Wovenhand le 28/09/12 au 106, Rouen

Brendan : Je suis avec David Eugene Edwards, la tête pensante de Woven Hand. David, merci de nous accorder cette interview. Si ça ne te dérange pas, on pourrait commencer par parler du nouvel album. Je l’ai trouvé incroyablement puissant, intense et direct, quelque part  plus proche de ce que j’ai pu entendre en live, était-ce un souhait de vouloir capter cette intensité?

David Eugene Edwards : Oui, l’album a  d'ailleurs été enregistré en direct, j’ai composé les morceaux, on les a joués puis enregistrés en direct, en studio, tout le monde dans la même pièce…


Photo : Eric Tanguy

Dans des conditions live?

Oui, c’était comme un concert, on a fait une ou deux prises par morceau.

Tu joues debout sur scène désormais, cela affecte-t-il ton approche de la performance live, d’avoir une attitude « rock » plus classique?

Ma femme veut me faire jouer debout depuis toujours, cela fait 25 ans que je suis assis et je commençais à avoir mal aux fesses ! (rires) Il était temps que je me lève !

L'année dernière tu as donner une série de concert seul, ou simplement accompagné d'un claviériste, est-ce quelque chose que tu apprécies de jouer tes morceaux seul, de manière plus calme?

J’ai déjà essayé plusieurs formations, moi seul ou accompagné de différents instruments, trois personnes, quatre… Nous avons joués ces morceaux de tellement de manières différentes... toutes les formations me plaisent, je ne me cantonne pas à un seul schéma.

Ordy Garrisson est le seul membre du line-up original encore présent, les nouveaux membres ont- ils influencé tes morceaux?

Bien sûr, ils apportent leur caractère, leur attitude, leur style de jeu. Ils essayent évidemment de rentrer dans l’univers que j’ai créé et de s’y intégrer. Ce sont avant tout des gens que j’apprécie en tant qu’individus, plutôt qu’en tant que musiciens. C’est évidemment super qu’ils soient musiciens et c’est d’ailleurs comme ça que je les ai connus, mais j’aime simplement passer du temps avec eux.

Il me semble que Robert Smith de The Cure disait qu’il valait mieux jouer avec de bons amis que de bons musiciens.

C’est vrai.

 L’artwork du CD est incroyable comme d’habitude, est-ce quelque chose d’important pour toi, une partie intégrante du projet?

J’aime qu’il soit intéressant à regarder, quelque chose que les gens aient de l’intérêt à regarder. J’ai demandé à mon guitariste, qui est également artiste, de dessiner un épi de maïs, il était parti sur un cheval, avec un arrière plan similaire, mais j’ai préféré un épi de maïs.

Les chevaux c’est fini ?

(rires) Non, j’aime les chevaux, mais pour cet album je voulais vraiment l’épi de maïs, il a fait un super boulot.

A ce propos, qu’elle est la signification du titre de l’album?

Oh ce n'est pas vraiment compliqué, cela symbolise la mort de quelque chose, la fin d’une vie, et pour moi la joie à l’idée de rencontrer mon Seigneur. 

Bien qu’il y ait eu de la joie dans les précédents albums, et malgré le fait que celui-ci soit plus intense et plus violent, on y trouve quand même beaucoup de lumière, plus d’accords majeurs par exemple, dirais-tu que cet album est plus joyeux que les autres?

Il l’est certainement, j’observe la vie que Dieu a créé, ses écritures, la manière dont ces choses me parlent d’elles-mêmes. Toutes ces choses sont une part du Seigneur, de Jésus. J’entretiens une relation profonde avec ces choses et c’est ce dont parlent mes textes, on trouve beaucoup de joie là-dedans, de liberté et de réconfort.

Si je devais résumer l’album en un mot, ce serait la force, on y puise beaucoup de force. On peut notamment lire un passage dans les écritures qui dit « Je peux faire face à toutes les difficultés grâce au Christ qui m’en donne la force. », ce passage est la première chose qui m’est venue à l’esprit à l’écoute de l’album, est-ce le message que tu as voulu transmettre à travers l’album?

J’ai essayé d’exprimer la force de bien des manières, différentes approches de mes textes et de ma musique. Cet album est en effet plus lourd en terme de volume, il est plus orienté guitare, plus « rock’n’roll », en ce sens il est puissant et j’aime ça. Mais ce n’est pas là que réside la vraie puissance, ce n’est pas parce qu’on augmente le volume que la musique devient plus puissante. J’ai expérimenté la lourdeur à tous les niveaux de ma musique.

Ta relation à Dieu m’a toujours semblé être au cœur de ta musique, et ce depuis les premiers albums de 16 Horsepower, mais j’ai remarqué que depuis The Threshing Floor, les paroles sont plus explicites en ce qui concerne ta foi, était-ce voulu?

Mes paroles reflètent simplement ce que j’ai à l’esprit quand j’écris un album. Je vis des choses différentes,  ma façon de comprendre le monde évolue, et cette façon d’appréhender les choses est reliée aux paroles que j’écris. Ma compréhension du monde évolue et mûrit au fil du temps, ainsi je vois les choses sous un jour nouveau.

Je voulais savoir quelle était la part du chant dans ta relation avec Dieu, est-ce quelque chose qui te rapproche de Lui? Ou quelque chose dont tu te sers pour en rapprocher les gens?

Dieu utilise toutes ces choses pour accomplir sa volonté : la musique, la littérature…Evidemment,  les gens sont libres de penser, d’écrire ou de dire ce qu’ils veulent, cela Dieu l’autorise car il est un ami, et non pas quelqu'un qui voudrait contrôler ce que l’on fait.

Donc quelque part, tu es un "outil" du Seigneur?

Je pense que tous les hommes sont quelque part des messagers de la volonté de Dieu. On ne peut pas dire qu’un tel est meilleur qu’un autre. Je pense vraiment que tout homme est aussi investi qu’un autre, et pour cela nous avons l’art, ces différents univers vers lesquels nous sommes attirés pour différentes raisons. On est forcément amenés à rencontrer des gens dans ces univers que nous choisissons d’aimer et à construire des choses avec eux.

De nos jours, les croyants semblent être rejetés par la société qui nous impose une façon de penser, et comme Jésus l’a dit dans les écritures : « Je vous ai dit tout cela pour que vous trouviez en moi la paix. Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance : moi, j'ai vaincu le monde. » As-tu parfois l’impression d’être seul contre tous, pas contre les gens bien sûr, mais contre ce système qui veut nous forcer à aller dans une direction?

Absolument... le mal est partout...  mais pour le trouver, je n’ai pas besoin d’aller chercher plus loin que dans mon propre esprit. Je suis déjà bien assez occupé avec le mal en moi pour aller m’intéresser à celui que font les autres.

A propos des tournées, ta musique touche tant le cœur et l’âme des gens. Est-ce quelque chose que tu considères comme un sacrifice nécessaire, quelque chose que tu dois faire répandre la parole du Seigneur?

Avant d’être musicien, j’ai été charpentier, serveur, concierge…je parlais du Seigneur dans ces moments là aussi. Faire des tournées fait partie du métier de musicien. Beaucoup de groupes font de la musique qui se vend bien et n’ont donc pas besoin de tourner ou très peu. Il y a d’autres groupes qui ne sont pas joués sur les radios, qui n’ont pas un gros succès commercial, seulement quelques petits groupes de gens qui les apprécient dispersés aux quatre coins du monde : ces groupes là doivent donc aller jouer pour ces gens afin de survivre en tant qu’artistes.

Et peut-être aussi afin de les toucher d’autant plus directement qu'a travers un cd?

Oh oui bien sûr, c’est une des richesses du métier.

Il y a beaucoup d’influences dans ta musique : amérindienne bien sûr, mais aussi slave ou perse comme sur The Threshing Floor, à quel point les tournées influencent-elles ta musique?

Oh, à un point que je ne peux même pas imaginer... bien avant de tourner, j’écoutais de la musique folk des quatre coins du monde, cela a toujours fait partie du processus de création. Mais le fait de pouvoir voyager et rencontrer des gens, voir et entendre les instruments m’a marqué d’autant plus. Je prends tout ce qui vient, je n’ai jamais prétendu faire de la musique américaine ou de la country alternative ni quelque autre style que ce soit. 

Penses-tu que la musique sans les paroles suffise à Dieu pour parler à nos âmes ? Comme avec les chœurs orthodoxes russes par exemple,  je ne parle pas un mot de russe mais pourtant cela me touche.

Je ne sais pas vraiment, je serais hésitant à dire oui. Je crois que je peux seulement répondre que je ne sais pas. Je ne pense pas qu’un style de musique en particulier sur cette planète soit nécessairement plus beau, plus sacré ou plus saint  qu’un autre. Cela nous semble être le cas : dans de beaux édifices, avec de belles voix par exemple, moi  j’y vois la beauté mais ce n’est pas pour autant que tout le monde la voit. Peu importe la manière ou les sons, c’est la communication avec Dieu qui est belle, peu importe les circonstances, belles ou non.

 Pourrais-tu nous parler de ta participation à l’immense travail collectif Awake My Soul, The Story Of The Sacred Harp? 

Oh en fait les gens qui ont réalisé le film sont des amis de longue date, de Géorgie. Nous avons fait un CD pour aller avec le documentaire, on a donc demandé à quelques musiciens d’enregistrer des morceaux de Sacred Harp, qui est un style que j’aime beaucoup.

Cela a dû être une expérience fantastique d’être investi dans ce travail colossal.

Oh oui bien sûr, j’adore cette musique, ce style de musique, ce sentiment... victorieux qu’on y trouve. Oui... j'aime vraiment énormément cette musique.

Et tu as donc enregistré tous les chœurs toi-même? (sur le morceau Consecration) 

Oui effectivement (rires)

Ma dernière question portera sur le fait que ton groupe a beaucoup de succès dans le milieu Metal, voire Death ou Black Metal. Cela ne te rend pas triste ou en colère parfois de voir certains t-shirts particulièrement offensants à l’égard de la figure de Jésus-Christ ? On pourrait parfois se sentir mal de voir certains slogans violents à l’encontre d’une personne que l’on aime et qui nous aime, comme c’est le cas avec le Christ. Quel est ton ressenti à propos de ça ? Je suis certain que des gens viennent à tes concerts avec ce genre de t-shirts.

Mhh.. Je ne trouve pas cela offensant. Je veux dire... Premièrement, je ne suis pas Jésus ! (sourire) Et je suis certain que Jésus ne se sentirait pas offensé. Et peut-être que certaines personnes sont plus proche d'une compréhension de la vérité que quelqu’un qui ne porterait jamais de tels t-shirts.

Je pense que cette interview touche à sa fin, merci beaucoup David.

Ce fût un plaisir.

Tortue Rouge (Juin 2013)

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