Lofofora Rennes, 2023

Lofofora ne vieillit pas. Après plus de trente ans à écumer les scènes de France et d’ailleurs, le groupe n’a rien perdu de sa verve. Le discours est là. L’habileté aussi. Situé quelque part entre le Hardcore, le Punk et le Metal, leur musique avance avec ce souffle qui sied si bien à cette fusion venue des années 90. Riffs acérés, brèves envolées, ruptures diablement efficaces… Le son de Lofofora a tout ce qu’il faut pour garder en éveil. Oui, l’énergie des instruments percute... mais la description serait incomplète sans évoquer l’interprétation. L’ensemble guitare, basse et batterie offre un formidable terreau aux textes de Reuno : des mots piqués à vifs qui disent l’absurdité de notre société. Envie De Tuer, Lames De Fond, Les Gens, Holiday In France, L’œuf… un brun conteur, le frontman offre sa vision d’une civilisation qui va mal. Une liberté d’expression qu’il est de bon ton d’entendre... et qui ne laisse jamais place à la pensée rapide. Certes, les coups de gueules rugissent d’un live à l’autre mais l’argumentaire est référencé et réfléchi.

Un franc parler qui place la musique au cœur de la société et qui inscrit d’emblée Lofofora aux côtés de formations telles que Rage Against The MachinePublic Enemy ou les Bérurier Noir… Comme un affront aux maux de ce monde, le groupe trace sa route sans perdre ses valeurs. Mieux, il résiste et rassemble ! Le public des débuts ne les a jamais lâché. Bien au contraire. Trois décennies que cette histoire se poursuit et s’étoffe ! D’autres générations se sont greffées aux premières et il faut avouer que rares sont les déçus. Ceux qui les ont vu (et revus) clament haut et fort qu’un live de Lofofora est gage de qualité. Les autres regardent avec surprise, en se disant comment ils ont pu passer à côté… Qu’est-ce qui explique une telle adhésion ? Peu présents sur Internet ou dans les médias, Lofofora s’est fait une place dans les salles et les festivals. Oui, la qualité de jeu est indéniable... mais ce qui met tout le monde d’accord, ce sont les propos.



Des propos qui s’accompagnent toujours d’actes forts. Le groupe propose souvent à des associations locales (ou à portée internationale comme Sea Shepherd) de les suivre en tournée pour y poser leurs stands. Ils n’hésitent pas non plus à faire des concerts de soutiens. Ils ont aussi fait le choix de travailler avec un label indépendant depuis 2005. Quand ils ont décidé d’y aller, l’aventure At(h)ome débutait pourtant à peine... Une démarche "combative et engagée" dans une structure à taille humaine qui rompt avec des années passées chez Virgin et BMG. Les musiciens de Lofofora sont libres. Ils respectent leur public et c’est aussi pour cette raison qu’ils ne renonceront pas à leur créativité. Une reprise comme Madame Rêve (Alain Bashung) en est parfait exemple : un morceau formidablement interprété mais qui tranche avec ce qu’ils font.

L’album électro-acoustique Simple Appareil - sorti en 2018 - en est une autre illustration. Un projet très réussi mais qui reste éloigné des riffs énervés que proposent le groupe. Là encore, les actes prévalent plus que tout ! Le quatuor ne limitera pas sa démarche artistique, quitte à décevoir, quitte à vendre moins. Loin des réseaux sociaux, des plateformes et des majors, il faut croire que la musique ne se compte pas seulement en donnée économique. L’avenir serait-il dans les labels indépendants ? Quelle place accorder à l’art dans une société qui prône le plus souvent l’ultra capitalisme ? La question reste ouverte... Reuno (Chant), Phil Curty (Basse), Daniel Descieux (Guitare), Vincent Hernault (Batterie) montrent qu’un autre chemin est possible. Merci messieurs. Il est bon de voir que dans un monde qui se disloque, des voix continuent de s’élever.

 

Entretien avec Phil Curty (Basse) en 20 janvier 2023 à Rennes :

En dehors de Lofofora, joues-tu dans d’autres groupes ?

À une époque, j’étais dans un autre groupe qui s’appelait Noxious Enjoyment. C’était à la fin des années 90 et c’est là que j’ai rencontré Daniel qui est devenu guitariste de Lofofora

Combien de dates fais-tu par an ?
 
Au début de Lofofora, on faisait 120 dates par an. Là, on est plutôt à 70/80 dates par tournée. 

En 2018, vous avez sorti Simple Appareil. Un projet qui tranche avec ce que vous faites d’habitude. Était-ce une envie de longue date ? 

On ne tient pas compte de ce que les gens veulent écouter. On s’est dit que ça serait bien de faire un album complètement électro-acoustique. C’était une façon de composer complètement différente, tout en restant fidèle à notre musique et aux textes. 

À l’heure des réseaux sociaux, comment communiquez-vous ?

On fait le minimum. On a un facebook mais on ne l’alimente pas tous les jours. Voilà pour les réseaux sociaux, le bouche à oreille fait la suite. On a une fan base depuis pas mal d’années. Il y a des gens qui ont lâché et qui reviennent nous voir plusieurs années après. D’autres qui n’ont jamais arrêté de suivre. La base est là. 

Comment composez-vous ?
 
On compose d’abord la zik. Reuno écoute et l’idée du thème vient au fur et à mesure. Ça reste un partage d’idées avant tout. 

La musique est-elle ton unique métier ?
 
J’ai la chance de ne faire que de la musique. Avant d’être musicien, j’ai travaillé dans l’industrie et je n’y reviendrai pas. Je ne me vois pas lâcher la basse.



Toujours sur le label At(h)ome ?

On est là depuis la création du label. On a maintenant toute notre discographie chez eux. Les albums y sont tous disponibles.
 
Quel regard portes-tu sur la musique en 2023 ? Est-ce plus dur pour les musiciens d’aujourd’hui d’en vivre ?

J’ai la chance de ne plus avoir à me poser ce genre de questions. Avec notre label et notre tourneur (depuis 15 ans), on est bien entourés. Je trouve qu’aujourd’hui, il y a plus de facilité pour enregistrer. On peut le faire de chez soi avec un minimum de matériel. A notre époque, c’était plus compliqué ! C’est aussi plus simple de se faire connaître mais il y a du monde. Beaucoup de monde ! Des bons groupes, il y en a énormément et il faut savoir faire la différence pour intégrer un label.

Qu’est-ce qui fait que la passion est toujours là ?
 
La première des choses, c’est de faire de la musique avec des potes, avec des gens que tu apprécies et avec qui tu as envie de partager. 

À quelle fréquence joues-tu ? 

J’ai besoin de jouer presque tous les jours. Je branche la basse le matin sur le PC et je joue presque toute la journée. Je fais des pause, je reprends, j’enregistre… En tournée, c’est différent. On joue régulièrement. On ne bosse pas de la même façon. Là, on travaille sur le prochain album et on a hâte de rentrer en studio. Ça sera le onzième album de Lofofora : il devrait sortir début 2024.

Ubuto Kro (Mars 2023)

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