Amenra + Boris

par Neredude (08/03/2018)

L'annonce d'une tournée en co-headline entre Amenra et Boris était très intéressante, tout simplement parce que ce sont deux pointures de la scène lourde, étant chacun de leur côté parvenus à se surpasser sur leur dernier effort discographique, Mass VI pour les belges et Dear pour les japonais. C'est ce qui nous a poussé à monter sur Lille pour voir ça.

Boris

Les japonais étaient jusqu'à présent habitués à une scénographie plus que minimaliste lors de leurs concerts, la lourdeur de leur son ayant quasiment exclusivement le rôle de convaincre le spectateur. Ce n'est pas le cas ici puisque quatre puissants projecteurs synchronisés sont tournés vers le public, qui seront utilisés pour créer un jeu de lumière inventif tout le long du set, notamment grâce à l'épaisse fumée qui envahit la scène. Au niveau du programme, nous sommes gâtés, puisque le trio va jouer en intégralité son dernier album, qui est suffisament varié pour donner satisfaction à tout le monde, de l'énorme poutrelle doom "Absolutego" à "Deadsong", accompagné de la voix plaintive du guitariste/bassiste Takeshi Ohtani. Il convient ici de saluer la mise en son, qui est tout bonnement impériale. Les amplis Sunn et Orange de Wata et Takeshi rugissent de toute leur puissance, tout en ayant assez de précision pour garder un tranchant qui fait remuer les entrailles. On peut remercier Chris Fullard, ingé-son de renommée, pour son travail d'orfèvre.

Nous avons également droit à un solo simple mais efficace de Wata sur "Absolutego" qui est décidément un des points culminants de ce set. S'ils pouvaient pondre un album avec une poignée de titres aussi bons, il y aura là un classique indétrônable du drone doom. Wata donne aussi de la voix sur "Beyond", qui est presque chanté comme une berceuse, sur un ton doucereux, avant l'explosion, où elle est rejointe par les deux autres musiciens sur un choeur exécuté avec justesse. A la suite, c'est un drone lorgnant vers le post-rock de Mono, avec de belles lumières qui invitent à l'introspection. On se croirait presque à une exposition d'art contemporain au Mac Val, avec Wata à l'accordéon, qui a un son d'orgue distordu.

L'avantage avec Boris, c'est qu'ils jouent tellement fort qu'on n'entend pas les indélicats parler, un fait loin d'être anodin quand on sait ce qui s'est passé pendant le set d'Amenra. Pour le final, Atsuo Mizuno utilise une sorte de percussion en forme de saladier, qu'il fait résonner autour des micros de sa batterie, et l'effet stéréo est saisissant. Il se met ensuite à chanter. Très clairement, c'est faux, mais il ressort une émotion forte de ces paroles en japonais, un spleen terrible. Ainsi, Boris a donné un concert à la fois brut et totalement maîtrisé. Amenra devaient tenir tête à un sacré challenger.

Amenra

Les belges ont construit leur notoriété sur des concerts cathartiques, implacables et scrupuleusement travaillés jusque dans les moindres détails de la scénographie. Mass VI est, à bien des égards, leur album le plus abouti, celui qui permet à la formation de parvenir à la conclusion du cycle de l'évolution de leur musique depuis leurs débuts. L'entrée sur scène avec "Boden" est parfaite, laissant monter la tension petit à petit avec les percussions primitives jouées par Colin et Bjorn, puis le liseré de guitare de Mathieu, avant l'explosion de distorsion. C'est tout simplement une des meilleures chansons d'Amenra. Derrière le groupe, un immense écran projette des images qui semblent être une représentation visuelle de leur musique. Toujours plus abouties, les plus marquantes sont celles qui représentent la nature en furie, que ce soit par les vagues, les geysers ou la rivière. Sur "Diaken", on verra une scène de suspension, réminiscente des lévitations filmées par Andrei Tarkovski, une influence visuelle du groupe.


De manière assez surprenante, le son est moins bon que pour Boris au même emplacement, c'est à dire à peu près au milieu de la fosse. Les riffs de guitare ne se laissent pas entendre avec la précision à laquelle nous sommes habitués avec Amenra sur les passages avec distorsion, et la voix de Colin a un timbre différent d'à l'accoutumée. Difficile de savoir s'il est malade ou si cela vient d'un problème de son. En tout cas, c'est vraiment frustrant, d'autant plus que le groupe avait donné un concert en tous points incroyable il y a quelques semaines à la Gaîté Lyrique. C'est parfait quand ils jouent en son clair, mais ce problème sur la distorsion rend les passages agressifs moins percutants. Dans ces cas là, il faut tenter de changer d'emplacement dans la salle pour voir si le son est meilleur ailleurs (voir notre dossier sur le son en concert). Mais il y a beaucoup de monde ce soir, la circulation est difficile.


Par dessus le marché, le concert est grevé par des gestes d'incivilité notoire. A côté de nous, un trublion fume une cigarette qu'il dissimule dans son eco-cup. Interrogé sur sa conduite, il répondra : "J'en ai rien à foutre.". Face à cette courtoisie exemplaire, direction le fond de la salle. Et nous tombons là face à une fille visiblement ravagée par l'alcool, qui se déhanche avec vigueur. A priori pas de problème, mais c'est alors qu'elle se met à hurler, d'abord pendant une pause entre deux morceaux, tentant vainement de chanter le riff de "Près de toi" sur le ton de la plaisanterie. Cela empire quand elle hurle en plein morceau, pendant un passage calme. Un spectateur lui-intime de se taire, mais elle réplique, visiblement déterminée à se faire entendre... (sic) Que dire de plus, si ce n'est que cette attitude marque un profond manque de respect, pour le groupe et pour le public qui assiste au concert. 

"Children of The Eye" est joué vraiment plus rapidement que la version studio, et c'est dommage, car le morceau y perd en lourdeur et en impact. L'adrénaline revient sur "Thurifer", un morceau qui fait un retour épisodique dans les sets du groupe depuis l'année dernière, Paris ayant eu droit à "Aorte" à la place. La dynamique de ce morceau est différente de celle des autres pièces du concert, et entendre une chanson plus rare apporte un peu de fraîcheur par rapport aux derniers passages en France de la formation. Autre nouveauté, "Nowena" est jouée en entier, avec sa belle introduction guitare/chant clair, avant un nouvel assaut distordu. Au fond de la salle, le son est nettement meilleur, donnant aux guitares tout leur pouvoir contondant, permettant donc à la version abregée de "Terziele" et surtout "Am Kreuz", de prendre une dimension dantesque. Amenra frappe fort et dur, et n'aura, une nouvelle fois, pas déçu. On ne peut pas en dire autant d'une partie du public.

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