Radius System, pour la sortie de Architects Of Yesterday Par Mail

Hey Greg, tout d'abord merci pour ta disponibilité en pleine période de sortie d'Architects Of Yesterday. Histoire de te parler un peu de l'interview, il y aura des questions sur ce nouvel album, sur le groupe (d'hier à demain) et sur la musique en général.

- Cet album a eu un accouchement plutôt long, entre sa composition, son enregistrement et enfin la sortie CD. Peux-tu nous parler un peu de l'histoire d'Architects Of Yesterday ?

Effectivement « long » c'est le mot… certaines ébauches dates de fin 2006 ! La plupart des morceaux ont été commencé en 2007, avant même la sortie de l'album précédent. J'avais décidé de les garder au chaud pour plus tard, car je trouvais qu'ils avaient une ambiance beaucoup plus forte que ceux d'Escape / Restart, qui étaient plus axés sur la recherche sonore et la production. Je les ai enregistrés pour la première fois fin 2008 en pensant que c'était la bonne, ce qui a donné 2 titres de l'EP Almost Nothing (Far From Truth et Present Perfect). 

Mais au moment de finaliser tout l'album avec Axel, on a trouvé qu'il n'était vraiment pas à la hauteur de nos attentes en terme d'évolution, autant sur le plan technique qu'artistique. On a donc tout jeté et recommencé en ne gardant cette fois que les choses essentielles, qui définissaient réellement nos envies actuelles. On a engagé ce travail à 2, puis j'ai continué tout seul. L'album a donc pris une couleur plus personnelle, bien que j'ai toujours été le capitaine du projet Radius System

L'album tel qu'il est aujourd'hui a été enregistré et mixé entre avril et novembre 2010. C'était un challenge personnel de pouvoir être derrière 100% du projet, et avoir le recul et le questionnement  nécessaire pour obtenir ce que je voulais. Au final, ça n'est pas totalement réussi, car j'ai du faire des concessions sur pas mal de choses. Mais je suis fier d'avoir pu y mettre un point final après plus de 3 ans. Et cela sort donc le 2 février en physique et digital, de façon totalement autoproduite, sans aucune aide extérieure.

Escape / Restart semblait fougueux, entraînant. Avec Architects Of Yesterday, on a parfois l'impression d'être plus posé, plus réfléchi. Comment expliques-tu cette évolution ?

Je crois que tout ce qui a été fait avant cet album peut paraître « fougueux » en comparaison ! C'était un souhait autant pour Axel que moi, de pouvoir s'éloigner de l'énergie « rock » et proposer autre chose, plus axé sur les ambiances. Le côté « cinématographique » des morceaux nous tient à cœur. Etant donné que l'on a abandonné le live, on s'est dit qu'il ne fallait plus penser en terme de formation rock classique. Cela a aussi voulu dire stopper certains automatismes qui faisaient la « formule » de nos anciens morceaux : les murs de guitares ultra saturées, les beats electro-glitch, les batteries puissantes... Ca m'a permis de me recentrer sur le song-writting, et donc écrémer pas mal d'éléments qui pouvaient donner ce côté « fougueux et entraînant » comme tu dis.

Après y a aussi le challenge des voix, qui va totalement dans ce sens. Je voulais quelque chose de beaucoup plus posé, voire résigné. J'en avais assez des envolées aigues que je n'étais pas capable d'assurer parfaitement. C'est vraiment un truc que je me suis répété en boucle pendant l'enregistrement, et que je continuerais de me dire pour d'autres domaines : « si tu n'es pas capable de le faire très bien, ne le fait pas, d'autres le feront bien mieux à ta place ».

- Quels sont les thèmes abordés dans ces nouveaux morceaux et qui te tiennent particulièrement à coeur ? Y'a t'il certains sujets que tu aimerais aborder mais qui n'ont pas encore été des sujets de morceaux ?

Je ne réfléchi pas dans cette optique là pour l'écriture. Il n'y a pas de thèmes dont « j'aimerai » parler. Cela vient d'un besoin, d'une envie, mais pas d'un souhait intellectuel de traiter telle ou telle chose. Je serais bien prétentieux de vouloir rependre ma parole comme ça ! D'une manière générale, cet album parle de la façon dont le passé structure – de façons positive ou négative – notre façon de penser et d'agir. 

- Tu participes à pas mal de projets, que ce soit Time To BurnTemplateBrighton, DawnshapePainting By Numbers et donc Radius System. Comment définis-tu tes priorités entre chaque groupe ? Tu as quand même le temps d'avoir un travail ou es-tu un philanthrope qui ne vit que de musique et d'eau fraîche ? 

Haha non, je n'ai jamais voulu ou espéré vivre de la musique, ou même bosser dans le milieu de la musique ou du son. Enfin je l'ai voulu un temps, mais c'est encore pire au final, car cela devient une routine et une contrainte, et plus du tout une passion... Dans la vraie vie, je travaille comme graphiste à plein temps. J'ai commencé à faire vraiment beaucoup de musique quand j'étais encore étudiant. Donc j'avais forcément plus de temps qu'à l'heure actuelle, mais ça ne m'empêche pas d'avoir la même cadence aujourd'hui. On trouve toujours le moyen...

Je n'ai pas vraiment à définir de priorités entre chaque projet, puisque je ne suis pas tout seul. Cela dépend surtout de la disponibilité et l'envie de chaque personne impliquée. Par exemple, lorsqu'on a commencé Brighton, Time To Burn était en pause parce que ça ne convenait plus à nos envies, tout simplement. Idem avec Painting By Numbers, qui est en hibernation tant que l'actualité de Dawnshape est chargée. Je me retrouve souvent avec les mêmes personnes pour tous ces projets, donc ça s'organise assez bien tout seul au final.

- Certains se souviennent encore de la découverte bouleversante du morceau Monochrome au générique d'un film pour adultes. As-tu eu des contacts avec le réalisateur à ce jour ? 

D'ailleurs je te remercie personnellement, car c'est grâce à toi que tout le monde a pu profiter de cette découverte Ô combien improbable et ironique ! J'ai songé quelques jours à contacter le réalisateur, car pas mal de proches me l'ont recommandé. Pour réclamer des sous évidemment. Mais je n’avais pas envie de perdre du temps avec ça, m’engager dans des procédures compliquées, il y a des choses bien plus passionnantes à faire... 

Par contre le film est vraiment, mais alors vraiment à chier ! Haha. Il y a un discours épique de 15 minutes au début, où un faux Sarkozy essaye de nous convaincre qu'il faut « baiser plus pour gagner plus ». Il joue tellement mal, c'est magique. On sent trop que le mec qui l'a écrit a voulu se lâcher et faire dans le lyrique, mais c'est ultra FAIL.

- En regardant un peu le packaging, les photos, on découvre une espèce de nostalgie mélancolique. Couplé à ta description, à savoir que "Architects Of Yesterday est un hommage avoué à toutes ces inventions ratées, ces futurs radieux jamais atteints", ceci donne l'impression que ce disque possède beaucoup d'amertume. Comment expliques-tu ce sentiment ? 

En fait c'est venu d'une découverte d'un truc assez fou, qui était enseveli près de chez moi : le projet de l'aérotrain. Quand j'ai écrit ces morceaux, j'étais au chômage et je devenais fou tout seul chez moi. Je me suis rapidement mis à bouger n'importe où dans ma campagne, pour errer sans raison et découvrir des lieux que où je n'étais jamais allé. Et j'ai commencé à découvrir quelques indices de cette histoire incroyable qu'est l'aérotrain. Cela représente pour moi parfaitement cette idée de « futur non atteint ». Des projets fous qui ont fait rêver les gens il y a 30 ou 40 ans, qui promettaient un mode meilleur, et qui n'ont jamais abouti. Le morceau Feed Feed Connect parle de tout cela. D'une manière générale, cela m'a touché car cela faisait écho à ce que je vivais personnellement, le fait d'être bloqué dans un environnement qui est ancré dans le passé, à attendre un futur incertain.

- Tu sembles t'être occupé de tout sur Architects Of Yesterday, de la composition à l'enregistrement, en passant par le digipack. Pas trop fatiguant d'enchainer tout ceci ?

Physiquement non pas trop, mentalement oui ! Encore une fois c'était un challenge, de prouver que j'étais capable d'assurer l'ensemble tout seul. Après pour ce qui est des à-côtés, la recherche visuelle et la communication, c'est déjà largement moins stressant, et ça me plait de pouvoir tout contrôler. Au moins je suis sur que mon message passe de la bonne façon, et que l'image est cohérente avec le travail qui a été fait.

- Peux-tu nous parler un peu de Siberian Winter, où les seuls mots se résument à "I am the King / In the land of useless things / It's Under" ?

En fait, j'ai changé les paroles et les voix de ce morceau quelques jours avant la fin de l'enregistrement. Les paroles que tu cites sont improvisées, elles me sont venues lorsque j'ai maquetté le titre pour la première fois il y a longtemps. J'ai décidé d'y revenir, car je trouvais la ligne de chant meilleure que sur les « vraies » paroles du morceau, qui sont pour le coup largement plus fleuve ! C'est dommage, car j'en étais assez fier, mais il faut savoir mettre ses sentiments de côté pour décider de ce qui est  mieux pour le morceau. La même chose est arrivée pour le morceau éponyme Architects Of Yesterday, où je n'ai gardé que certaines voix, car les autres n'étaient pas bénéfiques à la composition. En revanche là les paroles complètes apparaissent dans le livret, sinon elles n'avaient plus de sens.

- Est-ce que cela t'arrives d'écouter tes propres disques ? T'arrives-t'il de vouloir en retravailler certaines choses ? 

Oui bien sur, surtout quand ils viennent d’être terminés. C’est toujours plaisant d’avoir un autre regard sur ce qu’on vient d’achever. Quand le point final est posé, la perception change toujours un peu. Parfois dans le côté négatif… mais bon, il faut savoir passer à autre chose. J’ai toujours envie de retravailler ce que j’ai pu faire après coup, mais je pense que c’est normal et rassurant, ça prouve que j’ai accumulé d’autres connaissances, vécu d’autres choses… Pour moi c’est impossible de réaliser quelque chose qui nous correspond de manière intemporelle. En revanche je trouve qu’on peut apprécier tel album parce qu’il est ancré dans telle période, qu’il nous rappelle tels souvenirs etc...

- En tant qu'auditeur, comment perçois-tu Architects Of Yesterday ? 

… oulala, j’en sais vraiment rien ! Je suis vraiment la personne la moins objective pour en parler, mes amis acquiesceront ! Je pense que c’est un album dont on peut complètement passer à côté, il faut vraiment être dans un état d’esprit assez précis, ou bien y adhérer, pour l’apprécier. C'est aussi un album que j'ai pas mal surestimé pendant sa réalisation, donc c'est parfois dur de l'écouter sans éprouver de frustration ou de regrets. Je suppose que ça passera dans quelques temps.

- Ce nouvel opus contient 10 titres que tu as composés en intégralité. Reste-t'il d'autres démos, quelques bouts de morceaux inachevés que tu gardes pour toi ?

En soi les morceaux ont pas mal changé depuis le début, il y a beaucoup de choses qui étaient sur les démos de 2007 et qui sont passées à la trappe. En plus de cela, il y a effectivement une bonne demi douzaine de morceaux, plus ou moins avancés, qui étaient prévus pour l’album, voire même pour après. Aucune idée de ce qu’ils vont devenir à l’heure actuelle, on verra avec le recul. Ils étaient quand même beaucoup plus « pop » dans l’esprit, et ne convenaient pas trop au « carcan » Radius System.

- Radius System a 10 ans. Comment vois-tu ces années avec le recul ?

J’ai l’impression que ça n’en fait que 5… Globalement je regrette un peu que le projet ait si peu existé en dehors du net, j’aurais aimé qu’on joue plus et qu’on participe à plus de choses « offline » lorsqu'on était un vrai groupe live. Mais si je regarde toutes nos sorties, je suis plutôt satisfait. Même si ça n’est clairement plus ce qui me correspond aujourd’hui, dans l’ensemble ça se tient, il y a une vraie évolution. Voire des trucs limite précurseurs : sur notre démo fourre tout de 2004, il y a des ébauches de sons à la 65daysofstatic, alors qu’évidemment à l’époque on en avait jamais entendu une note ! Ouais, je crois que je suis content qu’on ait commencé assez tôt à faire des trucs potables. C’est pas la méga honte de ressortir les premiers morceaux.

- Axel Dallou est toujours crédité comme membre de Radius System même s'il ne semble pas avoir participé à l'élaboration de ce nouvel opus. Doit-on considérer le groupe comme un one-man band ou un duo ?

Pour rendre justice à Axel, nous avons composé les parties basse ensemble pour certains morceaux. Cela a toujours été plus ou moins un one man band, car ce que j’ai fait sur cet album à 100%, je le faisais à 90% avant. Aujourd’hui je pense que le terme « groupe » ne convient définitivement plus, car on a vraiment pas l’intention de revenir à une formation live, avec d’autre personnes. Et si jamais je suis assez fou pour faire des concerts, ce sera tout seul avec une guitare ou autre.

- Quel futur pour Radius SystemArchitects Of Yesterday sera un album qui marquera la fin du groupe (notamment par le ton de ce disque) ou alors peux-t’on s'attendre à ce que d'ici quelques années, tu parles à nouveau à travers Radius System ?

Je pense que cela marque clairement la fin d’une époque, et donc du projet. Radius System appartient déjà au passé, cette musique est teintée des années 2000, voire fin 90’s. On peut essayer de la rafraichir tant qu’on veut, cela reste toujours daté dans l’esprit. Je vais quand même défendre cet album autant que faire se peut. Dans le courant de l’année, on aimerait pouvoir sortir 2 clips (pour Feed Feed Connect et Air Leaks), c’est notre seul projet futur pour l’instant.

- En parlant d'un regard sur le passé, quels sont pour toi les artistes intemporels ? Ceux dont on parlera encore dans plusieurs dizaines d'années ? Ceux qui pour toi n'ont pas pris une ride musicalement parlant ?

Alors là, je vais me faire un plaisir de parler de Phil Collins ! Je suis complètement retombé amoureux du Genesis des années 80, et des premiers albums solo de Collins (disons qu’à partir de 1989, ça commence à devenir assez craignos). Voilà un truc que je trouve intemporel, ça a une patate incroyable encore aujourd’hui. Je parle de la période « pop » du groupe, les trucs « prog » me gonflent un peu même si ils ont une valeur affective pour moi vu que j’ai grandi avec. Cette voix… j’ai envie de dire que les pop stars d’aujourd’hui peuvent aller pleurer, avec leur autotune. Un groupe qui n'a pas pris une ride aussi, dans un autre genre, c'est This Heat. Leur album Deceit est réellement fou, je ne connais rien de tel aujourd'hui, à part peu être These New Puritans dans une moindre mesure.

Dans un registre moins lointain, je citerai Elliott Smith que j'ai découvert tardivement, mais c'est bien la preuve que le temps n’a pas entaché ses morceaux. Autechre aussi, certains de leurs albums fin 90's (EP 7, LP 5 par exemple) pourraient sortir aujourd'hui et seraient toujours aussi précurseurs. Pour finir le name dropping, je pense qu'on parlera du Drum's Not Dead de Liars et du Pygmalion de Slowdive encore dans 10 ans.

- Tu nous parlais d'As We Draw lors de l'interview de Time To Burn. Tu as pu écouter leur nouvel album ?

Evidemment, fan boy que je suis, j'ai même le vynil ! (qui défonce, précisons). C'est marrant, j'accroche moins à l'album qu'au double EP, même si c'est toujours impeccable. Le côté groovy et fou me manque un peu, je trouve ça plus connoté « post-hardcore » qu'avant, où ça ne me faisait vraiment penser à rien. Mais bon, c'est largement meilleur que tout ce qui est classable « post-hardcore » depuis des années, donc ils auront toujours mon soutient inconditionnel. J'attend de réitérer mon expérience du live, j'espère qu'il me donneront tord sur mon impression ! Car j’ai pris une claque monumentale la première que je les ai vu. Et pourtant c’était dans un bar pourri, avec zéro matos. Mais non, les mecs te balancent le même son que sur album, bougent comme des malades et ne font même pas de pains.

- Classique, mais toujours efficace, quelle question détestes-tu que l'on te pose ?

La vache, genre je suis trop un blasé des interviews ! Ben en fait c'est celle là, parce que j'ai aucune matière à répondre justement.

- Et ???

Je pense que la clé (de TOUT, y compris de votre voiture) se trouve dans cette vidéo.

- Enfin, une question que tu aurais aimé que je te pose mais que je n'ai pas fait ? Avec la réponse, histoire de ..

J'aurais rêvé que tu me demandes quel est mon fromage préféré. Et bien c'est le Soumaintrain.

En tout cas, merci encore. En espérant que le disque soit bien accueilli puisque, rappelons-le, Architects Of Yesterday est Album du Moment sur Metalorgie.

Euka (Février 2011)

L'album s'écoute en intégralité sur le Bandcamp de Radius System.

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment