Les anecdotes de tournée n°1 Point Mort, Verdun, Mudweiser

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Dans cette période sans concerts on a eu envie de vivre quand même un peu cette ambiance particulière. Du coup on a demandé à plusieurs de musicien.ne.s de nous raconter leurs anecdotes de tournée. En effet être dans un groupe ce n'est pas tout le temps évident et ça l'est encore moins de tourner pour jouer en concert. D'un point de vu extérieur, on peut avoir l'impression que le groupe monte sur scène, joue ses morceaux et puis tout roule et on recommence le lendemain. Sauf que la réalité des tournées est tout autre : tourner en van, entassés à plusieurs ce n'est pas que du fun, que les accueils craignos sont légions et que les galères peuvent tomber à tout moment. C'est aussi des anecdotes marrantes, des rencontres étranges, des situations ubuesques et tout cela fait en quelque sorte partie "du jeu". Ainsi, qui de mieux pour parler de ces choses là que les groupes eux-mêmes ? On a donc recueillis plusieurs témoignages de musicien.ne.s qui nous racontent quelques anecdotes de tournées et on commence cette série d'articles avec Sam (Point Mort), Dadoo (Verdun, Necrodancer) et Jay (Mudweiser, Verdun).



Sam (Chant - Point Mort), photo de Elise Diederich.

Comme tout groupe qui a tourné sur des scènes DIY et posé ses sacs de couchage dans des squats végé-pounkeux-grindeux, des anecdotes rigolo-marrantes (parfois moins sur le moment) on en a, bien-sûr.

Voyager dans des vans de locations qui puent des pieds, roulent à 75 km en côte sur l’autoroute. Où la seule portière en état de marche se trouve à l’avant droit et t’oblige à pratiquer l’escalade. Dormir dans des squats douteux, frigorifiés, ou dans des salles, à même la scène ou sur une table de merch pour éviter toute rencontre indésirable avec des cafards espagnols. Chez l’habitant aussi parfois, la tête limite dans les crottes de lapin. Se retrouver sur le trottoir avec tout notre barda, parce que le digicode de l’appart qu’on nous a gentiment prêté ne marche pas, et évidemment, le découvrir à 3 h du matin quand le mec ne répond plus au téléphone. Et finir par ouvrir la porte au bout d’une heure à coup de carte de crédit.

Ça c’est la base presque. Et on n’a pas à se plaindre. On est des habitués des petites poisses, mais finalement, on s’en sort plutôt bien. On n’a jamais eu de grosse déconvenue. Dans tout ça on a aussi eu la chance de dormir dans des lieux plus atypiques et bien fun, comme un bunker en Suisse avec des énormes dortoirs de couchettes alignés, ambiance seconde guerre mondiale. Avec la douche froide, température eau glacée des montagnes, en bonus énergisant le lendemain matin. On a aussi dormi dans un squat installé dans les locaux d’une vieille banque. On pouvait carrément dormir dans le coffre-fort blindé. A deux heures du matin, on se parlait à travers les guichets et on s’échangeait des trucs à travers les trappes passe-billets. On s’amuse de rien.

Après, notre tournée à Cuba nous a fortement marqué également. Parce que c’était assez dingue. C’était un peu la colonie de vacances. Nous avons joué dans des lieux totalement improbables, en plein milieu des bois, dans une sorte d’arène immense, sur le rooftop (totalement délabré) d’un centre culturel, en plein centre-ville de Holguín. Il y avait plus de mille personnes sur ce toit, on pouvait sentir tout l’immeuble bouger. On n’aurait pas été étonné que tout se casse la gueule. Le public de manière générale à Cuba était à fond, jeune, surmotivé et chaotique. Hyper-violent, ça se castagne sur le bitume. Ils sont en mode "war dance" même pendant les changements de plateau là-bas. Les gens venaient prendre des selfies avec nous, on n’est clairement pas habitué, on ne savait plus où se foutre.
 
Après y’avait les petits désagréments du quotidien. Les toilettes souvent. Enfin, quand il y en avait…  Sur le rooftop, il faut s’imaginer qu’il y avait une seule chiotte pour tout monde, donc pour 1000 personnes concrètement. Et la cerise, c’est qu’il n’y avait pas l’eau courante, c’était une dame qui versait un seau d’eau dans ce chiotte pourri et rempli ras la gueule, toutes 15 personnes environ. L’odeur était assez insoutenable. On était tous hyper crevés, par les heures d’avion et de route. Je me souviens que j’avais complètement la gerbe avant de monter sur scène. J’étais tellement mal que Oliv est venu me voir juste avant le concert, en me disant, « c’est pas grave, ménage toi un peu pour cette fois, ça arrive ». Mais l’ambiance était tellement survoltée qu’on a tout cassé, littéralement. Oliv a foncé dans le public avec sa grat’, il hurlait comme un cinglé « on va les fucking détruire ». Et Simon, notre batteur, entre deux blasts, qui lui répond avec flegme « oui, mais avec véhémence ». C’était un sacré concert.

La bouffe aussi, c’était assez la mission… Simon est végé, et là-bas quand tu commandes quoique ce soit, même du riz, ou une soupe aux haricots, y’a du graillon dedans. On n’en pouvait plus à la fin du « Arroz Congri » et des « bocadillo de ramon y queso ». On avait tous plus ou moins le bide en vrac, et là retour à la case départ avec les soucis de toilettes… Y’a eu cette nuit aussi, où ma chambre donnait sur les ascenseurs du Hall, l’un d’entre eux était bloqué à mon étage. La porte sonnait toutes les minutes avec une voix automatique qui gueulait sans cesse « BAJA ! ». Le truc qui rend fou.

L’une de nos dates en suisse sur notre dernière tournée est un bon souvenir. On avait un off, alors, on s’est calé un petit jour tranquille. Simon avait pas mal cuisiné. On a acheté un gros filet de patates, qu’on a embarqué avec nous dans le van. On avait acheté mille fois trop de bouffe. Il a fait toute la route avec nous ce filet. On a bien failli le perdre une ou deux fois On arrive en Suisse, sur l’avant-dernière date. Un lieu hyper-cool, une usine réhabilitée en lieu artistique. Sur une sorte de mini-fest, où on joue juste après un groupe de country. L’affiche improbable. Au stand de bouffe, ils sont en rade de patates pour faire un dernier batch de frites. On était trop contents leur sortir notre filet de patates. Ils ont clairement halluciné.

En Allemagne aussi, il nous est arrivé ce truc assez drôle, dans un lieu autogéré où on avait dormi après le concert. Une vieille femme du voisinage venait voir le proprio du lieu, et s’est mise à me hurler dessus et m’insulter pendant 5 bonnes minutes ! Et je ne parle pas allemand. Elle était cinglée, complètement hirsute ! Elle criait au diable, me dévisageait avec des yeux ahuris ; Elle avait l’air terrifiée et en même temps super agressive ! En fait, elle me prenait pour une femme qu’elle connaissait, mais qui était morte et qui lui voulait soi-disant du mal et l’espionnait la nuit, pour la tuer. Elle pensait que j’étais venue la voir avec un couteau la vieille au soir ! La manière dont elle me dévisageait était carrément flippante… On savait plus où se foutre. C’est carrément gênant.

Finalement, c’est vraiment tous ces petits polaroids qu’on ramène avec nous de tournée. Les petites galères, les moments chelous, qui nous soudent les uns aux autres et marquent nos souvenirs de route.



Dadoo (Chant - Verdun, Necrodancer) :

Tournée Morse / Verdun aux alentours de 2013. Les deux groupes tournent dans le même van. On se fait arrêter en Auvergne aux alentours de Clermont-Ferrand par la douane volante. Dans le van, gros silence, surement du au fait que l'on roule avec un excédent de poids (je ne parle pas de moi mais du matos) et un excédent de psychotropes. Flob et moi sommes totalement relax ,surement du au fait que nous sommes ivre morts. La porte latérale s'ouvre et des cadavres de bouteilles roulent sur les pieds des douaniers. Je dégringole aussi leurs pieds dans un fracas de bruit de bouteilles vides. On doit être mardi en début d'après-midi, il fait froid et le vent souffle. L'autoroute est déserte. On sent que la situation peut rapidement dégénérer et la tournée s'arrêter là.

Le douanier qui vient de capter que nous sommes un groupe en tournée nous demande si nous avons des substances illicites (j'entends encore les anus se serrer dans le van). Soudain je vois la tête de Flob émerger la tête du van en brandissant une bouteille de Suze tout en s'adressant aux agents : " Vous inquiétez pas ! Nous on carbure à l'ancien, on est les Petits Chanteurs à la Gueule de Bois!"

Le temps est dilaté, tout bouge doucement autour de moi. Il est magnifique, un rayon de soleil traverse les nuages et éclaire son regard embrumé d'alcool. Le timing est parfait. Flob a été touché par la grâce et sa vanne fait mouche: les douanier partent dans un fou rire de plusieurs minutes. Puis, nous trouvant sûrement excessivement ivres, décident de nous laisser partir sans contrôle aucun.

Comme quoi que ce soit en musique ou en vanne, le sens du timing est primordial.



Jay (Basse - Mudweiser, Verdun) :

Mercredi 11 Novembre 2009, Mudweiser est sur la route du Stoner Fall Tour 2009 en compagnie de Loading Data et 7 Weeks. Je vous avoue que je ne sais plus exactement, mais ça devait être la 6ième ou 7ième date de la tournée avec l'état de fatigue alcoolique qui va avec. Nous étions jeunes, insouciants, très alcooliques et de ce fait, Said avait souvent la lourde tâche de conduire les journées afin que Xav et moi puissions décuver dans les meilleures conditions possibles (avec toujours à portée de main une bière ou bouteille de bourbon faut pas déconner). En ce jour dit du 11, Said, de son droit et qui pour le blâmer, nous somme de prendre le volant une petite heure au moins pour reposer l'homme qu'il est. S'en suit une longue réunion de cinq minutes sur une aire d'autoroute où chacun envoie son excuse pour ne pas prendre le maudit volant... Xav perd à ce petit jeu et donc prend la relève, ayant fumé bien évidemment quelques cigarettes dopantes dès le matin. La suite, vous vous en doutez, finira avec un petit arrêt de nos amis les policiers, mais tout ceci au bout de... quatre minutes montre en main maximum. Même pas le temps d'écouter War Pigs de Black Sabbath en entier ! Record absolu, il aurait voulu il aurait pas mieux fait. Avec bien entendu le droit de souffler, finir à la gendarmerie la plus proche pour cause de fumette en excès dans son corps et une bonne crise de rire dès son retour au camion, Xav n 'étant pas le gars le plus stressé du monde ("là au moins c' est sûr que je n'aurais plus à conduire, je vais être tranquille") mais avec tout de même un retrait de permis direct

Son histoire là bas : "J'ai jeté une fin d'enveloppe de weed, gardant 10g dans la poche pendant les 2h30 que ça a duré. Ils m'ont amené à l'hôpital pour un prélèvement sanguin, en me demandant si j'étais d'accord pour le faire. Ma réponse à été : et si je ne veux pas ? Réponse du flic : ben on t'envoie les policiers. (Là, il y a de la punch-line !) J'ai appris par la suite que le flic en question a noté dans mon dossier qu'il fallait faire un geste en ma faveur car j'étais gentil et sympathique, du coup j'ai écopé de 500€ d'amende au lieu de 1500€ par le juge. Et pour l'anecdote, ils ont perdu mon dossier par la suite et j ai eu un permis avec une photo dessus mais pas la mienne..." Au final, on arrive au Molodoï avec quatre heures de retard, juste le temps de sortir le matos, de laisser l'ovation prévue et méritée pour l'arrivée du champion (dont c'était l'anniversaire le lendemain) et remettre le couvert direct. La fin de soirée sera, comme beaucoup de souvenirs de cette époque, perdue dans les méandres du Molodoï...



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Pentacle (Juin 2020)

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Commentaires

MattDyeuxLe Jeudi 18 juin 2020 à 14H07

J'aime beaucoup l'anecdote de Dadoo. Oui tout est une question de timing, c'est magique :)