Eibon par mail, 2010

Il y a quelques mois, pour la sortie d'Entering Darkness, nous avons pu poser quelques questions à Eibon sur leur premier album et sur leur démarche artistique.

Pourriez vous m'expliquer la démarche artistiques d'Eibon ?

Jérôme (batterie) : Au sein du groupe, nous avons toujours été attiré par le côté obscure de l'art. A mon sens, le beau et le gentil dans l'art sont l'exact transcription du mensonge et de l'hypocrisie, et le bien et le mal sont toujours présenté sous un angle qui arrange ceux qui veulent que les masses ne se posent pas de questions. 
A l'inverse, les aspects les plus sombres des arts, sont une forme de jeu qui se moque de la condition humaines mortelle, les sociétés primitives l'avaient d'ailleurs bien comprises en incorporant toute sorte de représentation de la mort dans leur traditions.

Ne pensez vous pas que cela soit conditionné (cet attrait pour le sombre dans l'art) par notre mode de vie ? Que par une sorte de système de vases communicants, une personne au quotidien violent aura tendance à fuir la violence dans l'art et inversement ?
Jérôme : J'ai connu des gens dont la vie était violente au quotidien, et qui aimaient aussi la violence dans l'art. On peut choisir de se confronter à la violence.
Notre société est extrêmement violente mais de manière détournée, certains ont fait le choix de retourner cette violence contre elle de manière direct, d'autres, feront le choix de s'adapter et d'autre de plier l'échine. Et ces derniers, ne se rendent même pas compte de tout ça

Quelque part le fait de passer d'un split avec Hangman's Chair à un split avec HKY peut sembler significatif dans votre évolution. Comment percevez-vous la chose ?
Jérôme
 : On ne se pose pas ce genre de question concernant l'évolution du groupe, on travaille sur chaque projet sans réellement le replacer dans le contexte d'une discographie. Sur l'ensemble, on pourra dégager un certaine évolution mais qui ne sera que le reflet naturel d'un ensemble de démarche individuel. Donc, le split avec Hangman's Chair s'inscrit bien dans le commencement d'Eibon où le doom/sludge plus traditionnel avait une part importante dans notre démarche, tout comme celui avec HKY correspondait à nos aspirations du moment. Le prochain sera sans doute encore différent, le vecteur commun étant de travailler sur les aspects progressifs et musicaux de nos compositions tout en conservant le côté glauque et agressif.

Comment s'organisent la compo, les répés ?
Jérôme : C'est variable, certain morceaux sont très écrits, d'autres sont entièrement composé lors d'impros en repèt, l'important étant de garder une cohérence entre les morceaux, et que les structures finales soient à la hauteur.

Je suis bien conscient qu'il doit être assez fatiguant pour des musiciens de devoir « intellectualiser » ou du moins justifier votre démarche par des arguments cartésiens ou d'obscures références. Néanmoins, pourriez vous me parler un peu si vous le voulez bien ce que représente pour chacun de vous la musique et l'univers d'Eibon ?
Stéphane (basse) : Eibon est une réponse à l'aliénation de la vie, une voie d'expression, une constante recherche d'amélioration qui crée une certaine émulation entre nous. Eibon nous offre un espace où chacun peut exprimer et se réaliser, au contraire des autres cadres plus rigides dans lesquels nous somme amenés à évoluer tout les jours comme les relations de travail, la famille et l'ensemble des interactions sociales en général.

La seconde partie du morceau Convulse To Reign m'a rappelé des ambiances proches d'un Wovenhand, en plus sombre et dérangé. Sans tomber dans le Watainisme de base, comment réagissez vous si je vous dis que vous êtes parvenu à dépendre peut être malgré vous, au fil de la composition, une part séduisante de ces « ténèbres » que vous explorez dans cet album ?
Stéphane : Très flatté...le plan dont tu parles caractérise de manière évidente nos influences rock-prog...nous avons toujours eu la volonté de ne pas s'enfermer dans des lignes rigides et d'incorporer d'autres sons à une base "Metal", de se laisser aller sans planifier quoi que ce soit, travailler sur les ambiances et le côté musical.

Écouter cet album en entier trahit une sorte d'obsession, de jusqu'au boutisme dans La négativité...
Stéphane : Tout cela correspond à une certaine imagerie propre au Metal...quelque chose d'honnête et d'intègre.

Comment votre musique est-elle perçue par votre entourage proche ?
La plupart de nos potes écoutent les mêmes trucs que nous et nous apportent leur soutien... nous disent aussi si on pond des riffs de merde ! haha !... Ceux qui ne s'intéressent pas à cette musique ont pris conscience, petit à petit, de notre investissement et de la dimension toujours plus aboutie de notre travail.

Loin de suivre aveuglément les riffs de guitare, la basse se montre sur ces morceaux diablement accrocheuse, mordante de groove et contribuent paradoxalement à accentuer l'aspect rampant et lancinant de la musique d'Eibon. Cela me rend curieux quant aux influences de votre bassiste en tant que musicien.
Stéphane : J'ai grandi avec pleins de style différents, de James Brown à Discharge et plus spécialement avec du Metal qui comprend des trucs très fast et dur, genre Angel Corpse et d'autres plus musicaux et groovy comme Black Sabbath... J'écoute aussi beaucoup de rock progressif, des B.O de films...Ça rejoint cette volonté commune de mélanger nos influences...

Quel regard portez vous en tant qu’auditeurs sur votre œuvre ?
C'est difficile d'avoir ce recul...nous sommes très fiers de l'album car on a bossé dur et le résultat est à la mesure de nos attentes...après, on voit aussi les petits défauts, les trucs qui ne sonnent pas comme tu le voyais à la base.

Quelles œuvres (musicales ou non) citeriez vous parmi celles vous ayant déjà aussi fortement interpellées de par leur démarche jusqu'au boutiste ?
Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini.
Requiem pour un massacre d'Elem Klimov.
Les films de Lucio Fulci.
Féerie pour une autre fois de Louis-Ferdinand Céline.
American Pyscho de Bret Easton Ellis.
Jake and Dinos Chapman's - Fucking Hell.

Tortue Rouge (Novembre 2011)

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