Motocultor 2016 - Jour 2
par Metalorgie Team (17/10/2016)

Après une entame plutôt convaincante (à lire ici), cette deuxième journée du Motocultor 2016 s'annonce comme la plus intéressante.
Set en acier trempé à 13h35 pour les nantais de Regarde Les Hommes Tomber, qui ont privilégié leur dernier album Exile, plus garni en éléments Black Metal. Beaucoup de monde se masse sous la Massey Ferguscène pour apprécier toutes ces bonnes (et lourdes) vibrations, sublimées encore une fois par un rendu destructeur. Le désormais pas si nouveau chanteur Thomas fait péter le charisme et capte l’attention d’un auditoire conquis d’avance. Prestation sans faute de goût malgré quelques passages un peu brouillons. On regrette aussi le manque d’anciens titres, ce qui rend l’ensemble moins intense que leur première venue au Hellfest. Quoi qu’il en soit, RLHT est aujourd’hui une valeur sûre en concert, et on s’est d’ailleurs un peu questionné sur cette programmation très “matinale” pour un groupe de ce calibre, même s’il est du coin.Les québécois de Get The Shot ont délivré la partition la plus énergique et sautillante de la journée (et peut-être du fest') malgré une grosse averse intervenue en plein milieu d’un set furieusement engagé. En fait la pluie a amplifié la hargne du Hardcore thrashisant des Canadiens, le frontman acrobate, au coffre sans fond, haranguant la foule à plusieurs reprises pour former “le plus gros circle pit de l’histoire du Motocultor”, et pour finir “le plus gros wall of death de l’histoire du Motocultor” (à vérifier quand même), sur le titre "Cold Hearted". Majeurs et poings levés sous le déluge, ponctués d’une jeunesse qui emmerde le Front National. Ambiance au top pour un concert typiquement Punk-Hardcore. Un délice enragé, humide juste comme il faut, sauf pour les frileux(ses) qui ont décidé de quitter la Supositor après trois gouttes sur le museau. Tant pis pour eux.
Décidément les groupes français à l’honneur lors de cette 9ème édition du Motocultor ont globalement tout défoncé, et le set des Montpelliérains ne déroge pas à la règle. On commence à avoir l’habitude de se manger la classe folle du Metal filmique d’Hypno5e, mais la qualité du rendu sonore ne fait qu’accentuer la puissance des désormais classiques "Acid Mist Tomorrow", "Gehenne (part II&III)" ou le récent "East Shore-In Our Deaf Lands" précédé de son intro samplée tellement parfaite à l’entame. La plupart des interludes tirés de films sont d’ailleurs repris par une grosse partie d’un public particulièrement connaisseur de la chose. Breaks furieux, jeu de scène au sommet, spectateurs en symbiose… Malgré toutes ces excellentes ondes l’ambiance en journée n’est pas la plus idéale pour apprécier convenablement le Metal cérébral du quintet. On préférera leurs prestations en salle, même si on ressort tout à fait jouasses du bouzin.Gorod fait partie des trop rares groupes qui continuent à s’améliorer, que ça soit sur scène ou en studio, malgré les années qui passent. Ils nous avaient montré l’année dernière que l’inspiration était plus vivace que jamais avec A Maze Of Recycle Creeds, pouvant légitimement briguer le titre de meilleur album de leur discographie, alors que la concurrence est très rude. Et sur scène, ils parviennent à faire le parfait compromis entre le groove du Death Metal et le swing du Jazz. On n’a pas le temps de se souffler avec une setlist taillée pour les festivals. Les classiques du groupe sont calés à côté des « tubes » du dernier album, laissant entrevoir les différentes facettes de leur musique.
A la voix, Julien Deyres est toujours aussi volubile, maniant sa palette de growls comme un peintre ajoute les couleurs à sa toile. Servis par un excellent son, on peut entendre chaque instrumentiste avec clarté, et c’est un réel plaisir, mentions spéciales aux fulgurances des guitaristes en rythmique comme en solo. Tout cela fait que ce concert passe à une vitesse fulgurante. Gorod conclue cette belle performance avec le diptyque "Programmers of Decline / Disavow Your God", qui laisse une dernière fois apparaître de très beaux riffs de guitare, notamment le climax de "Disavow" avec sa partie de tapping harmonisée, belle démonstration de technique au service de la mélodie. On ne s’en lasse pas !
C’était définitivement une des grosses sensations du festival : Mayhem qui vient secouer la Bretagne en venant y jouer son album légendaire De Mysteriis Dom Sathanas en entier. Rares sont les groupes à susciter autant de controverses dans le metal, sans même parler des histoires criminelles. En effet, les débats que suscitent ce groupe sont également virulents en ce qui concerne leur évolution musicale, mais aussi leurs concerts. Les avis sont toujours très tranchés, et après une performance honorable au Fall of Summer 2015, on pouvait légitimement se demander ce qu’un tel répertoire pourrait donner sur scène. L’entrée en matière avec "Funeral Fog" donne le ton pour tout le concert. Le son est old school, particulièrement en ce qui concerne la batterie de Hellhammer, bourrée de reverb.
Même si on peut difficilement ne pas regretter l’absence de ce génie qu’est Blasphemer à la six cordes, la paire de guitaristes constituée par Teloch et Charles Hedger fait parfaitement son travail, avec une excellente interprétation. On notera qu’un certain effort a été fait concernant la mise en scène, avec de belles lumières rouges tamisées et des projecteurs de fumée qui viennent ponctuer les breaks iconiques de l’album, notamment sur "Freezing Moon" et "De Mysteriis Dom Sathanas". Avec sa cape, cette lumière et sa moue goguenarde, Necrobutcher ressemble à un vampire. Difficile à dire si c’était l’effet recherché, mais c’est un style ! Attila est fidèle à lui-même, avec un jeu de scène très grand guignolesque, avec son lot de gesticulations qui peut en rendre perplexe plus d’un. Mais vocalement, il est toujours très bon, et on appréciera qu’il n’essaye pas de faire une copie carbone de la version studio. Donc que conclure sur ce set ? Il a, une nouvelle fois, généré des avis contradictoires : certains ont trouvé que ça ne sonnait pas, et d’autres vraiment ont apprécié cette approche retro du son. En tout cas musicalement, ça tenait la route, c’est le principal ! A voir ce que ça donnera en salle avec Watain.
C’est alors que débute “l’enchaînement magique” (Cult Of Luna, Neurosis, Carpenter Brut, Amenra) avec les Suédois Post-metalleux positionnés sous la Massey Ferguscène. Pour celles et ceux qui ont pu les voir en 2014 au Hellfest, ce moment est resté gravé au burin dans la mémoire collective, et le fait d’espérer ici une prestation au moins aussi grandiose s’annonce ardu. On pouvait néanmoins s’attendre à l’une des corrections du festival, aussi bien scénique que musicale, et ce fut le cas, malgré des jeux de lumières moins impressionnants qu’au Hellfest. Quatre titres sont joués (trois de Vertikal et un d’Eternal Kingdom), l’audience ultra conquise se vautre dans l’hypnose extatique administrée par Cult of Luna dès le monstrueux "Vicarious Redemption", et se maintient en apnée jusqu’à la dernière note du tout aussi dingue "In Awe Of". La qualité du rendu est évidemment démentielle, faisant honneur aux circonvolutions de guitares vigoureuses, à une section rythmique possédée, et au charisme intemporel de chaque membre. On se souviendra assurément de ce show énorme, avec seulement un peu moins d’étoiles dans les yeux qu’au HF 2014, car un chouïa moins intense visuellement.Ce concert marquait mine de rien le grand retour de Neurosis en France après trois ans d'absence, avec des performances de qualité aléatoire à la clef, un peu à l'image d'Honor Found In Decay, considéré par beaucoup comme leur moins bon depuis Souls At Zero. Sur le point de sortir un nouvel opus, Neurosis était donc au Motocultor, pour former un triplé fatal avec Cult of Luna avant, et Amenra qui jouait après eux sur la grande scène. Et justement, les Américains entament leur set avec l'énorme "Times of Grace", morceau qui, dans son orchestration, préfigurait la direction que prendrait Amenra des années plus tard. C'est aussi accessoirement une des meilleures intros imaginables pour le groupe. Les riffs sont simples, mais d'une puissance redoutable, et ont l'effet d'un véritable coup de semonce. Que s'est-il passé ce soir-là ? Les étoiles se sont-elles alignées favorablement ? Difficile à dire mais en tout cas, Neurosis va se révéler dans une forme impériale. Tout y était, à commencer par le son : massif, et pourtant précis et tranchant comme le sabre d'un ronin assoiffé de sang. Le jeu de guitare de Steve Von Till et Scott Kelly se marient parfaitement, comme un alliage des métaux les plus lourds. Accord après accord, on a l'impression de se faire piétiner par un troupeau d'éléphants en furie. Ils nous interprètent deux morceaux de l'album alors à venir Fires Within Fires, et ça sonne, nom de nom ! Certes, ces nouvelles compositions sont très familières, car reprenant tous les éléments de la musique de Neurosis sans bouleverser la formule. Ce n'est pas un album de métamorphose comme ils avaient pu le faire par le passé. C'est vraiment étrange, car on les sent dans une osmose inhabituelle ce soir, peut être parce qu'ils se sont réhabitués à jouer ensemble après un été de tournée, et que la pression des sets anniversaires du Roadburn n'est plus sur leurs épaules. A la batterie, Jason Roeder fait toujours des merveilles avec un jeu polymorphe pétri de groove et de subtilité. Le public est en transe, hypnotisé sous la douche de décibels. Evidemment, il est difficile de ne pas regretter l'absence de projection vidéo pendant le concert, mais la substantifique moelle est présente, et en abondance. Tout le monde s'attendait à une performance bien sage, dont l'auteur de ces lignes : quelle erreur ! Ce soir, les anciens ont parlé, et leurs cris résonnent encore dans nos têtes.
Quel joie, quelle émotion de voir tous ces chevelus (ou non) désireux de changer d’air se déhancher sur la Synthwave de Carpenter Brut, judicieusement disposé entre Neurosis et Amenra. Interviewé par nos soins plus tôt dans l’après-midi, le bonhomme mystérieux qui tient d'ailleurs à le rester autant que possible, n’en est pas moins bavard, et l’entretien laissait présager de belles choses pour le concert. Effectivement l’ovni du festival a séduit une grosse majorité des metalheads présents, par une esthétique - aussi bien sonore que visuelle - qui parle quoi qu’il en soit à toute une génération autour de la trentaine, et aguiche au-delà sans problème. Le Français expose ici un panel exhaustif de ses trois EP, rassemblés dernièrement sur un album nommé Trilogy, accompagné de l’excellent batteur Florent Marcadet (Klone). Autant dire que ça claquait sous la Massey ! Le public totalement transi s’extirpe du dancefloor avec un sourire béat aux lèvres, le voilà préparé pour s’achever dignement avec Amenra.
Il y a des groupes sur lesquels il est particulièrement difficile de mettre des mots, et Amenra fait partie de ceux là. Clôturant un enchaînement d’une lourdeur rarement observée sur un festival, c’était le triplé gagnant post-metal avec Cult of Luna et leurs pères spirituels Neurosis. Ayant décidé de se consacrer à la composition de Mass VI en plus d’un album acoustique, leur apparition au Motocultor devait être leur seul concert de l’année en plus du Roadburn. Sans surprises, le concert commence sur "The Pain It Is Shapeless, We Are Your Shapeless Pain". Le son est lourd, puissant et précis, comme on peut l’espérer à un concert d’Amenra. D’ailleurs, Colin est plutôt bien audible ce soir, ce qui est loin d’être toujours le cas.Un concert d’Amenra est une expérience qui demande à l’auditeur de lâcher prise, et se plonger à corps perdu dans la noirceur de la musique. Les riffs massifs forgés par les deux guitaristes sont simples, mais terriblement efficaces, tout le jeu minimaliste du batteur : tout est fait pour headbanguer à s’en briser les cervicales. De son côté, Colin hurle dos au public, comme à son habitude, dans une volonté de ne pas attirer toute l’attention sur lui, selon ses déclarations. L’idée a du sens, mais dans les faits, étant le seul des musiciens à être de dos, il attire justement encore plus l’attention sur lui, a fortiori dans les rares moments où il se retourne vers l’audience, avec un regard qui glace le sang. En tout cas, ses mouvements reptiliens sont toujours aussi fascinants à regarder, comme s’il menait un combat contre lui-même et ses démons intérieurs.
Ce concert d’Amenra est rodé, mais on les sent néanmoins fébriles, sans doute parce qu’ils n’ont fait que deux autres apparitions sur scène cette année. Quelques pains se feront d’ailleurs entendre, notamment sur l’intro percussive de "Boden", mais rien qui ne nuise à l’intensité et l’atmosphère du set. "Boden" est d’ailleurs probablement le meilleur moment de ce concert, car il concentre ce qu’Amenra fait de mieux, avec une énergie qui laisse pantois. Evidemment, comme Neurosis était à l’affiche, les fans pouvaient espérer que Scott Kelly pointe le bout de son nez sur "Nowena I 9.10", d’autant que ça c’était déjà produit par le passé. Mais non, c’est encore une fois Levy à la basse qui s’est chargé de hurler la partie de Scott. C’est dommage, parce que ça aurait pu donner un goût un peu unique à ce concert, alors qu’Amenra tourne avec une setlist quasi-inchangée depuis plusieurs années. Malgré ces pinaillages, il faut reconnaître que les Belges ont bien confirmé leur maîtrise de la scène ce soir, sans compter la blessure de Colin aux côtes qui rendait son chant difficile. Amenra reste à ce jour une expérience sensorielle unique.
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