Vicotnik (Ved Buens Ende, Dødheimsgard) [Août 2019, festival Brutal assault]

Ved Buens Ende..... Ce groupe n'a sorti qu'une démo et un album avant d'imploser, avec une myriade de groupes satellites uniques et qui font partie des plus marquants de la scène norvégienne : Dødheimsgard, Aura Noir, Virus, ou encore Void pour ne citer que les plus connus. Mais Ved Buens Ende a marqué la scène Black Metal au fer rouge avec son album Written in Waters. Après une tentative de reformation avortée en 2005, c'est finalement cette année que le duo Vicotnik / Czral est remonté sur scène, toujours avec Skoll (Arcturus) à la basse et Øyvind Myrvoll (Dødheimsgard) à la batterie. Nous en avons discuté avec Vicotnik.



Comment cette reformation complètement inattendue s'est faite ? 

Vicotnik (guitare et chant) : C’était vraiment une coïncidence. Une de nos amies, notre manager, nous a demandé si on pouvait jouer quelques chansons à sa soirée d’anniversaire. On s’est beaucoup amusés, et ça nous a donné envie de donner une nouvelle vie à ces vieux morceaux. Tu sais, c’est pas le bon vocabulaire pour ce genre de musique mais c’était plutôt fun de retravailler et jouer ces chansons à nouveau. La différence entre notre dernière tentative de reformer le groupe et celle-ci est que cette fois, on l’a fait comme il fallait. On a joué toutes nos vieilles chansons au lieu d’en écrire de nouvelles et on a ramené Skoll au lieu de le remplacer par un autre bassiste. C’est pour ça que ça n’avait pas marché en 2005 et que ça a marché cette fois, c’est ça la différence. On l’a fait correctement, dans le bon ordre. Au final en 2005, c'était plus ou moins comme si nous étions devenus Virus, mais avec moi jouant de la guitare en plus. Cette fois, c’est vraiment Ved Buens Ende

Et maintenant la question que tout le monde se pose : prévoyez-vous de travailler sur de nouveaux morceaux ? Si oui, est-ce que ce sera des morceaux entièrement nouveaux ou avez-vous des riffs en réserve quelque part, comme votre album inédit Half Visible Presence ?

Oui, il nous reste probablement quelques riffs de l’époque je suppose. Et d'autres vieux riffs ont été utilisés par d’autres groupes comme Dødheimsgard et Virus. Maintenant, on se concentre sur les ces quelques concerts exclusifs. On en fait que cinq cette année. Mais on va voir ce qui en ressort. Je pense que si on travaille sur de nouveaux morceaux, il est très important de se souvenir de nos racines, d’essayer de renouer avec elles et d'avoir le Ved Buens Ende d’il y a 25 ans a comme influence principale ans pour ce qui est à venir. Autrement, ce sera juste un nouveau groupe. J’ai un ami en Norvège qui a joué il y a trente ans dans le groupe de punk légendaire Quok Process. Ils ont fait quelques concerts pour leur reformation il y a quelques années et ça l’a vraiment déprimé. Les concerts étaient complets partout et je lui ai demandé pourquoi ça le déprimait. Il m’a dit : « Ouais, c'est comme si nous faisions des reprises de nos propores chansons, nous ne sommes même plus les mêmes personnes aujourd’hui. » Je pense que c’est vraiment important que Ved Buens Ende redevienne Ved Buens Ende et pas un autre groupe de 25 ans plus tard. Je voudrais éviter cette impression qu'on ait le même nom mais d’être un autre groupe.

Avez-vous des limites concernant le son de Ved Buens Ende ? Pourriez-vous faire quelque chose de totalement différent ? 

Tu sais, on peut toujours progresser. Mais comme je l’ai déjà dit, je pense que si on fait quelque chose de nouveau, ça devra être reconnaissable. Si ce n'est pas le cas, alors ça voudrait dire qu'on réutilise juste notre ancien nom pour un autre projet. C’est ce que je veux éviter. Bien sûr, il y a aussi des limites à ce qu’on peut faire. Ça dépend des idées qu’on a, et ensuite ça dépend de nos limites pratiques : nos capacités techniques, le nombre d’instruments utilisés, etc. Mais si on se remet à faire de la musique, je voudrais le faire comme à l’époque parce qu’on le faisait sans trop y réfléchir. On l'a juste fait et c’était très naturel à l’époque. Quand tu commences à trop réfléchir aux choses, ça se finit comme Half Visible Presence : rien du tout. Parce qu’après Written in Waters la barre était tellement haute qu’aucun riff n’était assez bon. Si Carl me jouait quelque chose, je pensais que ce n’était pas assez bon et vice-versa. Quand tu commences à trop réfléchir  suranalyser, tu peux facilement devenir ton pire ennemi. Il s'agit de se retrouver ensemble, faire de la musique et faire en sorte que ça passe naturellement.

Penses-tu qu’il est toujours possible d’innover dans le cadre du Black Metal, si on peut considérer Ved Buens Ende comme tel ? 

Oui, pourquoi pas ? Je pense que l’imagination est la seule limite. Et c’est pour ça qu’il n’y a pas vraiment d’innovation dans le genre, parce que beaucoup veulent ressembler aux groupes qu’ils aiment. Je pense qu’il n’y a pas de limites sur la façon d’assembler les choses. Je pense que toute la musique imaginable a plus ou moins déjà été écrite, si tu considères les notes de chaque instrument séparément, par exemple une partition de piano ou un riff de guitare. Mais tu peux faire des compinaisons et arrangements à l’infini. La palette d'expression est reste ouverte !

Qu'est-ce que tu ressens en chantant ces paroles aujourd'hui ?

C’est plutôt cool parce qu’elles étaient en avance sur leur temps et elles ne parlaient pas de brûler des églises ou tuer des gens. Il n’y avait rien de satanique dans ces paroles. Mais c'était des paroles sombres plus en lien avec l’esprit et la notion de soi. C’est comme la vie intérieure de quelqu’un qui ne va pas très bien, je suppose. Ça parle d’une obscurité intérieure plutôt que mythologique. Je suis plutôt à l'aise en chantant ces paroles, je trouve qu’elles restent assez bonnes aujourd'hui. Et c'est ce que j'ai pensé quand j'ai lu les paroles de Carl pour la première fois : « ce mec est tellement en avance sur tous ceux qui écrivent des paroles aujourd’hui ».



J’ai lu dans une interview que, lorsque Carl-Michael était dans Ulver, les origines irannienes de l’autre guitariste, Ali Reza, avaient posé problème car la scène était obsédée par le fait d’être Norvégien. Étant en partie Indien, as-tu connu des difficultés similaires à l’époque ?

Oui, bien sûr. Tu sais, le Black Metal de l’époque flirtait un peu avec le national-socialisme à un niveau très immature et puéril. Mais il y a quand même eu des conséquences. Une petite partie de la scène de l’époque est de fait devenue néo-nazie ou avait rejoint une organisation appelée Büd Boys dans les années 1990. Donc il y avait cette portion mais il y avait aussi cette séparation dans la scène, qui je pense laissait de la place pour un Black Metal orienté plus à gauche, parce que c’était là que se placaient la plupart des gens. Mais j’ai eu effet quelques difficulter à m’intégrer dans la scène, les gens ne s'intéressaient pas. Ce n’était pas viscéral, mais les gens avaient surtout peur de ce que le reste de la scène penserait d’eux s’ils devenaient amis avec moi. C’était un risque pour eux, en quelque sorte. Mais je me souviens, dans les années 1990, des nazis avaient l’habitude de venir au Elm Street pub et sympathisaient avec la communauté Black Metal. Ils venaient à nos tables et se présentaient, et je mettais toujours un point d'honneur à donner mon nom tel quel [NdR : Yusaf Parvez]. Je trouvais que c’était une position très intéressante d’être complètement à leur opposé.

Il n'y avait pas beaucoup de gens de gauche dans la scène à l'époque.

Non, à part Euronymous (Mayhem) qui était communiste mais tu sais, à l’époque on aimait les choses pour des raisons très puériles. Je ne pense pas que les gens lisaient beaucoup de livres ou de manifestes écrits par des hommes politiques. Je crois que l’approche du communisme pour Oystein, c’était qu’ils avaient tués encore plus que le national-socialisme, et donc qu'ils étaient encore plus cools ! Qu’est-ce que tu peux répondre à ça ? C’était des jeunes qui vivaient dans un environnement tranquille dans leurs pays et qui voulaient désobéir, être des rebelles. 

Que voulez-vous accomplir avec Ved Buens Ende aujourd’hui ? 

Je suppose qu’il y a deux choses : déjà c’est génial de pouvoir monter sur scène et jouer ces chansons pour des gens qui n’y croyaient plus. Les gens qui ont écouté cet album pendant 25 ans l'ont tellement mérité. Ensuite, la raison personnelle est de se reconnecter avec cette force de création et d’inspiration de nos débuts. C’est aussi se reconnecter avec cet esprit de créativité jeune et frais, quand on ne se perd pas dans la réflexion et qu’on se contente de faire les choses, comme je le disais tout à l’heure. 

Oyvind, comment était-ce d’apprendre les parties de batterie de Czral ? 

C’était super intéressant et cool, mais aussi un peu difficile.

Es-tu resté fidèle aux parties d'origine ou as-tu ajouté ta touche personnelle ? 

J’ai beaucoup gardé le style de Czral, mais j’ai aussi ajouté ma touche personnelle. 

Vicotnik, qu’est-ce que tu écoutes comme musique en ce moment ? 

J’écoute beaucoup Ces CruTech9ne, principalement du rap donc ce n’est peut-être pas le meilleur contexte pour partager cette information [rires]. Mais tu sais, j’ai aussi une approche du point de vue de l’écriture parce que j’essaye d’écrire les paroles du prochain album de Dødheimsgard en ce moment. Ces mecs savent vraiment écrire, c’est intéressant de voir comment ils dissèquent leurs mots et comment ils les assemblent. Et ce n’est pas du gangsta-rap, c’est vraiment du rap avec une vraie personnalité, qui raconte une histoire d’une manière intelligente. Ce sont des paroliers, de fait. 

Quand sortira le prochain album de Dødheimsgard 

Je fais de mon mieux , c’est difficile. Je ne me facilite pas les choses en essayant de renouveler le son de Dodheimsgard à chaque album. Il y a beaucoup à réfléchir. Donc ce qui est bien avec Ved Buens Ende, c’est qu’il n'y pas de suranalyse, parce que j’ai Dødheimsgard pour ça.

Neredude (Décembre 2019)

Photos par Kim Sølve

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