100% DIY puisse encore exister.


Photo : Risk It! - Kevienpictures

Changement de style avec les américains Sect qui naviguent à la confluence d’un Hardcore à la Cursed et d’une Noise abrasive. On assiste alors à une déferlante de rythmes syncopés et de riffs ultra hachés judicieusement entrecoupées de quelques (rares) agréables respirations qui donnent du relief à l’ensemble. On regrettera simplement le mix qui, comme souvent au Ieperfest, ne laisse pas la chance aux rares aigus de s’exprimer. L’ambiance est bon enfant, surtout quand le chanteur nous demande d’entonner un bon anniversaire à sa copine restée aux States.

Photo : Sect - kievenpictures

Le nom The Setup ne vous dit peut-être pas grand-chose mais ici, il fait partie des grands de la scène Hardcore locale. C’est d’ailleurs à un concert un peu particulier qu’on va assister car il s’agit du tout dernier de la formation, qui raccroche après 17 ans de bons et loyaux services. Abordant différents registres, du Tough Guy au Melo, les belges délivrent une belle prestation et surtout l’animation du pit est à la hauteur d’un dernier show. Que rêver de mieux pour ces musiciens ? Même si je ne suis pas amateur du groupe, l’émotion est forte lorsque le chanteur s’exprime entre deux morceaux et on ressent qu’une certaine nostalgie s’installe au sein du groupe à l’annonce du dernier morceau. Le concert se termine sur un I’ll be Missing You de Puff Daddy de circonstance.

Photo : The Setup - kievenpictures

La soirée se clôture avec Harm’s Way et leur chanteur tout en muscles. Après une entame toute en retenue c’est un déchaînement de puissance et de double pédale qui vient vous prendre à la gorge. L’agression est brutale mais séduisante, notamment grâce à l’omniprésence de sons électroniques qui donnent au set une teneur particulière assez prenante.

Photo : Harm's Way - kievenpictures

Samedi

Nous espérions voir Power Trip, à la place nous avons le droit à Guilt Trip, formation déjà croisée lors de l’édition 2017. La prestation des britanniques ne me convainc pas plus qu’il y a deux ans mais leur Crossover stéréotypé ravit le public de la petite tente. Ça moshe en continu, le micro circule de main en main. La recette reste décidemment toujours la même pour faire bouger le festivalier sur cette plaine des Flandres !

Photo : Guilt Trip - kievenpictures

C’est avec Soul Grip, premier groupe ne jouant pas du Hardcore du week-end, que notre après-midi commence (enfin) à s’animer. Leur Black dépressif tranche en effet avec ce qui nous avait jusque-là été proposé d’entendre. Depuis la première fois que je les avais vus, on sent que les belges ont pris de la bouteille. A l’instar d’un Terzij de Horde on retrouve chez eux une énergie dont les racines sont à chercher au-delà du métal. A conseiller aux amateurs du genre.

Photo : Soul Grip - kievenpictures

C’est avec un grand étonnement que l’on retrouve une tente principale remplie pour assister au set d’Hangman’s Chair. En effet, généralement le public du Ieperfest est plutôt réfractaire aux groupes au style plus soft. Pour ne rien vous cacher, je suis totalement insensible à la musique des frenchies et j’ai du mal à comprendre la hype qui les entoure mais franchement tant mieux pour eux ! De ce que je peux en juger, les Hangman’s Chair délivrèrent un set carré et il faut souligner (le hasard fait que je les ai vus trois fois en quelques mois) que le groupe a vraiment une capacité à jouer à un niveau de qualité constante.

Photo : Hangman's Chair - kievenpictures

Autres stakhanovistes de la scène, les incontournables Wiegedood investiguent la scène principale avec un Levy Seynaeve toujours aussi sauvage mais désormais débarrassé de sa chevelure hirsute. Je ne compte plus les fois où je les ai vus en concert depuis 2014 mais le plaisir reste intact. Il est même renforcé par le fait que les belges délivrent désormais des sets complets et bien plus longs qu’à leur débuts. Je reste toujours aussi séduit par la puissance qui se dégage de ce trio guitare – batterie et par sa capacité à faire se côtoyer hargne et finesse.
Photo : Wiegedood - kievenpictures

Ce premier temps fort du festival est immédiatement suivi par un deuxième : l’arrivée de Turnstile. Il n’y a pas à dire, étendards de la P.M.A, les américains savent s’y prendre pour faire danser le public. Les tubes de Nonstop Feeling et de Time&Space s’enchaînent sur les si caractéristiques chorégraphies de Brendan Yates (qui s’évertue de nous faire signe de la main, en mode Miss France), jusqu’à un problème de corde cassée que le groupe gérera à la perfection, allongeant autant que nécessaire l’intro d’I Don’t Wanna Be Blind. La seule chose que l’on aimerait voir changer chez Turnstile, c’est la durée de leurs concerts : à peine trente minutes pour une tête d’affiche, c’est un peu maigre. Allez, un quart d’heure de plus ? Dix minutes ? Quatre ? Bande de rats ! Allez, on vous aime quand même.

Photo : Turnstile - kievenpictures

“Ieperfest We are back home!” On ne va pas contredire Freddy Cricien tant Madball semble faire partie de ces artistes résidents du Ieperfest. A l’instar des autres membres du Big Four, les new-yorkais délivrent une prestation carrée avec un son énorme. Les classiques s’enchaînent à un rythme effréné : Rev Up, Get Out, Freight Train, Doc Martin Stomp… A son habitude, Freddy Cricien n’est pas avare en paroles, surtout lorsqu’il s’agit de souligner que le Ieperfest est un des derniers festivals à respecter les racines du hardcore : aucune barrière ni personne n’empêche quiconque de monter sur scène. C’est vrai qu’on comprend que les groupes apprécient d’y jouer alors que par ailleurs les environnements sont toujours plus aseptisés. Force est de constater qu’il n’y a jamais eu de problème ici. Il faudrait peut-être en tirer des conclusions plus larges… C’est sur ces considérations que s’achève notre deuxième journée.

Photo : Madball - kievenpictures

Dimanche

Il fallait être quelque peu matinal pour assister à la prestation sous la petite tente (bien appréciable, la pluie ayant fait son apparition) des mancuniens Pijn. Leur Post, dynamique et sous la tension permanente de la batterie et de riffs acérés est en effet parfait pour démarrer la journée. Ce dimanche marquera d’ailleurs un retour à une formule assez classique du festival avec de nombreuses ouvertures « calmes ». Slow Crush et Leiah, deux formations Indie, en seront d’ailleurs de parfaits exemples.

Photo : Pijn - kievenpictures

Uniform tranche radicalement avec le constat précédent. Entre Noise et Scream le trio guitare-chant-batterie délivre un son abrasif, sans concession et exigent. Il faut s’accrocher aux boucles de guitare qui se superposent sous peine de décrocher, submergé par une uniformité brutale. Ce déchaînement de violence génère une forme de fascination hypnotique alors même que quasiment aucune construction n’émerge réellement. Certainement ce que l’on appelle le chaos.

Photo : Uniform - kievenpictures

Après cette demi-heure de contemplation assez statique, Regulate réveille enfin les corps et les esprits engourdis avec un Hardcore qui emprunte autant à Turnstile qu’aux figures majeures du Crossover. A l’image de leur homologues (et tout aussi sautillants qu’eux), Regulate fait partie de cette génération de coreux qui n’a pas peur d’introduire des éléments pop. Clairement une des sensations de ce weekend.

Photo : Regulate - kievenpictures

On retourne sous la petite tente pour Drug Church et son Hardcore bienveillant. L’ambiance est relax, on discute conseils culinaires avec le sympathique chanteur (qui a grave l’air d’être à l’ouest). Musicalement, son grain de voix est incroyablement proche de celui de Ruiner. Certains riffs font penser à du Weezer (si si) pour leur coloration ensoleillée tandis que certains passages en Spoken Word rappellent les excellent Listener. Un bon moment.

Photo : Drug Church - kievenpictures

Décidément cette année, le Ieperfest est peu comme un resto de routiers tant on y croise des groupes qui semblent passer leurs vies sur les routes, en tournée permanente. Ils ont beau ne pas être rares c’est toujours avec le même plaisir que l’on retrouve Der Weg Einer Freiheit dont le set donne la part belle à Finistere (Repulsion, Frei, Sceptism...) tout en proposant quelques classiques issus de leurs précédents albums. Le son est vraiment clair, pas brouillon, les parties en chant clair maîtrisées.

Photo : Der Weg Einer Freiheit - kievenpictures

Après n’avoir une nouvelle fois pas été convaincu par Higher Power, Turnstile-like moins talentueux et au chant clair un peu trop nasillard, on passe voir H2O. L’unique représentant de la scène Hardcore melo de cette édition fait salle (tente) comble en cette fin d’après-midi. Il est vrai que sans être passionnant c’est assez plaisant Easy Listening et le combo a en stock quelques hymnes bien connus Sunday, Nothing to Prove, What happened? rituel de fin de set pendant lequel la scène est systématiquement envahie.

Photo : H2O - kievenpictures

On enchaîne avec les floridiens Gouge Away menés par la dynamique Christina Michelle. Cet autre représentant de la scène Alt. Heavy navigue aux frontières du Punk, du Post-Hardcore, du Screamo et du Spoken Word rageux. On regrettera la balance des sons qui enterra la voix sous les multiples couches de guitare.

Photo : Gouge Away - kievenpictures

J’avoue avoir perdu la trace de Comeback Kid depuis un moment (Symptoms + Cures en 2010…) et n’avoir pas été passionné par leur dernière production en date. La première partie du concert sera essentiellement marquée par un Andrew Neufeld haranguant le public et l’exhortant à être plus démonstratif (alors qu’il n’était pas particulièrement apathique…). Ce n’est qu’à partir du moment où le groupe se mit à jouer certains de ses titres les plus anciens (Falls Idols Fall, Do Yourself A Favor, G.M. Vincent&I et l’incontournable Wake The Dead) que les choses commencèrent réellement à devenir folles et l’ambiance énorme sous la tente principale. Comme quoi, c’est décidément dans les vieux pots…

Photo : Comeback Kid - kievenpictures

Je mentionnais un peu plus haut le fait que j’avais arrêté de compter le nombre de fois que j’avais vu Wiegedood. A ce petit jeu-là, Amenra est hors catégorie : je les ai vus au moins une fois par an depuis l’édition 2008 du Ieperfest… Il faut reconnaître qu’entre la lumière du jour, la tente bleue et rouge, les coreux bruyants, la présence d’un bar en fond de salle et les basses un peu trop présentes les conditions idéales étaient loin d’être réunies et pourtant encore une fois, ils réussirent à me prendre dans les mailles de leur filet. C’est dingue ce que leur musique peut être immersive. Pour moi le point tournant du concert fut Solitary Reign, certainement rien de bien original ! Quelle magnifique façon de clôturer cette édition du Ieperfest, que l’on espère être celle du renouveau.

Photo : Amenra - kievenpictures

Bilan

L’impression générale qui domine au sortir de ces trois jours de cette édition « de la dernière chance » est celle d’une réussite générale. A une époque où l’éclectisme est porté au pinacle de toutes les vertus, l’organisation du Ieperfest a fait le pari inverse, celui de la spécialisation. Recentrée sur les fondamentaux du fest, la programmation a fait la part belle au Hardcore pur et dur. Exit donc les journées où l’on pouvait entendre plus de Metal qu’autre chose.

Sachant qu’il n’aurait pas les moyens financiers d’attirer plus de grands groupes le Ieperfest a fait le bon choix en resserrant la configuration du site ainsi, même si la fréquentation est clairement en baisse par rapport à il y a quelques années (les organisateurs escomptaient 4 000 personnes, finalement ce fut 4 500 contre 10 000 auparavant), cela ne s’est pas trop ressenti, la densité aidant. Ne reste plus qu’à espérer que les rentrées financières auront été suffisantes pour permettre qu’une 28ème édition puisse être organisée. A l’heure où j’écris ces lignes, le doute persiste encore, le bilan financier n’ayant pas été fait. 

Photo : kievenpictures







rwn

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