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Yann Le Baraillec - Motocultor Feelgood Rocket, 2023
Yann, tout d’abord bonjour, merci d’être avec nous ; nous sommes à moins de 100 jours de la 14ème édition, le décompte a été lancé il y a peu, comment toi et l’équipe vous sentez-vous ?
Pour un déménagement, bien, très bien, même ! On pensait que ça allait être plus rude que ça, et on arrive finalement à être dans les temps.
Est-ce que tu te rappelles de ta première impression à l’arrivée sur le site de Kerboulard en 2013 ?
Alors, pas trop, parce que ça commence à faire longtemps qu’on occupait le site de Kerboulard, puis je pense qu’à force on s'habitue. Je sais qu’on était impatients, excités, là c’est une autre forme d’excitation parce que ce n’était pas prévu ! Mais être sur le site mythique des Vieilles Charrues, c’est… pff, j’arrive pas à réaliser, encore. Déjà en 2013, j’avais du mal à réaliser qu’on s’installe à Saint-Nolff.
J’attend de voir comment les choses se déroulent sur place ; en général, les quelques mois précédant le festival, je suis souvent le nez dans le guidon et je n’arrive pas à prendre du recul, je passe en mode automatique. C’est après coup que tu réalises ce que tu fais. Tandis que ce ne sera pas monté, finalisé, j’aurai du mal à redescendre et réaliser.
D’accord ! Outre le fait que ce ne soit pas un déménagement volontaire, comment s’est fait le choix du nouveau site, est ce que le fait que ce soit celui des Vieilles Charrues a contribué à la réflexion ou pas du tout ?
Non, mais c’est un avantage ! (rires) Vu qu’il est capable d’accueillir les Vieilles Charrues, on savait qu’il serait suffisamment grand pour nous accueillir. Il y a aussi le fait que les Vieilles Charrues se déroulent en juillet et nous en août, donc on sait que, même avec le temps nécessaire à leur démontage et à notre montage, on n'empiète pas sur leurs dates. Le dernier critère, c’était la rapidité : une mairie / un élu qui comprend qu’il faut que ça aille vite, qui en ait l’envie aussi. Et parmi tous les sites envisagés, Carhaix regroupait tous ces critères, donc ça tombait un peu comme une évidence et c’était notre priorité absolue de les démarcher.
Quand nous avions cette même problématique en 2019, on avait déjà essayé de les démarcher et nous avons eu un refus en deux minutes : Saint-Nolff nous avait aussi répondu cinq fois négativement, heureusement, ce n’est jamais définitif ! Et quand on a renouvelé notre demande, les conditions n’étaient pas les mêmes : la mairie de Saint-Nolff s’était positionnée durablement pour que le festival revienne à un format de trois jours, on a recontacté celle de Carhaix en leur disant “on n’a pas de terrain pour l’an prochain, est-ce qu’on peut discuter ?” et la réponse était “Intéressé, je pars en vacances mais je viens voir le fest dès mon retour”, et c’est comme ça que ça s’est fait. (rires)

Feux verts de tous les côtés, c'est un parfait alignement des astres on peut dire !
Complètement, oui ! On a été super bien accueillis, on bénéficie aussi de l’expérience des Vieilles Charrues, avec la majorité des gens de la mairie, le maire compris, qui faisaient partie des fondateurs des Vieilles Charrues, ils s’y sont investi, ils savent ce que c’est d’organiser un concert ou un festival de cette ampleur. J’y reviens mais il n'y a QUE lui qui pouvait comprendre que le temps de réaction est un atout indéniable quand on déménage un festival. Que la réponse soit positive ou négative, hein, mais au moins on est fixé !
Heureusement qu’on est sur la même longueur d’onde. On ne pouvait pas se permettre d’avoir une période d’incertitude ou de doute… Sinon c’est l’effet boule de neige / papillon, s’il y a incertitude pour le site, pour les partenaires, les prestataires, etc. Et au final on aurait dû faire l’impasse sur l’édition 2023 à défaut d’avoir un site viable.
L’autre point d’expérience des Vieilles Charrues, ce sont les bénévoles, les élus locaux qui déjà sur le territoire de Carhaix et autour dans le Finistère, c’est grâce aux Vieilles Charrues et au Festival du Bout du Monde (ndlr : presqu’île de Crozon), ce sont des festivals qui traitent avec énormément de bénévoles, ça crée de l’habitude, de “l’expérience”, ce qu’on ne retrouvait pas forcément dans le Morbihan. On reçoit des tas de demandes dès les premiers articles de presse, même de la part d’associations qui veulent participer, pareil pour les entreprises ! On avait évidemment des besoins, on sait qu’il fallait chercher des prestataires locaux et on n’a même pas eu le temps de se poser la question car ce sont eux qui sont venus à nous avec des propositions. Je pense que ça n’aurait pas pu se faire de manière aussi fluide ailleurs.
C’est vrai, puis même sur l’emplacement géographique, Saint-Nolff est proche de Vannes, certes, mais Carhaix reste LA ville centrale à moins d’une heure de toutes les côtes.
C’est pas une grande ville mais comme tu dis, c’est la ville principale du centre Bretagne, on y trouve beaucoup de richesses et ça ne peut être que bénéfique pour nous. On verra dans la pratique et avec le temps.
On espère que cette nouvelle lancée soit pérenne !
Ah bah là, on a signé pour cinq ans ! Donc y’a pas de raison (rires). Ce sera entre les mains des festivaliers : sil peut y avoir une connexion entre eux et les habitants, et établir une relation sympathique. Par le passé, il a fallu qu’on fasse nos preuves sur l’agglomération de Vannes et systématiquement, les retours étaient “finalement ils sont super sympa !”, comme s’ils en doutaient.
L’édition 2022 a vu naître une quatrième scène, la Bruce « Dickinscène », nouveauté un peu critiquée quant à l’emplacement trop proche de l’espace presse.
Elle était prévue à un autre emplacement, mais je n'étais pas convaincu, on l’a finalement déplacée pour éviter les interférences avec les autres scènes. On a pas eu le temps de lui trouver un autre emplacement et j’ai préféré trancher et privilégier l'expérience festivalier. C’était également le retour post-Covid, avec son lot de problématiques techniques à régler, donc l’emplacement des scènes n’a pas été la priorité sur le moment. Mais au moins on aura évité les interférences d’une scène à une autre.
Qu’est-ce qu’on peut attendre du nouvel agencement ? Comment vous avez pensé "l’expérience festivalier" ?
L’idée, contrairement au Hellfest et son parcours très défini à travers le Market, c’est de garder le côté compact, apprécié par les festivaliers lorsqu'on était à Saintt-Nolff : que les scènes restent suffisamment rapprochées, que les parkings soient faciles d’accès - et ce sera la nouveauté : il y aura deux zones qui vont “entourer” la zone camping, et deux accès à distance raisonnable. La zone VIP / Presse sera entre les loges et les scènes.
Je pense que le pari d’avoir quelque chose de pas trop grand, mais pas trop serré est réussi. On verra bien ! (rires) Quand on était bénévoles sur d’autres festivals, des gens venaient nous aider et nous conseiller sur la mise en place. Aujourd’hui, c’est un peu une première mais on est un petit peu tous seuls, avec tout de même quelques conseils de gens de la mairie qui connaissent bien. Je ne suis pas allé aux Vieilles Charrues pour voir comment ça se passait, on a fait par nous même et je suis plutôt confiant !

Revenons un peu sur la programmation : au fil des années, le Motocultor a eu du mal à se défaire de l’étiquette un peu plus orientée Metal extrême - avec toujours une exception qui sort du lot, comme Henri Dès en 2019 ou MC Circulaire en… 2011 ?
2011, c’est ça ! Même en 2007, on avait organisé une battle de Rock avec deux groupes qui n’avaient rien à voir avec le reste, ça faisait un peu de “respiration” au milieu de tout ce Death Metal et ça devait être la première impulsion vers une volonté d'éclectisme et de ne pas faire forcément ce qui est attendu d’un festival “fermé”. Que ce soit Andréas Et Nicolas, Punish Yourself, ou un groupe de Punk à textes…
Oui, bien sûr, comme on peut retrouver l’éternel duo Carpenter Brut / Perturbator chaque année (même si ça reste très metal-friendly de par les projets passés ou annexes des musiciens), mais également des groupes plus Folk, comme Luc Arbogast qu’on retrouvait à Provins il y a peu, ou Brieg Guerveno qui chante en breton, c’est suffisamment rare pour que ce soit souligné ; y a-t-il une volonté particulière à mettre en avant notre terroir musical ?
Depuis 2019, c’est ce qu’on essaye de faire, c’est l’avantage de passer sur un format de quatre jours : avoir plus de places, plus de créneaux disponibles… Tout en restant cohérent bien sûr.
L’an dernier, nous avons reçu Plantec, cette année c’est Brieg Guerveno, qui faisait du Prog avant, d’ailleurs ! Il a fait évoluer son style musical, mais ça s’entend qu’il vient du Metal à la base. On reste dans le Metalleux-friendly, comme tu dis (rires). Et Plantec, pour avoir passé des soirées avec eux, en dehors de leur manière de s’habiller, de ce qu’ils font à côté, bah c’est que du Metal. Mais pour revenir à Brieg, les clips qu’il faisait il y a quelques années, c’était du Metal Progressif chanté en breton, et maintenant, c’est légèrement plus grand public à la Dead Can Dance, avec une instrumentation très riche, avec des violons, tout ça… Les structures sont moins complexes, mais on reconnait sa patte. J’ai hâte de voir ce que donne son évolution en live et j’espère que tes lecteurs aussi ! (rires)
Toujours pour parler de la programmation : quand on voit la sorte de népotisme dont peut faire preuve le Hellfest pour des projets comme celui du chanteur de Biffy Clyro, Empire State Bastard, qui n’a sorti qu’un seul single à ce jour et qui est pourtant programmé, quelle est votre politique de repérage / programmation pour les groupes plus émergents ? Est ce que vous vous appuyez sur les “poulains” de chez NRV Promotion, par exemple ?
Déjà, il y a des groupes qui reviennent tous les deux / trois ans, comme le classique Dying Fetus, il y a des incontournables du Death Metal qu’on ne peut pas évincer d'une affiche, a fortiori quand ils sortent des nouveaux albums. Il y a évidemment la question des groupes qu’on n'a jamais réussi à accueillir qui se pose, donc ça participe à la réflexion et on essaye de les programmer. On retient aussi les groupes qui commencent à prendre de plus en plus d'ampleur, qu’ils soient français ou non, mais sans oublier la scène locale.
Pour cette année, on vient d’annoncer la participation de Komodor, ils viennent de Douarnenez. J’aime beaucoup ce qu’ils font, ce sont des petits jeunes d’à peine plus de vingt ans qui jouent du Rock Psychédélique tout droit sorti des années 60-70 avec des sonorités, des choix d’instruments comme un orgue fabriqué à cette époque. Ils ont joué aux Trans Musicales 2018, il y a des vidéos disponibles pour ceux que ça intéresse.
Oui, puis quand on voit des groupes comme The Vintage Caravan ou The Night Flight Orchestra, l’un avec un grain un peu gras, une patte très psychédélique, l’autre avec une esthétique un peu plus kitch, force est de remarquer qu’ils ont trouvé leur public sans peine !
Pour clôturer, allez-vous maintenir / renforcer votre politique CEBI et prévention ?
C’est évident qu’il faut continuer à travailler avec les associations, que ce soit CEBI ou d’autres, continuer à former et sensibiliser nos équipes… C’est jamais évident de prévoir les dérives de festivaliers, de salariés ou même d’artistes ! On a des stands pour le public, mais ça n'empêche pas de rester vigilant en interne, il suffit qu’il y ait de l’alcool pour que quelqu’un qu’on croit safe se comporte mal - volontairement ou pas ; je n’excuse pas, mais “alcoolisé” dans le sens “mauvais comportement accentué et/ou désinhibé”.
Nous avons déjà notre boîte de sécurité dont le patron, Yann, intervient aussi au HF (ndlr : Yann Christodoulou – Budo Sécurité), il est également formateur pour “Ici C’est Cool”. Lui et tout son personnel sont très sensibles à ces questions-là, et nous travaillons avec eux depuis 2013. Ils sont en première ligne sur ces problématiques, pour être présents partout et prêts à intervenir, et savoir repérer / anticiper les personnes qui peuvent avoir un comportement borderline. Tous les patrons de boîtes de sécu ne sont pas formateurs comme lui, donc c’est toujours bon à prendre.
Tout n’est pas parfait mais on travaille à bien s’entourer à ce niveau : on a un ancien chef de poste de la Région Environnement qui est parti quelques années aux Etats-Unis après ses études, il est revenu dans l’Ouest ultra-sensibilisé, et il vient de reprendre la suite de ce pôle là.
Je te laisse le mot de la fin, as-tu un message pour nos lecteurs ?
Rendez-vous cet été, et venez découvrir le centre de la Bretagne si vous ne connaissez pas, il y a beaucoup d’activités touristiques à faire ! (rires)
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