Stinky par skype, 2020

Courant 2020, le groupe de Punk Hardcore nantais Stinky a sorti un très bon album intitulé Of Lost Things et on avait matière à discuter de pas mal de choses intéressantes avec Claire, la chanteuse du groupe. On y aborde leurs accointances Folk, leurs influences, de leur collaboration avec Arrache Toi Un Œil, on parle aussi de technique de chant, de violences policières et d'engagement à travers la musique. Une discussion passionnante à retrouver ci dessous.

Of Lost Things est votre troisième album. Est-ce que vous avez changé quelque chose dans le processus de composition pour celui-ci ? Comment est-ce que vous procédez ?

Alors on n'a pas changé quelque chose dans le processus de composition, on a fait comme ce qu'on faisait sur les deux autres albums, mais la seule chose qui a changé, c'est notre envie de diversifier les morceaux et notre approche musicale. On a voulu tenter des choses que l'on n'avait jamais faites jusqu'à présent, des changements de tempo par exemple, on a des titres avec un tempo plus lent alors que d'habitude on est très speed tout le temps, on a apporté plus de variations sur les voix également, qui sont beaucoup plus produites que sur les anciens albums. On se détache un petit peu de ce côté Punk pour s'orienter d'avantage vers le Metal, donc ça aussi, ça fait partie des petites variantes de ce nouvel album. Mais le processus à proprement parler reste le même, c'est à dire qu'on fait ça de manière collégiale, tout le monde compose. La plupart du temps ce sont les guitaristes, Sébastien et Titouan, qui arrivent en répétitions avec des idées de riffs et pour Of Lost Things c'était l'ancien bassiste qui avait pas mal d'idées de riffs de guitare, chacun apportait sa pierre à l'édifice, on calait la batterie derrière, on écrivait les textes avec Titouan et je posais le chant à la fin. C'est important que chacun puisse apporter ses idées et qu'on parte parfois d'une de ces idées pour en faire germer plein d'autres. C'est un processus assez classique, mais il n'y a pas une personne qui compose tout dans Stinky, on ne fonctionne pas comme ça.

Je pensais que tu écrivais les paroles seule, mais en fait vous le faites à deux comme tu disais.

C'est ça, il y a Titouan et moi qui écrivons, on se répartit les thématiques et les textes. Pour cet album, on a fait moitié / moitié tout.e.s les deux. Une fois qu'on a les sujets desquels on veut parler, on en parle tout.e.s ensemble, si tout le monde est d'accord, si quelqu'un a une envie particulière. On essaye d'échanger au maximum là dessus, qu'on retranscrive un message qui parle à tout le monde.

Etant donné que les textes ont l’air très personnel, est-ce que vous avez un mood particulier ou un contexte pour écrire ?

C'est assez bizarre, tu vois, on est rentré dans une nouvelle phase de composition, vu qu'on profite du temps qu'on a à ne pas pouvoir faire de concerts et je me rends vraiment compte que le processus créatif et d'écriture il vient vraiment un peu comme ça. Je ne mets pas dans une ambiance en particulier pour écrire, c'est juste que d'un seul coup, je vais en ressentir le besoin, le besoin de tout sortir. En tout cas, je ne peux pas me forcer, après je ne sais pas comment Titouan appréhende les choses, je pense que ça doit être à peu près pareil. C'est quelque chose qui devient une nécessité à un moment donné, il faut que ça sorte et ça se fait comme ça. Et il y a des moment où il n'y a rien à sortir et où il ne se passe rien. Donc même si ça peut être frustrant parfois, il faut réussir à faire avec. Parfois il y a le syndrome de la page blanche, c'est stressant, mais au final on est porté par les uns et les autres, ça entraine une dynamique qui te pousse à écrire et à avoir des choses à dire. Je me rends compte que plus on passe du temps ensemble avec les gars et plus on échange sur des sujets qui nous tiennent à cœur en ce moment et ça déclenche cette facilité à écrire, mais en étant seule chez soi, c'est plus difficile, car il n'y a pas ce souffle collectif qui vient alimenter cette réflexion et ce processus créatif. 



Votre manière de procéder change par rapport à d'autres personnes dans des groupes avec qui j'ai pu discuter qui écrivent toutes seules, sans forcément avec de retour d'autres musicien.ne.s. 

C'est vrai que se sont des choses très personnelles parfois. Après il y a des textes, je pense à l'ancien album, From Dead-End Street, le texte du morceau Sliders parle de transidentité et c'était une thématique forte que j'avais envie d'aborder, je l'ai écrit, je n'en ai pas forcément parlé aux gars avant, je leur ai fait lire, on en a discuté ensemble et eux comprenaient que c'était un besoin pour moi d'extérioriser ça, mais ils ne m'ont pas dit "comme nous ça nous parle pas autant à nous qu'à toi, on ne va pas aborder ça dans l'album", il n'y a pas cette sorte de censure. Et si on a ce besoin personnel d'exprimer des choses très fortes, qui ne concerne pas forcément tout le groupe, ce n'est pas problématique, on peut se le permettre et heureusement d'ailleurs.

Ce n'est pas trop difficile de chanter ce qu'écrit Titouan ?

Ca vient naturellement parce qu'avant d'être des musiciens qui jouent ensemble, on est des amis avant tout et ce que dit ami dit aussi affinités particulières et je me retrouve dans ce que écrit Titouan et j'espère que de son côté c'est la même chose pour lui vis à vis de moi, mais si tu veux c'est un peu comme si on parlait d'une seule voix, donc ce n'est pas du tout problématique.

Il y a aussi d’avantage de chant clair sur cet album. C’était une volonté ou une envie de ta part de chanter de cette manière et d’en ajouter plus dans Stinky ?

Ca fait plus de dix ans maintenant que je pratique ce type de chant saturé et même si on évolue toujours, parce que ma voix change un peu au fil des albums, au bout d'un moment, on a un peu l'impression d'avoir fait un peu le tour du sujet et on avait le besoin d'expérimenter d'autres choses. On a envie de prendre des risques, de tenter une approche différente, et j'aime beaucoup les groupes comme Architects ou While She Sleeps qui varient beaucoup plus au niveau du chant avec des parties chantées / criées et des passages en chant clair. Je pars du principe que si ça apporte quelque chose au morceau, il ne faut pas s'en priver uniquement parce que c'est du chant clair que c'est pas possible car mal vu ou quoi. C'est ce qu'il s'est passé pour Of Lost Things, certains passages je ne les imaginais pas autrement qu'avec du chant clair comme le refrain de Strangers With Familiar Faces, c'est venu immédiatement, donc on s'est dit qu'on allait pas refouler un truc qui nous paraissait évident. J'aime aussi me dire que j'essaye d'autres choses, que c'est chouette de changer un peu.

Est-ce que c’était difficile à sortir par rapport au chant hurlé, ou tu n'as pas ressenti ça ?

C'est totalement différent comme approche c'est sûr. Avec le chant saturé, c'est tout mon corps qui est en tension, tu expulses un truc, alors qu'avec le chant clair il y a plus de retenue. Je n'ai pas une voix claire qui soit très éraillée, donc j'ai une approche plus sensible, c'est aussi une mise à nu quelque part de se retrouver comme à poil. C'est déstabilisant et c'est stressant car on sort de sa zone de confort. Avec le cri, il y a ce côté violent, rentre dedans, on joue un peu un rôle aussi quand on hurle de cette façon dans un micro ou même sur scène, car sur scène ou en dehors des concerts, je ne suis pas la même personne. Mais quand je chante en chant clair, je n'ai pas cette dissociation, je suis d'avantage moi-même et c'est ça qui est un peu perturbant. Et en fonction de tes capacités tu peux tout explorer, il y a un champ des possibles qui est énorme.

Je trouve que Of Lost Things est sans doute votre album le plus varié, avec plus de mélodies aussi que sur From Dead-End Street par exemple. C’était aussi une direction que vous souhaitiez prendre ?

De base avec Stinky on a toujours privilégié le côté mélodique. On essaye vraiment de mêler l'agressivité, l'énergie et la mélodie. Nos influences sont extrêmement mélodiques de toute façon, que se soit dans la partie un peu plus Metal ou les gars qui viennent du Punk, on a toujours écouté des groupes qui restent mélodiques tout du long du morceau avec des titres qui restent bien en tête, donc c'est hyper important pour nous. Pour ce nouvel album, je ne sais pas si on a voulu pousser le truc encore plus, mais on fait en sorte que dans un disque, il y ait des morceaux très mélodiques et d'autres plus bourrins, peut-être un peu moins variés et rentre dedans et c'est possible que dans Of Lost Things la balance tend plus vers la mélodie, oui.

Je trouve qu'il y a un côté un peu plus tragique dans cet album, que ce soit dans ta voix ou dans certaines mélodies. Un peu comme certaines choses chez Svalbard...

Je vois oui, je sais pas si c'est tragique, mais c'est très mélancolique. C'est une thématique assez globale de l'album, sans le vouloir, qui est très mélancolique, tournée vers le passé, de ce que l'on peut se servir de ce passé pour essayer d'avancer, de ne pas y rester attaché non plus car ça peut être très paralysant quelque part. Donc ça doit se retranscrire au niveau des riffs ou de la voix, ce truc très mélancolique ou parfois écorché.

D'où le titre de l'album. On trouve aussi deux titres en acoustique sur l’album avec le final de Nosedive et vous avez également repris Rough Diamond de l’album précédent en acoustique. C’est votre petit côté Defeater ?

(rires) Oui on aime beaucoup Defeater ou Miles Away. Ce sont des groupes qui mélangent assez régulièrement l'acoustique avec l'électrique, ça laisse respirer et ça renforce ce côté mélancolique. C'est quelque chose qu'on voulait dans l'album, on ne voulait pas un truc brutal pendant une demi-heure, on voulait que l'auditeur prenne sa respiration, réfléchisse à ce qu'il entend pour mieux se replonger dans un autre titre et c'est pour ça qu'on associé ce genre de passages comme la fin de Noisedive avec ce moment d'accalmie qui permet de repartir sur Struggle qui est plus violent. Pour Rough Diamond c'était vraiment une envie qu'on avait depuis pas mal de temps de faire un morceau en acoustique et on n'arrivait pas à le concrétiser, parce qu'on trouvait qu'il manquait de consistance, mais on a eu l'occasion de rencontrer notre ami Eddy Kaiser qui est un artiste qui joue de la Dark Folk sur Nantes. Il a joué avec nous et a réinterprété ce titre qui a tout de suite pris une dimension qui nous plaisait énormément. On a donc décidé de réenregistrer Rough Diamond pour le mettre sur Of Lost Things. Ca nous a tellement plu qu'on continue de travailler avec Eddy sur certains titres pour pouvoir proposer de petits sets acoustiques par la suite.

Justement tu fais le lien avec ma question suivante puisque vous avez récemment fait une chouette session acoustique chez Matt’s Guitar Session avec l’aide d’Eddy Kaiser. On y retrouve une reprise de BrutusWar, que tu chantes hyper bien, et Unloving en version acoustique. Est-ce que tu peux me parler de votre rencontre avec Eddy, du fait de jouer ensemble désormais ? C’est le genre de chose, ou une direction que vous souhaiteriez prendre dans le futur que ça soit en album ou en live ?

J'ai rencontré Eddy à des concerts, je ne me souviens plus vraiment des prémices du truc par contre. J'ai écouté ce qu'il faisait et j'ai adoré car j'aime beaucoup sa voix et tout ce qui gravite autour de son univers. Il a aussi beaucoup de sensibilité, ce qui me parle et on avait commencé à faire des reprises tous les deux le weekend pour s'amuser ensemble. Des groupes que l'on aime bien tous le deux, mais aussi rejouer des morceaux de Stinky en acoustique. C'est comme ça qu'est né Rough Diamond et on avait aussi bossé un autre titre à nous, Mountain Peak, que l'on n'a finalement pas gardé pour l'album. Pour la session acoustique dont tu parles, c'est une opportunité qui s'est présentée car on nous a sollicité pour venir jouer en acoustique au Matt’s Guitar Shop. Mais à ce moment là, on n'avait que Rough Diamond de côté en acoustique donc on a commencé à en bosser quatre autres avec Paul (Batterie) et Titouan (Guitare) dont la reprise de Brutus. C'était une première pour nous, c'était sans doute le concert où on a le plus stressé car c'est très déstabilisant comme je te disais tout à l'heure. C'est un univers qu'on ne connait pas. Eddy il excelle là dedans, donc il était parfaitement à l'aise et en confiance, mais nous c'est pas notre truc, car d'habitude on se planque derrière notre gros son (rires). Et puis il y avait quand même une quinzaine de personne devant nous malgré tout donc c'était très intimidant, mais on a aimé faire ça. Tant et si bien qu'on aimerait bien continuer à enrichir ce set, car là on n'avait que quatre titres, mais on aimerait en proposer d'autres en live ou pourquoi pas sortir un ep acoustique. On pourrait proposer des sets de Stinky en acoustique. Eddy ferait parti du projet, c'est une certitude, on ne se voit pas faire ça sans lui de toute façon. C'est en cours de réflexion en ce moment et on va bosser dans ce sens, oui.



Tu disais que Eddy vous avait aidé sur les morceaux, en quel sens ?

Eddy nous a aidé.e.s à réarranger les morceaux. Il a l'habitude de faire ça, car il fait beaucoup de reprises de groupes qu'il adore, donc il a cette faculté à pouvoir réarranger les compositions, de manière assez hallucinante. Donc il est là à la base pour les réarranger, puis ensuite nous on se greffe dessus, avec nos idées et ça devient plus collégial ensuite. Mais toute la base du travail Folk, vient de lui, clairement.

Sur Spring Letter, il y a une très belle ligne de piano vers la fin du titre et sur Rough Diamond des passages au violon. Je voulais savoir qui étaient derrière ces instruments, si vous aviez fait appel à d’autres personnes extérieures au groupe ?

Pour Rough Diamond c'est Eddy qui nous a présenté Justine qui est violoniste dans un groupe qui vient de La Boissière-du-Doré, elle est venue nous accompagner en studio sur ce morceau là, on a avait fait quelques répétitions avec elle auparavant. Pour Spring Letter c'est mon petit frère qui joue de la trompette, mais maitrise pas mal d'autres instruments comme le piano et on lui a proposé de venir jouer une ligne de piano à la fin du titre pour faire une transition avec le morceau acoustique qui arrivait juste après. Il s'est prêté au jeu et je le remercie encore une fois, car c'est chouette de pouvoir vivre ça avec son petit frère.

Donc il y aura peut-être de la trompette sur le prochain album de Stinky ?

(rires) Pour la petite histoire, on a failli mettre une version avec de la trompette sur l'album car on avait une version de Spring Letter avec trompette, violon et piano, on s'était carrément lâché, mais finalement on n'a gardé que la version piano, mais ça a fait débat.

Est-ce qu’il y a des groupes sur lesquels vous êtes tout.e.s d’accord au sein de Stinky ? Des groupes de référence peut-être ?

Des groupes qui font l'unanimité complète au sein du groupe c'est Comeback Kid, en plus c'est l'une de nos principales influences, ce côté Punk Hardcore hyper mélodique. Je pourrais te citer Miles Away, Defeater comme on disait tout à l'heure, Bane, Tragedy, le groupe de Crust très sombre aussi. Tous ces groupes là font vraiment l'unanimité au sein de Stinky. Après on vient tou.te.s de scènes différentes, par exemple Seb et Titouan viennent plus du Punk alors qu'avec Paul et Antoine, on vient plus de Metal ou du Metalcore. Tous les trois on a beaucoup écouté du Killswitch Engage ou ce genre de groupes quand on était plus jeune, donc c'est ce mélange là qui devient de plus en plus flagrant au fur et à mesure des albums. Au début c'était très Punk avec Against Wind And Tide, puis ensuite avec From Dead-End Street on incorpore des choses Metal, et avec Of Lost Things on est vraiment à la croisée de toutes ces influences. 

Tu jouais dans Ellipse avant qui était un peu plus Metalcore.

Oui du coup très Metalcore, avec des influences à la ArchitectsWhile She Sleeps, Killswitch Engage, As I Lay Dying aussi dans leurs débuts. Et même maintenant, je pense à des groupes comme Architects ou While She Sleeps ce sont des groupes que je prends beaucoup de plaisir à écouter parce que je trouve qu'ils sont très très riches en terme de composition, qui mêlent plusieurs styles diffèrents comme While She Sleeps qui vont mettre du Metal, du Punk, du Metalcore, du Néo Metal, et j'aime bien ces propositions là car ça montre qu'il est possible d'élargir les choses, qu'il y a un prisme d'ouverture. On peut élargir ce que l'on veut dire, ne pas être obligés d'être coincés dans un style ou dans sa zone de confort. 

Je ne connais pas While She Sleeps dont tu parles, mais Architects ça reste super bien album après album.

Ils ont une patte qui est très très marquée, c'est le seul truc qui au bout d'un moment me tracassait un peu, c'était d'entendre toujours la même chose. Quand tu entends du Architects, c'est du Architects, mais il y a eu un moment où ils avaient besoin d'apporter un nouveau souffle, des choses différentes et sur le nouvel album qu'ils vont sortir, au vu des morceaux que j'ai entendu, ils sortent de cette zone de confort et s'orientent vers de nouveaux horizons. On verra ce que ça donnera, mais c'est bien de tenter des trucs. 

 

C’est Emy d’Arrache Toi Un Œil qui a bossé sur les deux dernières pochettes. Comment ça s’est fait et comment s’est passé la collaboration ? Elle avait carte blanche sur les deux disques ? Elle avait écouté la musique avant ?

Pour From Dead-End Street on avait quelques idées, on était venu avec des inspirations et on voulait quelque chose d'assez imagé, on ne voulait pas une représentation trop évidente, on souhaitait un dessin dans la subtilité, avec plusieurs niveaux de lecture et on lui avait donné à ce moment là comme illustration de référence l'album de TragedyDarker Days Ahead. On voulait un motif très orienté nature avec des animaux et de la végétation et en ce qui concerne la colorimétrie on l'a orienté sur ce que l'on désirait. Mais ensuite pour From Dead-End Street elle avait plus ou moins carte blanche à partir de ces indications sur ce projet. Ce qui n'a pas été évident non plus car quand on ne sait pas trop où aller, ce n'est pas évident pour l'artiste en face non plus en fait. Le champs des possibles est tellement énorme que tu peux aller dans toutes les directions alors que des fois c'est mieux de cadrer le truc. Après, le rendu nous a beaucoup plu et on trouvait ça super intéressant de travailler avec quelqu'un qui proposait quelque chose de très différent de ce que les gens attendent d'un groupe de Punk Hardcore. C'est vrai que le style, en terme d'esthétique, possède des codes très présents et nous on a voulu sortir de ces codes là pour aller sur des choses différentes de ce que l'on peut voir habituellement. Ca nous a plu et c'est pour cette raison qu'on a continué avec elle pour Of Lost Things. Néanmoins, on avait beaucoup cadré ce que l'on souhaitait, on savait déjà qu'on voulait une pochette qui fasse le lien avec l'album précédent. C'est pour cette raison qu'on a gardé le loup et cet aspect végétation. Mais on avait déjà cette idée de maison en flamme, avec le loup qui sort de la maison et vis à vis des couleurs aussi on avait imaginé déjà pas mal de directions. Je venais de faire un voyage en Écosse et j'en avais pris plein là vue avec des couleurs ocres et feu, donc on lui a demandé de partir là dessus. Une fois le résultat en main, ça nous a beaucoup plu et on a trouvé ça super ce contraste entre la pochette précédente et la nouvelle qui est beaucoup plus lumineuse. 

Jamais on ne peut s'imaginer, la pochette en main, qu'on a à faire à un groupe de Punk Hardcore.

C'est ça qu'on trouve chouette, en tout cas c'est ce qu'on aime. Il y a d'autres groupes comme ça, dont j'aime beaucoup l'univers visuel comme Propagandhi avec leur album Supporting Caste. La pochette qui est extraordinaire et j'aime bien ce genre de contraste, de sortir de ces que les gens attendent. 

Emy est vraiment super douée, ses sérigraphies sont superbes. 

Elle fait un travail de fou et je suis une grande fan de sérigraphie, j'en ai beaucoup chez moi, même trop et notamment celles d'Arrache Toi Un Œil, j'aime beaucoup l'univers qu'ils ont tous les deux, avec Gaspard, ils sont complémentaires et c'est vraiment cool ce qu'il et elle proposent. J'aime aussi beaucoup ce que fait Vaderetro et toutes leurs sérigraphies partent toutes super vite, Fortifem pareil, enfin c'est assez fou.



En juillet dernier, il y a une compilation intitulée Sous Les Pavés La Rage, qui est sortie, illustrée par Fortifem d'ailleurs et qui dénonce les violences policières. On y trouve du Birds In Row, Sordide et vous. Je voulais savoir comment vous vous étiez retrouvé sur cette compilation et ce que ça signifie pour vous d’y figurer ?

On s'est retrouvé sur cette compilation par le biais de Lorène qui travaille chez Horns Up et qui nous a mis en relation avec un ami à elle qui gérait la mise en place de cette compilation. Ca a fait sens avec certains combats assez forts que l'on mène au quotidien de notre côté, mais que l'on ne retranscrit pas forcément dans nos textes. C'est vrai qu'on est peu vindicatif, même si, quand tu lis bien entre les lignes, tu peux comprendre quand même facilement certaines de nos positions politiques. Mais là c'était intéressant de pouvoir justement mêler les deux. 

Surtout que les bénéfices sont reversés à l'association La Vérité Pour Adama.

Ce qui a été sujet à moults débats d'ailleurs. J'imagine que tu as suivi ce qui s'est passé pour le lancement de cette compil, ça a été assez compliqué et il me semble que c'est Fortifem qui s'en est pris plein la gueule. On a trouvé ça tellement dommage, car on s'éloigne complètement de la cause de base qui est clairement de lutter contre les violences policières. On a beau dire, La Vérité Pour Adama, est devenue une véritable institution, ils ne luttent pas que pour le cas d'Adama Traoré, ils luttent pour pleins d'autres énormes injustices qui ont eu lieu et qui ont encore lieu. On a vu ce qui s'est passé cette semaine avec le tabassage du producteur de musique Michel Zecler. Heureusement qu'il y a une association qui a un poids pareil pour porter la voix de ces personnes là, car sans ça, ça tomberait dans l'oubli le plus complet. Nous on a aucun regret d'avoir fait ce choix là, même si quand on a posté un message pour Sous Les Pavés La Rage, on a eu des retours de certaines personnes mécontentes. On a même eu des gens qui nous ont dit qu'il fallait qu'on arrête de donner notre avis ou de faire des choses engagées, mais j'avais envie de leur dire que si je ne voulais pas faire quelque chose d'engagé, je ne ferais pas de Punk Hardcore (rires). Voilà, c'était assez contradictoire, mais c'était tout de même intéressant de débattre, même si j'ai beaucoup beaucoup de mal avec les débats sur les réseaux sociaux, je fuis ça comme la peste car je suis quelqu'un de très sensible et ça me touche tout de suite beaucoup. Je préfère parler avec les gens de visu, plutôt que de répondre à des commentaires.

Ces personnes là ne te diraient certainement pas la même chose si elles étaient en face de toi.

Exactement et je trouve le langage sur les réseaux compliqué. Déjà que de se parler en vrai, c'est parfois difficile, les rapports sociaux sont compliqués, mais sur internet c'est la porte ouverte à tout et toutes les interprétations possibles, c'est pas simple du tout. Mais pour revenir à la compilation, on est très content d'y avoir participé comme d'autres projets qu'on avait fait en soutien à d'autres causes. Je repense par exemple à une soirée qu'on avait fait pour Colère Nom Féminin qui était un collectif féministe nantais qui était très actif, donc dès qu'on peut faire ce genre de chose : de jouer pour, de passer un morceau pour des causes qui nous tiennent à cœur, on le fait sans réfléchir, on fonce. 

Pour revenir à ce dont on parlait plus tôt, je discutais avec Bart de Birds In Row il n'y a pas longtemps et il me disait qu'ils avaient reçu un peu le même genre de commentaire quand ils ont publié la sortie de la compilation. C'est marrant et triste en même temps que les gens ne se rendent en plus même pas compte, que les groupes qu'ils écoutent, surtout dans ce genre de musique, sont engagés. 

Oui on a l'impression que les gens découvrent que ce style de musique est de base revendicatif. C'est hallucinant, car c'est l'essence même de ce style. Pourquoi gueuler dans un micro, si c'est pour dire des trucs qui n'ont pas de sens ? J'ai du mal à comprendre ce que les gens attendent. Et même maintenant dans la culture Pop, on est face à des artistes qui osent de plus en plus exprimer des points de vue, qui se politisent d'avantage et je trouve que c'est très bien. J'ai pas l'impression qu'il y avait ça avant. Mes idoles de jeunesse ce n'était pas trop ça. Après on aime ou pas, peu importe, mais des chanteuses comme Angèle ou Pomme qui arrivent à passer des messages pour les nouvelles générations, je trouve ça génial. Ca permet aussi aux jeunes de réfléchir sur certains sujets et nous on n'avait pas forcément accès à ça en écoutant la radio. Il fallait s'orienter sur des styles justement différents et plus engagés comme le Punk. C'est ce style de musique qui m'a happé, parce que j'aimais qu'il y aie un sens dans ce que je pouvais entendre, dans ce que je pouvais lire, cette rage, cette envie de se soulever. Et oui Birds In Row ils ont un engagement qui est très fort depuis toujours, ils le revendiquent et ils ont totalement raison de le faire. C'est vrai que nous on est beaucoup discrets, non pas que l'on ne fasse rien de notre côté. On le fait de plus en plus, mais avant, on était plus discret car on ne mélangeait pas le groupe avec nos combats personnels et plus ça et plus on se dit que si, ça devient important pour nous de l'exprimer de cette manière là. 

C'est une question de sensibilité de rapport aux autres aussi. A titre personnel je suis vegan, mais je ne vais pas forcément le dire en soirée parce que je n'ai pas envie qu'on vienne m'emmerder, me poser des questions etc...

Je vois totalement. Et quand tu es quelqu'un qui a du mal avec les conflits ou qui est discret, ce n'est pas évident de pendre un drapeau et de le remuer devant tout le monde. Ce sont des histoire de tempérament aussi. Certaines personnes préfèrent œuvrer dans l'ombre et d'autres sont plus à l'aise dans le fait de s'exprimer de manière très franche et ouvertement. Moi c'est en cours, mais c'est pas toujours simple (rires). 

Vous avez joué sur la Warzone du Hellfest l’an dernier. Et là vous y avez rejoué cette année, mais sans public sous la tente VIP. Ça devait être bizarre sans public et dans ce genre de cadre non ? Qu’est-ce que ça vous a fait ?

Ca nous a fait super bizarre de jouer "façon livestream". Les livestream à l'époque, enfin à l'époque, je parle comme une vieille (rires), on faisait des sessions studio éventuellement, mais des concerts live où les gens sont derrière leur écran à te regarder, on n'avait jamais fait ça. C'était un exercice super intéressant, mais qui était très flippant car tu te retrouves quand même sur un plateau, type plateau télé avec des caméras partout et tu n'as aucun recul et puis tu es face à, je crois qu'il y a eu plus de 400 000 streams, c'est énorme et tu te retrouve face au monde entier car tous les gens qui voulaient regarder pouvaient le faire, donc c'est très flippant. Mais l'exercice est chouette, tu joues dans des conditions de dingue, t'as des images vidéo qui sont très belles, le cadre est magnifique parce que la tente VIP du Hellfest est superbe avec tous ces ossements, donc c'est fou de se dire qu'on peut garder des images de ce moment là. Après, on espère qu'on ne va pas faire que des livestreams dans les mois qui viennent et qu'on va pouvoir reprendre les concerts. C'est transitoire, mais le but c'est de reprendre et de retrouver les vraies conditions live.



Est-ce que vous avez eu des retombées vis à vis de cette prestation ?

Carrément. On a eu plus de retombées suite à ce livestream que lors de notre passage à la Warzone du Hellfest. On avait eu bien sûr beaucoup de retours, car même si on jouait à onze heures, mais il y avait déjà beaucoup de monde devant la scène et on en était les premiers surpris. Donc ensuite tu as l'effet du bouche à oreille, mais c'est plus long, c'est moins immédiat comme retour. Tu joues à la Warzone, les gens sont en festival et ils ne vont pas tous prendre leur téléphone pour aller te suivre sur un réseau social ou t'écrire un petit mot. Mais ensuite ils parlent de toi à leurs potes, qui parlent de toi à d'autres potes, peut-être plus tard sur une autre soirée ou un concert, etc. Mais avec le stream c'est différent car les gens sont chez eux, ils voient ton groupe, ils apprécient ou pas, donc dans les deux cas tu te prends du positif ou du négatif dans la gueule, c'est le jeu. C'est instantané. J'ai fini de jouer, j'ai pris mon portable pour avoir des nouvelles de ma famille ou d'ami.e.s qui avaient regardé le live, et je suis tombé sur notre page de groupe et je me suis demandé ce qui se passait. En terme de vues, de likes, de messages ect, on avait tout de suite énormément de retour de gens qui étaient allés voir directement des infos sur nous. Ca a été beaucoup plus flagrant que lors de notre concert à la Warzone. On ne s'attendait pas du tout à ça. On s'est dit que l'on fait un livestream, on se doute que certaines personnes vont regarder car c'est le Hellfest, mais quand j'ai vu les chiffres de l'audience c'était au delà de toute espérance. On sentait la frustration des gens qui veulent soutenir le festival malgré les conditions et on va regarder les trois groupes qu'ils ont programmé. C'est assez dingue parce que nous on est un petit groupe et avoir la chance de jouer dans des conditions pareilles, c'est super !

Comment ça a été pour vous pendant cette année 2020. Votre album est sorti mais vous n’avez pas tellement pu le défendre sur scène. Niveau merch / vente de disque ça a peut être été un peu compliqué aussi ?

C'est clair que beaucoup de choses se jouent en live et encore heureux quelque part. Nous on n'a pas vraiment à se plaindre, car pendant le premier confinement, c'est là qu'on lancé les précommandes pour l'album et les gens ont été ultra réactifs et présents. On a eu un soutien de dingue et on ne s'attendait pas à ça. Les gens précommandaient ou achetaient l'album, des t-shirts également, si bien qu'on s'est retrouvé avec un premier pressage de 300 disques qui sont tous partis avant la sortie de Of Lost Things, on a refait un second pressage de 200 vinyles et à l'heure où je te parle il en reste huit, donc on va en refaire un troisième pressage. C'est hallucinant sachant qu'on ne fait pas de concert. Je me dit que des gens qui ne pouvaient pas voir le groupe en concert tout de suite, qui ont l'habitude de prendre un vinyle après un concert, ont changé leur habitude de consommation et en supportant le groupe, en commandant directement sur internet, ce qu'ils ne faisaient pas avant. Ca a été pour nous un soutien énorme parce que ça nous a permis de continuer la promotion sans les concerts, de pouvoir réaliser des clips, de pouvoir faire des choses derrière et financer la suite du projet. Dans un groupe, c'est toi qui mets les billes dedans, donc tout ce soutien là est extrêmement important pour nous et on remercie toutes les personnes qui ont précommandé l'album et qui continuent à être présentes quand on sort un nouveau t-shirt. Il n'y a pas que nous derrière aussi. Par exemple, récemment, on a sorti un t-shirt en collaboration avec Chakra Noir et Vaderetro (NDLR : shop de vêtement / accessoires nantais et sérigraphe nantais) et eux aussi sont dans des situations hyper compliquées actuellement, donc c'est génial, encore une fois, de recueillir autant de soutien. On était très déçu.e.s pourtant de sortir un album et ne pas pouvoir le défendre comme pleins d'autres groupes. C'est dur, mais quand on a vu le retour des gens ça faisait un bien fou.

Est-ce que vous avez pu vous voir entre deux confinements pour répéter ou composer un peu, peut-être ? C’est quoi les plans pour la suite pour Stinky, même s’il est difficile de se projeter dans un futur un peu bancal.

C'est toujours un peu compliqué de se projeter, mais on a pu se voir entre les deux confinement pour répéter, là on aussi la chance de pouvoir répéter car comme nous le disait très bien notre cher premier ministre, il faut préparer le monde de demain, n'est-ce pas et notre tourneur, nous a permis de continuer à aller en répétition. Là, actuellement, on a plusieurs projets. On sait qu'on ne va sans doute pas pouvoir refaire des concerts tout de suite, même si on a beaucoup de dates prévues l'été prochain, on verra si les festivals sont maintenus ou pas, pour l'instant c'est flou, mais il faut continuer à y croire, sinon c'est la déprime. On va aussi se lancer sur d'autres choses. Comme je te disais on a ce projet acoustique qui est en cours, on va continuer à travailler là dessus pour pourquoi pas essayer de sortir quelque chose. On a aussi des projets de livestreams sur lesquels je ne peux pas trop en dire pour le moment, mais qui sont très sympas et bien sûr totalement gratuit, car j'ai du mal avec l'aspect payant. Je comprends cette volonté de faire vivre ce milieu à travers ce biais là, mais j'aurais du mal à demander aux gens de payer pour nous voir en vidéo sur internet. Par contre, pouvoir faire fonctionner un lieu des technicien.ne.s et de proposer quelque chose que les gens vont pouvoir regarder chez eux, je trouve ça plus important. On aimerait proposer également une live session avec des morceaux que l'on n'a pas joué depuis longtemps et aussi de nouvelles compositions, en fonction de la conjoncture, on aimerait faire ça cette année. On essaye de continuer à faire des choses, à être dans une dynamique créative parce que c'est difficile sinon, comme pour récemment le projet avec Chakra Noir et Vaderetro qui nous a pas mal occupé.e.s et même si c'est pas de la musique, ça reste sur des univers artistiques intéressants et le fait de travailler avec d'autres gens, c'est chouette. On continue aussi à composer de nouveaux morceaux. 

Est-ce que tu aurais deux trois recommandations pour nos lecteurs et lectrices ? Pas forcément en musique d'ailleurs, ça peut être un film, une bande dessinée, comme tu veux...

Je réfléchis du coup... Je viens de finir La Passe-Miroir, qui est un roman en quatre tomes, dans un univers fantastique très très sympa, donc ça a été mon gros coup de cœur du confinement et depuis cette période je bouquine ces livres là qui resteront associés à cette phase bizarre qu'on vit en ce moment. Après je crois qu'on a tout.e.s fait le tour de Netflix en ce moment (rires). Le Jeu De La Dame j'ai adoré cette série, j'ai halluciné quand je me suis rendue compte que c'était l'acteur (Harry Helling) qui joue Dudley dans Harry Potter qui joue aussi dans la série. Quand j'ai appris ça, ça m'a rendue folle, en plus je suis une grande fan d'Harry Potter. En disque, il y a pleins de trucs cool qui continuent à sortir, mais bizarrement ces derniers temps je n'écoute pas trop de musiques extrême, je vais d'avantage vers de la Pop ou ce genre de chose. Par exemple aujourd'hui je me suis écouté le dernier album de Miley Cyrus pour te dire, donc c'est un autre délire (rires).

Eh bien on finit là dessus, c'est vrai que ça fait pas mal de temps qu'on discute (rires).

Merci à toi ! D'ailleurs c'était ça qui était super cool avec le confinement, on a été pas mal sollicité par des médias car on était en train de sortir l'album. C'était trop bien parce que ça nous évitait cette grosse frustration si on n'avait pas pu parler du projet à qui que se soit. Ça nous a fait trop de bien de discuter avec des gens sur skype, au téléphone, de parler de notre disque, de nos projets... donc encore merci !

Pentacle (Janvier 2021)

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