"Je n'ai jamais voulu chanter !" Devin Townsend (Paris, fin 2019)

Même s'il est frustrant de discuter d'une carrière aussi prolifique que celle de Devin Townsend en dix petites minutes, on en ressort toujours plein d'enseignements précieux, avec une belle leçon d'humilité en prime. Voici ce qu'il a pu nous dire sur Empath et sa nouvelle façon d'aborder les concerts, entre autres. Par ailleurs, vous pouvez retrouver par ici le contenu qu'il a sorti en contrepartie d'une campagne de dons qu'il a lancé pour compenser l'impact du Covid-19 sur ses tournées.



Ca doit être quelque chose de partager la scène avec Morgan Ågren (Fredrik Thordendal's Special Defects, MagmaMats/Morgan). C'est tout simplement l'un des meilleurs batteurs du monde, et pas seulement en metal, c'est aussi un incroyable musicien de jazz. Est-ce que tu comptais sur ces compétences pour l'enregistrement d'Empath et les concerts ?

Devin Townsend: C'est en effet un des meilleurs batteurs du monde. La chose sur laquelle je peux compter avec Morgan, que je cherchais chez un batteur, et la chose que Morgan maîtrise plus que quiconque est le jeu sur les temps faibles. Morgan a un swing que très peu de batteurs ont et la musique que j'écris en a besoin. Essayer de trouver un batteur avec cette compétence a été très difficile.

Il a également joué sur Zëss, le dernier album de Magma, est-ce que c'est un groupe qui t'intéresse ?

J'aime Magma. Je veux dire, j'adore ce qu'ils font. Je ne les ai pas écoutés quand j'aurais dû. Alors ces derniers temps, alors que Mike Keneally et Morgan me font écouter Magma, je dois remonter le temps et les écouter. Mais oui, c'est une musique fascinante.

Certains artistes ont tendance à rejeter ce qu'ils ont fait dans le passé. Je ne suis pas artiste mais j'ai de fait tendance à être embarassé par mes vieux articles. Quel est ton ressenti par rapport à tes vieilles sorties, comme la collaboration avec Steve Vai sur Sex&Religion ou Strapping Young Lad?

C'est vraiment très important pour moi. Ce fut le même processus à chaque étape. Ce que je fais maintenant avec ce set est très similaire à ce que je fais avec le set acoustique, dans mon esprit. Et c'est la même chose en ce qui concerne la musique de Strapping Young Lad. Chaque période de la vie se manifeste différemment, n'est-ce pas ? Donc, certaines personnes que je connais sont gênées par leurs vieux albums ou nient le fait qu'ils existent, mais je pense qu'il est important pour moi de les accepter.

Tu arrives donc à discerner un fil rouge dans tout ce que tu as fait ?

Eh ouais, je me plante à chaque fois ! [rires] Ensuite, avec un peu de chance, j'apprends de mes erreurs et ça donne naissance au projet suivant.

Je pense que l'un des aspects qui a le plus surpris les gens avec la tournée Empath était ton idée que l'improvisation fasse partie intégrante du concert. Est-ce que tu improvises souvent quand tu composes ?

Ouais, beaucoup! Je pense que tout ça n'est que de l'improvisation mais je suppose qu'il y a juste différentes façons de le faire. Il existe différentes techniques d'improvisation. Même lorsque j'utilise un logiciel, je pense que mes matrices pour écrire de la musique ont un aspect qui me permet d'improviser dans ce cadre. Mais en lien avec l'idée que "chaque album sont des erreurs dont tu espères ressortir grandi", je pense que l'improvisation est, peut être, très similaire à ça, dans le sens où tu dois être indulgent avec toi même quand tu fais des des erreurs, sinon tu te retrouves à ne jamais rien essayer, non? Tu ne prends jamais de risques parce que tu as peur de faire une erreur. Alors, peut-être que le fait que j'ai entrepris tant de choses différentes et que ça continue de changer est de l'improvisation en soi.



Pour cette tournée, tu as décidé d'arrêter d'utiliser des samples en concert. C'est drôle parce que l'autre jour, j'ai vu un technicien porter un t-shirt "fuck your backing tracks!" Peux-tu nous parler de la réflexion qui t'a poussée à prendre cette décision ?

[rires] Notre ingé-son FOH, Stanley, qui est un génie je pense, avait travaillé avec moi pour mon précédent groupe. Il m'a simplement dit : "Je sais que quand tu es en studio, tu empiles toutes ces pistes. Mais sur scène, c'est le bordel ! Tu ne peux pas intégrer tous les échos, tous ces éléments et espérer que le son soit clair." Peut-être bien qu'en... grandissant en tant que personne, en tant que musicien, j'en suis arrivé à avoir l'impression de faire du karaoké, en quelque sorte. [rires] Tu appuyes sur « play » sur un ordinateur, tu as un ordinateur de secours et il joue des voix, tous les choeurs, des boucles, des guitares, des claviers... donc en gros tout ce que le groupe fait, c'est accompagner un ordinateur ! Quand j'étais plus jeune, j'aimais vraiment l'idée de faire sonner un concert comme un album, et j'ai été très critique envers moi-même sur ma voix ou mon jeu de guitare. Mais ces dernières années, il y a eu quelques concerts où tout a foiré.

D'ailleurs, c'est ce qui était arrivé lors de ton passage au Bataclan en 2017. L'ordinateur a planté et tu t'es retrouvé à faire ce one-man show pendant 5 minutes le temps que l'ordinateur redémarre.

En fait, je peux faire ce moment de stand-up stupide, ça me va. C'est drôle que tu te souviennes de ça ! Les gens se souviennent plus des ratés de ces cinq ou six dernières années que des concerts en eux-mêmes ! Si tu arrives à donner des concerts parfaits, les gens s'en souviennent moins que les fois où : "oh, l'ordinateur a planté!". Alors peut-être que cette fois, se contenter d'avoir des musiciens qui jouent m'aidera à apprendre. C'est ce que je fais à chaque étape.

Est-ce qu'il t'est déjà arrivé, même pendant une seconde, de regretter ne pas avoir accepté de rejoindre Judas Priest ?

Non, je n'ai jamais voulu chanter! [rires] Quand j'étais gamin, je voulais juste jouer de la guitare. Mais je n'ai pas réussi à trouver un chanteur qui ne... cause pas de de problèmes. Alors je me suis dit: "Merde, je vais apprendre à chanter!" Puis, j'ai été recruté par Steve Vai et au bout d'un moment je me suis dit : "Bon, j'imagine que maintenant, je suis un chanteur!". Mais je ne me suis jamais considéré comme tel... enfin, plus récemment, je suppose que si... Je n'étais encore qu'un très jeune gamin quand on m'a proposé d'intégrer Judas Priest et à l'époque, j'adorais ce groupe. Et franchement, pourrir ce groupe est la dernière chose que j'aurais voulu faire ! [rires] Parce que c'est exactement ce qui serait arrivé ! Moi dans Judas Priest ?!? Pas question, ce serait horrible! Personne n'a de doutes là-dessus !

Tu viens de dire que tu apprends des erreurs faites sur chacun de tes albums. Vois-tu déjà des choses que tu pourrais améliorer sur Empath pour le suivant ?

Oui, bien sûr ! Je pense que je suis perfectionniste mais je sais que je suis imparfait. Il y a donc toujours des choses à faire! [rires] Être un perfectionniste imparfait est ... irritant! J'ai donc des tonnes d'idées mais c'est presque comme si, à ce stade de ma vie et de ma carrière, je voulais juste travailler avec des professeurs. Des gens comme Morgan Ågren, Mike Keneally, Markus Reuter ou Ché Aimee Dorval. Ce sont tous d'excellents professeurs pour moi et donc, c'est presque comme si j'étais à l'école de musique et j'avais la chance de jouer dans un groupe avec mes profs ! [rires]

Neredude (Avril 2020)

Photos par Florian Denis 

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