Les guitaristes noise-rockers de Revok nous ont accordé une interview qui allait de pair avec la chronique de leur dernier album, l’énervé Grief Is My New Moniker.
Metalorgie : Salut à vous, pouvez-vous nous présenter Revok, son line up et le style dans lequel vous évoluez ?
Eric (guitare) : Pour faire court, et parce que ça n’a rien d’original, le groupe existe approximativement depuis 2003. Jusqu’à récemment on comptait 6 membres avec Alex qui se chargeait des images diffusées en concert, des textes et des visuels mais il a quitté le groupe en début d’année. On est donc 5 désormais, Fab/chant, Jérôme/guitare, Cyril/basse, Michel/batterie et moi à la guitare. On a sorti 2 E.p., 1 split avec Pneu et 2 albums.
Le style : du rock. Sombre.
Comment se déroule le processus créatif chez vous ?
Eric : Là aussi c’est assez banal. Disons que ça part d’un riff et qu’à cet exercice-là, Jérôme est très fort. Après, pour les structures, les ambiances, c’est très collégial et démocratique. Mais le processus est long et parfois fastidieux faut bien l’avouer.
Que pouvez-vous nous dire sur l’intrigant artwork de Grief Is My New Moniker ?
Eric : Il est très lié au titre même, puisque c’est un enfant (mon fils) qui « porte » le deuil/grief. Disons que l’optimisme n’est pas un fondement du groupe… C’est Alex qui a réalisé la pochette, la photo et le traitement crade de l’image. On s’amuse aussi des codes souvent utilisés dans le métal et le hardcore, comme le pentacle sur la bague. Le côté evil est plus à prendre au troisième degré. On ne se prosterne devant aucun autel. Crochu ou pas.
Sur votre blog, vous déclarez que Grief Is My New Moniker se devait d’être l’album de la maturité pour Revok. Quels sont les éléments qui ont apporté cette maturité? Pensez-vous avoir réussi? Quel regard posez-vous sur ce travail aujourd’hui ?
Eric : Ah ! Nous n’avons jamais écrit ça de notre propre chef. C’est Nico de Music Fear Satan qui a écrit le texte. Personnellement, je déteste la notion de maturité dans le rock. Au contraire ça doit rester un minimum spontané et animal. « Maturité » ça me fait penser direct à Bryan Adams tu vois ? Le côté sérieux, sans risque, aseptisé et finalement plus très rock. Nico veut juste signifier que l’album est peut-être notre travail le plus abouti.
Jérôme (guitare) : Effectivement, je pense que Nico parlait plus de l’album le plus abouti. En tous les cas, je suis assez content du résultat de cet album, je pense que les autres revokiens me rejoignent sur ce point, il est assez diversifié, quelques morceaux rentre-dedans, quelques morceaux plus posés mais avec toujours le même fil conducteur… du sombre et du sans espoir…
On dirait que le ton s’est encore durci par rapport à Bad Books And Empty Pasts, votre album précédent. Pourquoi ?
Eric : Si c’est ton impression, j’en suis ravi ! La raison : plus on creuse, moins y’a de lumière. Notre but est plutôt d’atteindre l’os.
Jérôme : Je trouve ça assez cool d’aller vers du plus rageur, tellement de groupes se calment avec le temps, le ton se durcira encore sur le prochain...
Vos différents projets, actuels et passés, sont-ils un complément à la musique de Revok ou alors est-ce qu’au contraire Revok serait une sorte de synthèse de tout ce travail ?
Eric : Certainement pas une synthèse, c’est plus détaché de ça. Pour moi, je dirais une réaction à des expériences passées.
Jérôme : Une envie de tous aller dans le même sens… mais pour chaque groupe que j’ai ou que j’ai eu, j’ai toujours gardé cette philosophie…
Est-ce compliqué de faire cohabiter une activité professionnelle et un projet vivant et plutôt actif comme Revok?
Eric : Ben, disons qu’on ne tournera jamais aussi intensément qu’on le souhaiterait avec nos boulots voire les enfants. Là, on arrive à 30 dates depuis la sortie en mars et on peut difficilement faire plus en 2011…
Jérôme : après ça dépend du cas de chacun; moi je ne suis pas encore papa, donc plus facile pour moi de me libérer, on part quelques week-ends dans l’année puis on fait une tournée de 10/12 jours… c’est gérable avec un taf, mais toujours bon de partir faire de la musique avec des gens que tu apprécies.
Au niveau de la production, à quelle enseigne êtes-vous logés ?
Eric : On est bien entendu complètement auto-produits. Le pain quotidien de toute notre scène je pense… Pourtant pour faire un bon disque faut allonger un minimum de fric à mon goût. Nous concernant, on a enregistré celui-là avec Sylvain Biguet (Comity, As We Draw…) dans une maison près de Niort, en live, sauf le chant. C’est plus court (et moins cher donc) et ça permet de préserver un maximum l’osmose et l’urgence. On était plutôt sceptiques car c’est potentiellement casse-gueule, mais on est sous le charme et dorénavant y’a moyen qu’on fasse ça systématiquement. Et Sylvain est un tueur. Clinique. Définitivement.
Est-ce que mettre à disposition sur internet ses albums est devenu un passage obligatoire? C'était une démarche évidente ou réfléchie de votre part? Quels en sont les effets?
Eric : Pour Bryan Adams, non. Pour nous, c’est évident là aussi : il faut le mettre directement en téléchargement gratuit, limite avant la sortie physique. Tu proposes un format propre et t’as une idée du nombre de téléchargements. C’est un outil de promo à notre échelle je pense.
Les effets : t’as davantage de visibilité sur la toile et de sollicitations par la suite. En tout cas, ça s’est vérifié pour nous.
Jérôme : J’espère que si vous faites une interview de Bryan Adams, il ne défoncera pas trop Revok…
De toutes les façons, on se trouve dans une scène ou les gens consomment du disque, que nos enregistrements soient ou pas en free download ne changera pas grand choses… et puis autant le mettre par nous-mêmes en bonne qualité plutôt que de le retrouver sur le net avec un son moisi.
J’avoue utiliser cette méthode du téléchargement gratuit et acheter en physique par la suite quand je kiffe…
Ne pas vivre de son art, après tant de travail, de sang, de kilomètres et de sueur : gloire personnelle ou galère ?
Eric : Ne pas en vivre, aucun souci avec ça. Ça n’a jamais été une
motivation, et je m’accommode personnellement de cette situation. Et
pour la gloire…
Par contre j’aimerais parfois vraiment éviter
certaines galères : les défraiements microscopiques qui ne tiennent pas
compte des coûts d’un déplacement avec van loué. On veut bien faire des
efforts (ce qui est très fréquent) mais parfois ça te laisse sur les
genoux quand même. Malgré tout, ça ne nous arrêtera pas.
Jérôme : Au vu du style que l’on fait, ça fait bien longtemps que j’ai renoncé à en vivre… la passion, c’est ça qui m’anime… je suis un gros consommateur de musique, il ne se passe pas une journée sans que j’écoute de la musique, c’est cela mon carburant pour continuer.
Par contre comme dit Eric, parfois ça fout un peu les boules de revenir d’un week-end dans le négatif niveau tunes…
Vous avez accumulé une certaine pratique de la scène, en France et en dehors. Quelle a été votre meilleure expérience ?
Eric : Des concerts à Mouscron, Oslo, Tarbes… Mon plus marquant, je dirais au El Bar à Mouscron y’a 2/3 ans. Un type s’est posé devant notre batteur après le concert, et lui a sorti (prendre l’accent belge) : « la messe est dite ».
Jérôme : Mouscron au El bar effectivement… j’ai beaucoup aimé un concert en Angleterre qui s’est greffé pendant la tournée, un midi entre deux dates à Reading. On a joué dans un garage chez un mec avec Silent Front… plutôt un bon souvenir.
La plus merdique ?
Eric : La première partie de Wolves In The Throne Room à la Boule Noire y’a 3 ans je crois. Pas de balance, même pas de temps pour s’installer, jeu déplorable de notre part, tout à côté. Devant 200 personnes. A vomir.
Jérôme : Y en a eu quelques un, on pourrait presque faire un top 5…
Mais effectivement celui avec Wolves à la Boule noire était bien pourri, l’orga n’a rien à voir là-dedans mais les gars de la Boule noire m’ont bien saoulé,
Puis on a complètement raté notre set, ça met un peu le blues quand même…
Aujourd’hui, quels sont vos projets pour le futur de Revok?
Eric : On prépare une tournée dans le sud de la France et l’Espagne pour juin puisqu’on a essentiellement joué dans le nord et l’étranger depuis la sortie. On compose aussi parce que c’est un peu la sève d’un groupe.
On ouvre pour Hangman’s Chair et Comity à l’occasion de leur release party de leurs albums le 20 janvier aux Combustibles. Supers groupes, super date.
Jérôme : Composer pour faire un split ou deux, essayer de bien digérer l’album d’avant pour faire évoluer la machine, de composer quelque chose d’encore plus personnel…et puis que ça dure le plus longtemps possible…
Quels sont vos derniers coups de cœurs musicaux sur la scène française ? Sur la scène internationale?
Eric : En France, le dernier Deathspell Omega, Paracletus. Pour l’étranger, le coffret rassemblant les E.p. de Autechre.
Jérôme : Blut Aus Nord, je suis carrément à la bourre dans la découverte de groupes à chaque fois mais ça, ça me fait comme un petit coup de perceuse dans le cerveau… je kiffe !! Le dernier Will Haven, j’étais fan des premiers albums, et là ils font toujours du Will Haven, donc ça me plait…