Fall Of Summer, Part I
par Pentacle (19/11/2014)
Venom, Carcass, Watain, Pentagram, Enslaved et même des premières venues en France pour certains groupes comme Exumer, Bölzer ou Ahab. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour nous motiver à tester cette première édition du Fall Of Summer qui se déroulait début septembre à environ 30km de Paris.
Situé sur la base de loisir de Torcy, le cadre du festival a ce quelque chose de dépaysant. Essentiellement parce que l'une des deux scènes, la plus grande nommée Blackwaters Stage, est située dos au lac artificiel, les pieds dans le sables et que collines et arbres clairsemés font parties intégrante du festival. Là où la disposition en biais de la Sanctuary Stage pouvait sembler étrange au départ, elle prend tout son sens puisque orienté face à la pente de la colline, ce qui en fait des gradins naturels permettant à tout le monde de voir le concert notamment quand l'affluence bat son plein dès la nuit tombée. Le camping est à proximité du site, mais était trop petit pour accueillir toutes les tentes (certains iront jusqu'à la planter sur le parking, ce qui n'a pas l'air plus mal, si tu veux dormir plus tranquillement) et les sanitaires semblaient en nombre suffisant.
Si le petit retard d'ouverture du site nous aura fait craindre le pire en voyant la fourmilière de bénévoles s'affairer au dernier moment à fignoler les derniers éléments du site, on se rassura rapidement une fois à l'intérieur. En effet, l'organisation aura été au top durant ces deux jours de festival. Les changements de plateau sont calés selon les horaires prévus (malgré un léger décalage vite rattrapé en ouverture le vendredi après-midi) et la sonorisation des groupes est plus que correcte. L'accès aux scène, au merch ou à l'espace restauration / bar se fait sans encombre et on n'attend jamais plus de quelques minutes pour se faire servir car les bénévoles semblent suffisamment nombreux et sont par dessus tout accueillants. Un gros merci à eux qu'on oublie trop souvent. Pour la bouffe, ça reste du classique, donc pas plus cher qu'ailleurs, mais pas meilleur non plus et un effort sur des plats végétariens aurait été appréciable. Même constat pour les boissons, avec le classique de la bière et des sodas, mais on n'était pas non plus là pour déguster le meilleur de la bière belge. On regrettera surtout ce choix curieux des jetons bouffe / boisson de couleur différente (contraint pour des questions de comptabilité apparemment) et d'un tarif pas forcément évident au départ de 1,25€ par jeton. Outre la question existentielle en début de fest où tu te demandes bien combien de jetons tu vas pouvoir prendre sans avoir besoin de faire des aller-retours incessants au point de vente, tu te retrouves toujours en fin de fest après plusieurs bières à jouer les experts comptables afin de trouver une solutions pour te débarrasser des 2/3 jetons en surplus. Et maintenant que les menus détails sont réglés, on peut désormais s'intéresser au principal, à savoir la musique, ce pourquoi on s'est tous déplacés pour cette première édition du Fall Of Summer.
L'avantage pour un groupe qui fait l'ouverture d'un festival c'est d'avoir un public encore frais et plus réceptif à sa disposition. (quoique, l'alcool fait parfois des ravages dès 16h pour les plus pressés). L'inconvénient c'est que les premiers rentrés en profitent pour découvrir le site, acheter de quoi se sustenter et passer au merch. On écoute donc un moment dans une audience encore clairsemée le Black Metal des français de Cruxifiction d'une oreille plus ou moins distraite, mais ça avait l'air de tenir la route.
Mercyless c'est un peu notre groupe culte de Death Metal french touch. 27 années se sont écoulées depuis leurs débuts avec une grosse pause dans les années 2000, mais les gars sont toujours là surtout avec leur retour marqué par le très bon Unholy Black Splendor l'année dernière. Du Death old school, comme ils le faisaient dans les années 90, sans artifices. Des parties brutales, rapides, d'autres groovy et de bons riffs. Il n'en faut pas beaucoup plus, c'est pesé et emballé et ça fonctionne notamment sur les titres de leur dernier album (God Is Dreaming, Infamy). Ça manque néanmoins d'un poil de folie et d'ambiance pour adhérer complètement.
On prend les mêmes et l'on recommence avec un autre groupe de vétérans de la scène Death Metal française. C'est donc Agressor qui s'y colle, les premiers à inaugurer la scène Blackwaters. Cette fois-ci avec d'avantage d'influences Thrash Metal à leur musique. Un set propre et énergique pour « les guerriers du Metal », mais qui ne m'aura pas laissé un souvenir impérissable.
L'un des groupes dont j'attendais énormément la venue c'est du duo suisse Bölzer. A deux pour remplir la Sanctuary, c'est pas évident, mais c'était sans compter la présence d'un troisième larron : le son. Celui-ci magistral, épais comme un brouillard anglais, occupe les vides restants aidé par KZR, torse nu aux impressionnants tatouages et à la guitare massue de guerre (une BC Rich Bich custom10 cordes), et par la rythmique de HZR implacable et répétitive. Les cris hallucinés, le riffing Mastodonte et surtout cette atmosphère de lourdeur et d'oppression incroyable. Au delà d'une simple référence Black / Death Metal et de cette dimension Sludge / Psyché sans aucun doute, Bölzer est ailleurs et nous emmène avec eux l'espace temps d'une grosse demi-heure jouant en intégralité leur deux eps Aura et Soma ainsi qu'un nouveau titre issu du prochain et premier album. Retenez ce nom, ils viennent bousculer le monde des musiques extrêmes et sont déjà incontournables.
C'est la première fois qu'Exumer, vieux de la vieille du Thrash Metal, foulent les terres françaises. La formation allemande va confirmer son statut de légende du Thrash avec un concert frénétique et une bonne humeur qui fait plaisir à voir. En fait c'est les premiers de la journée à jouer clairement sur la déconne avec leur bassiste arborant le masque de Jason (également à l'effigie de leur mascotte), mais surtout leur chanteur, certes fortement alcoolisé, qui ne tient pas en place et titillant constamment le public. Les moshs, les circles pits et wall of death ne tardent pas à venir, cadencés par la rage indéfectible de Mem Von Stein. Finalement, c'est ça qui est totalement addictif, que les mecs ne lâchent rien et t’entraînent à travers 40 minutes de Thrash Metal old school qui fait la part belle aux riffs, à l'énergie. Reste à espérer qu'ils ne mettent pas trente ans à revenir par chez nous.
Tandis que mes confrères s'affrètent en direction du carré pressé pour interviewer Bölzer, je me dirige vers la Sanctuary Stage pour assister à l'un des concerts les plus attendus de la journée. La réputation scénique de Rotting Christ n'est certainement plus à refaire, cependant la forte utilisation de samples lors de leurs concerts nécessitait un son au minimum correct durant l'heure allouée aux Grecs. Débutant leur set par le titre Χ Ξ Σ (666) extrait de leur dernier album Kata Ton Daimona Eaytoy, on se rend vite compte que le surplus de basse viendra perturber le concert à plusieurs reprises. Après plusieurs tentatives pour trouver un placement plus audible, et voyant que rien n'y fait, je capitule, ne me laissant pour seule option que d'apprécier la prestation soignée que nous offre le groupe qui ne s'est pas laissé démonter pour autant, chaque musicien donnant de sa personne pour motiver un public déjà très réactif. Le groupe osera même interpréter The Sign of Evil Existence, extrait de leur premier album Thy Mighty Contract, sorti il y a plus de 20 ans. Rotting Christ quitte la scène sous les applaudissements alors que le soleil commence à se coucher sur cette première journée du Fall Of Summer, lançant ainsi les concerts de nuits du festival.
Après une apparition bien convaincante lors du Hellfest 2013, c'était avec plaisir qu'on retrouvait Aura Noir. Habitués des tentes, la bande d'Apollyon et Aggressor fut tout aussi efficace en plein air sur la Blackwaters Stage, nous offrant une setlist équilibrée avec des extraits de chacun de leurs albums, même si la part belle était donnée à Mercyless et Hades Rise. La performance d'Aggressor, malgré ses problèmes de santé, reste toujours aussi impressionnante, s'aidant d'une chaise à roulette pour soulager son dos. Le black thrash des Norvégiens, hargneux à souhait et teinté de rock'n roll, comme si Darkthrone et Motorhead avaient accouchés d'un rejeton maléfique, passe toujours aussi bien, que ce soit avec les classiques Deep Tracts Of Hell et Fighting For Hell ou les plus récents Hades Rise et Hell's Fire. Et effectivement, c'est bien l'enfer qu'ils nous ont apporté sur scène !
Seize ans que Borknagar n'avait pas joué en France, c'est dire si leur venue était attendue pour certains. Malheureusement le concert est une déception. Deux choses viennent gâcher le plaisir de l'écoute : un son médiocre qui ne met pas en valeur leur Black Metal recherché et qui demande pas mal d'attention pour saisir les détours et les nuances, mais aussi leur frontman de remplacement, Athera (Chrome Division, Susperia) qui est totalement à côté de la plaque dans les voix claires et rend leur musique pratiquement insupportable (ou risible au choix). C'est d'autant plus dommage que le musicien a fait parti d'Arcturus et maîtrise très bien les growls. En résulte un Black Metal sans hauteur, plus ridicule qu'épique et les autres musiciens n'arrivent pas à insuffler un dynamisme et la grandeur qu'on retrouve sur album. En sommes, Borknagar n'était qu'une pâle copie de ce qu'ils sont vraiment, c'est dire l'amertume qu'a laissé leur prestation.
Heureusement Venom est là pour nous remettre d'aplomb. Visiblement, en grande forme, le groupe commence sans autre forme de procès par le culte Black Metal. Ça, c'est fait. Mais après un démarrage à la vitesse grand V, on avait un peu peur que le reste du concert se tasse et s'effiloche petit à petit. Rien à voir avec le concert du Hellfest 2008 pourtant, ici l'esprit est à la fête, le groupe super content d'être là avec un Cronos qui plaisante avec le public, Rage a une fabuleuse moustache Freddie Mercurienne, prend des poses insensées et le kit de batterie de Dante semble avoir été monté par des stagiaires blagueurs, histoire de ne pouvoir à peine atteindre les deux plus hautes cymbales. Bref, c'est complètement n'importe quoi, donc forcément génial. Clous et cuir sont de sortie tout comme les classiques Welcome To Hell, Witching Hour, In League With Satan, Buried Alive ou Leave Me In Hell qui ont bien meilleure réputation, et donc effet en live que les titres récents. Un Venom souriant, ravi d'être là (Cronos en profitera pour glisser un gros remerciement à l'orga pour l'accueil des artistes, bien meilleur qu'au Hellfest selon lui) aussi bon sur scène et sur la longueur, qu'aux goûts capillaires douteux. C'est dire le niveau de la prestation.
Impaled Nazarene, le plus Punk des groupes de l'affiche, a décidé de faire un set sans concession, ce dont on ne doutait pas un instant. Titres d'environ 3min, rarement plus, rien à dire entre les morceaux et rien à faire sur scène. Les musiciens sont pratiquement statiques avec un Mika Luttinen qui dégueule sa haine dans son micro. Nihiliste à souhait, en mode straight to the point, hydratée à la bière frelatée, Impaled Nazarene se contrefout de tout et délivre sa vingtaine de titres sans frémir en nous les enfonçant bon gré mal gré avec la douceur d'une scie circulaire dans notre cerveau. Passé la demi-heure de set, ça à tendance à être quand même redondant et leur concert perd en intensité.
On conclut (presque) cette première journée avec la seconde tête d'affiche, Carcass, de retour dans nos frontières deux mois après leur passage au Hellfest sous une Altar pleine à craquer. Nouveau cadre, bien plus aéré cette fois, mais la musique n'en sera pas moins lourde. A ce que j'ai cru comprendre la setlist ne diffère quasiment pas de celle jouée deux mois plus tôt, ce qui n'empêche pas les anglais de réaliser un excellent concert sur tous les points. L'ouverture sur Buried Dreams et ses leads géniaux fait dresser les poils. Le son est énorme, mais surtout parfaitement équilibré entre tous les instruments. Jeff Walker, en grand forme, en impose avec sa basse de guerre et se montre très communicatif avec le public. L'alcool ça aide. Tout sourire, même carrément bavard, il motive la foule, plaisante entre les chansons, nous raconte une anecdote sur Dave Mustaine (Megadeth) qui aurait refusé de participer à des affiches avec Venom et Rotting Christ et lance comme Cronos un petit tacle en faveur du Hellfest sur son accueil bien moins sympathique que cette première édition du Fall Of Summer. Bref, Jeff Walker c'est un peu le tonton qui a toujours un truc à raconter aux fêtes de famille. Quelque part on se sentirait presque comme à la maison. Du coup l'ambiance est au beau fixe, les slams partent d'on ne sait où (gros avantage du sable pour amortir les chutes) et le public est déchaîné. On en profitera pour ajouter que les nouveaux morceaux issus de Surgical Steel (Cadaver Pouch Conveyor System, Noncompliance To ASTM F 899-12 Standard, Captive Bolt Pistol) passent impeccablement l'épreuve du live et montrent que Carcass, presque trente ans après leurs débuts ont toujours la grosse patate et savent faire un putain de bon concert de Death Metal. Le concert de la journée, ni plus ni moins.
La fatigue se faisant sentir, nous ne resterons pas tout le set de Vampire, eux aussi de passage en France pour la première fois, qui, malgré l'heure avancée, met tout en œuvre pour montrer que leur Death Metal à tendance old-school en a dans le pantalon. Le chanteur Hand Of Doom en fait des caisses sur scène gesticulant de partout, mais gère finalement bien ses growls ce qui est le principal. Malgré leur dégaine de jeunes branleurs, les suédois n'ont aucun mal à leur ambiance macabre et faire remuer quelques têtes à coup de riffs Thrashy et de rythmiques bien senties, mais pâtissent forcément de l'horaire et de la foule clairsemée et visiblement fatiguée. Le temps d'écouter Howl From The Coffin, meilleur titre de l'album pour ma part et l'on abandonne les plus courageux au derniers headbangs de cette excellente première journée, pour enfin profiter du repos du guerrier.
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