Potence par email

Alors que Le Temps des Bourreaux est disponible depuis quelques semaines, nous profitons de l'occasion pour en apprendre un peu plus sur Potence et l'histoire derrière cet album. Ce sont 3 des membres du groupe qui se prêtent au jeu des questions / réponses !


Hello Potence. Ravi de pouvoir échanger avec vous. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, je vous laisse vous présenter en quelques mots.

Salut, le groupe a commencé en août 2014 sous l'impulsion de Anto (Black Code), Sylvain (Human Compost) et Nico (Geraniüm). Aurélien (Daïtro) s'est vite montré intéressé par la place vacante au micro, et en avril 2015 on a joué notre premier concert. On a réalisé une démo juste avant ça, puis on a enregistré L'Amour Au Temps de La Peste en avril 2016. Henri (Iwasacosmonauthero) nous a rejoint en 2017, juste avant l'enregistrement de Le Culte Des Bourreaux qui vient de paraître. Vous pouvez télécharger tout ça sur le bandcamp du groupe, gratuitement ou à prix libre.

Pouvez-vous expliquer à quoi fait référence « Le Culte des Bourreaux » ? J’ai cherché quelques références et j’ai surtout trouvé une notion évoquée par Sévane Garibian (lien) et quelques articles (lien).

Aurel : Le titre ne fait pas référence à cet article, ni à aucune publication que l’on pourrait trouver sur internet ou ailleurs. C’est plutôt une digression en rapport avec des thèmes qui sont abordés dans les paroles de certains morceaux présents sur ce disque.
Dans mon esprit, le culte des bourreaux fait référence à la fascination qu’exerce la classe dirigeante, les grands patrons, les grandes fortunes sur les classes populaires et sur les plus démunies de notre société. Cette caste de la population pour qui la vie des autres n’a aucune valeur est montrée en exemple comme l’objectif à atteindre. Hors, selon moi, c’est cette branche de la société qui est responsable des maux qui nous accablent au quotidien. Ils sont responsables tout en étant conscients de la souffrance que ça engendre. C’est dans ce sens-là que je les considère comme des bourreaux et des tortionnaires.

L’artwork est relativement différent entre les deux premières sorties et ce nouvel album, et vous avez changé d’artiste. Qu’est ce qui a motivé cette évolution ?


Aurel : L’envie de ne pas rester dans une forme de routine. Briser le cercle de la monotonie… Juste envie de faire de nouvelles expériences peut-être !
Il y a malgré tout une constance entre les deux artworks. On peut retrouver certains éléments du premier dans le deuxième et les deux pochettes ont été réalisées par des amis. Faire les choses avec des gens que l’on connaît et que l’on apprécie pour leur qualité humaine et artistiques, c’est quelque chose qui nous tient à cœur.

Sylvain : C'est Floriane de Impure Muzik qui était en charge de L'Amour Au Temps De La Peste et Hugues PZZL qui s'est occupé de Le Culte Des Bourreaux.

Il y a un ton assez défaitiste par moment sur ce nouveau disque, mais aussi des instants de clarté (la fin de « Rien ne change »). C’est assez surprenant au début, surtout que je n’ai pas du tout ce sentiment sur L’Amour Au Temps de La Peste. Est-ce que pour vous il reste une lueur d’espoir dans la société actuelle ?

Aurel : Il faut garder une lueur d’espoir malgré tout, sinon à quoi bon faire ce que l’on fait. Sans un minimum d’espoir on serait juste une bande de crasseux plaintifs qui passe son temps à remplir du vide avec rien au lieu de se suicider. On est déjà suffisamment nihiliste et misanthrope comme ça ! En plus de ça, la vie sait nous donner des petits moments de grâce qui font qu’on garde espoir et qu’on arrive encore à se lever et faire autre chose que bosser, aller en courses et recommencer.

Sylvain : Le défaitisme ambiant auquel tu fais allusion, je l'apparente à du cynisme. La musique a le pouvoir de transformer des expressions négatives ou de l'agressivité en énergie positive. J'ai le sentiment que ça prend tout son sens en live. J'associe ce défaitisme à une remise en question perpétuelle qui peine à porter ses fruits. Heureusement, des lueurs d'espoir brillent dans toute sorte d'élans de solidarité et dans toute sorte d'alternatives aux chemins tout tracés par le capitalisme et les rapports de domination qui le caractérisent. Avec Potence, on est bien souvent témoins de ce genre d'initiatives à travers la scène punk DIY internationale par exemple. L'espoir est aussi entretenu de milliers de façons au-delà de ce microcosme par des initiatives individuelles qui se rejoignent en créant un certain autre champ des possibles plus humain. C'est certain, l'économie de marché continue à presser les ressources terrestres comme un citron au nom du saint profit, en laissant sur la touche la majorité de la population mondiale et en n'accordant pas le moindre crédit à des solutions écologiques qui pourraient limiter la casse sous prétexte de non-rentabilité ou de renversement du (dés)ordre établi...

J’ai l’impression que vous tentez quelques nouveautés sonores pour Potence sur ce nouvel album, avec des sonorités qui n’étaient pas présentes sur l’album précédent, et il m’évoque un peu Vlaar ou les Espagnols de Tenue. Est-ce que la composition des deux albums était différente ?

Anto : Entre le premier album et celui-ci, Henri nous a rejoint à la guitare. L'ajout d'un deuxième guitariste, ainsi que d'un cinquième avis a forcément altéré les méthodes de composition. Cela nous a permis de tenter de nouvelles choses qu'on pourra assumer en concert sans devoir se prendre la tête. Après, je pense qu'il y'a malgré tout une certaine continuité entre les deux albums puisqu'il n'y a pas eu de "pause" de composition. On est tout le temps en train d'écrire des morceaux pour gagner du temps, puisque nous sommes éparpillés entre Strasbourg et Besançon. C'est toujours mieux de se pointer dans un local de répète et d'avoir de la matière pour avancer et composer.

Sylvain : C'est marrant que tu fasses la comparaison avec Vlaar. Je suis guitariste chanteur dans ce groupe également. Mais je ne vois pas vraiment de lien fort entre les compos des deux. Steph, le guitariste de Vlaar a enregistré les deux groupes, peut être que ça a créé des similitudes de sonorités. Avec Vlaar on a une grande nostalgie pour toute la vague crust D beat mélo du début des années 2000. Avec Steph et Max de Vlaar, je faisais Human Compost, on avait ces mêmes influences-là et on y rajoutait une bonne touche de metal. Vlaar tricote des arpèges sur un d-beat des familles de façon assez classique. Avec Potence, j'ai le sentiment qu'on essaie de fouiller ailleurs, dans des retranchements post-hardcore / screamo, des ambiances inédites pour moi jusqu'alors. En tout cas je suis aussi ravi de jouer dans l'un ou dans l'autre.

L’interlude « A bientôt, j’espère » m’évoque un titre de Microfilm, « Devant nous, rien ». On y retrouve ce même propos sur cette notion de classe. Comment est venue l’idée de ce titre ?

Anto : L'interlude est un extrait d'un documentaire de Chris Marker qui s'appelle "A bientôt, j'espère" et qui date de 1967. Il parle des grèves de la Rhodiacéta qui ont eu lieu à Besançon en Mars 1967. C'est pendant la réalisation de ce documentaire qu'ont été fondés les groupes Medvedkine sur Sochaux et Besançon, où une culture de la lutte sociale/des classes a émergé pendant un temps.
On a enregistré l'album un peu avant le printemps 2018. C'est un petit peu notre manière à nous de fêter les 50 ans de Mai 68. Tout le monde en faisait tout un foin l'année dernière... C'est assez marrant que le morceau qui suive s'appelle "Rien Ne Change", non?

Concernant les textes, est-ce toi Aurélien qui écrit tout ? J’ai en effet le sentiment d’une vraie continuité avec Daitro, pourtant est-ce que ton approche de l’écriture a évolué ?

Aurel : C’est moi qui écrit tout dans Potence, mais c’est plus par habitude ou par convention que par choix.
Je ne suis pas surpris que l’on puisse y voir une certaine continuité, surtout sur le premier disque, dans le sens où j’ai joué un petit peu la dessus. Entre Daïtro et Potence, je n’ai quasiment pas fait de musique, ni écrit de textes. Par conséquent je me suis retrouvé un peu à écrire la suite de ce que je faisais avec daïtro mais tout en gardant à l’esprit que je devais faire les choses différemment et être plus direct. Certains thèmes que j’avais évoqué à l’époque de « Y » se retrouvent un peu dans « l’amour au temps de la peste » et en particulier l’aspect folklorique et condescendant que peut parfois revêtir la scène punkhxc pour les nouveaux et les nouvelles venues dans ce milieu. J’imagine que de toute façon, je dois avoir un style d’écriture propre et que même si je force ma nature pour faire différemment, je ne pourrais pas échapper aux mécanismes linguistiques qui nichent au fond de mon inconscient.

Est-ce que « Nuit et Brouillard et Nuit » est une référence à « Nuit et Brouillard », le documentaire d’Alain Resnais ?

Aurel : Tout à fait. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, c’est un film qui traite de la déportation et des camps d’extermination nazis pendant la seconde guerre mondiale.
La répétition partielle du titre est là pour montrer que la voie qui se trace en Europe et dans le monde entier, c’est la répétition des erreurs du passé. Nous ne sommes pas encore arrivés à la déportation ni à l’élimination d’une population mais le chemin semble se dessiner de plus en plus clairement.

Je vous avais vu lors de votre date au Mans avec Nine Eleven fin Décembre dans le cadre de la tournée « Making Money For Revolution » et le concert était assez fou. Est-ce qu’il y a des groupes dont vous vous sentez proches humainement mais aussi idéologiquement ?


Aurel : Oui, évidemment et Nine Eleven fait partie de ces groupes. Mais il y en a beaucoup d’autres. Il y a tous nos amis proches de VlaarWhoresnation, Géraniüm, Jeanne… On entretient de bonnes relations avec les gens de Gattaca et toute la clique de music for liberation. Plus près de chez nous, j’avoue que ce que font les gens de Chaviré, dans la musique et à coté ne me laisse pas indifférent (doux euphémisme).

Sylvain : La liste des groupes dont nous nous sentons proches peut être assez longue, et ce genre de rencontres ne fait que croître avec les années. Ces liens qui se tissent vont souvent au-delà du phénomène de groupes qui sympathisent. Je pense aux personnes qui acceptent d'organiser nos concerts chez eux, qui nous accueillent à bras ouverts et au pied levé, qui nous permettent de faire voyager notre passion et de concrétiser des moments de partages. De forts liens peuvent se tisser avec ces personnes, qu'elles jouent dans un groupe ou non. Humainement et idéologiquement on se sent proche de tout notre terrain de jeu que sont les squats, les espaces autogérés, les hausprojekts, les jugenhausen et toute orga DIY qui nous soutient à sa façon.

Quelles sont les oeuvres littéraires ou cinématographique qui ont, pour vous, une influence sur ce que vous composez avec Potence ?

Aurel : Tout ce que je vois, ce que je lis, ce que j’entends à la radio a une influence sur ce que j’écris après dans le groupe. J’ai toujours fonctionné de la sorte depuis toujours. D’ailleurs je suis incapable d’écrire quoi que ce soit sans me baser préalablement sur une référence quelconque. Ça peut être un livre, un article dans un journal, une interview à la radio, une publicité dans la rue, quelque chose que ma compagne me dira. Si je n’ai pas une ancre ou une bouée ( selon le point de vue ) je suis perdu.

Sylvain : Au départ, je ne pense pas que la composition des parties instrumentales ne soit directement motivée par des influences autres que musicales. Souvent, lorsqu'on fait tourner un riff pour la première fois, on essaie de suivre nos instincts musicaux qu'on sait bien influencés par ce qu'on aime écouter sur le moment. Ce n'est qu'une fois le morceau instrumental terminé qu'Aurel tente son chant dessus, parfois en partant de mots déjà écrits dans son carnet de textes, d'autrefois en écrivant sur l'instant.

Comment s’est passé le choix des différents labels qui ont contribué à la sortie de votre album ?

Aurel : Contrairement à l'artwork, on voulait garder de la constance cette fois-ci; Malheureusement, certains labels avaient d'autres projets en cours à financer et ne pouvaient pas nous aider sur ce coup là alors on a du chercher ailleurs. Ça reste toujours dans une sphère de gens que l'ont connait de très près ou d'un peu plus loin.

Sylvain : Effectivement ça aurait été trop facile de se voir obtenir les mêmes participations que ceux du premier LP. Certains labels ont néanmoins renouvelé leur soutien, et d'autres ont répondu favorablement à notre requête. J'aime l'idée des co-prod', grâce à elles tu peux voir tes disques distribués instantanément à leur sortie dans des zones plus étendues. A moins qu'un seul et unique label ne sorte ton disque et ne s'occupe activement de le distribuer, il a souvent été plus simple, pour les groupes me concernant en tout cas, de solliciter des initiatives plus modestes s'imbriquant les unes dans les autres pour qu'un projet se concrétise. Autrement dit, Do It Together, quoi. En tout cas on souhaitait pouvoir partir avec nos nouveaux disques sur notre tournée avec Jeanne et ça n'a pu se réaliser que grâce à cette accumulation de collaborations. Et on est très content que ça eut été possible, juste à temps. Les disques sont arrivés un jour après qu'on ait terminé de sérigraphier les pochettes et de les plier.

Question basique, mais qu’est ce que vous écoutez en ce moment ?

Anto : Not On Tour - Growing Pains / Impulso - Constante Ossessione / Deep Purple - Live in Japan / Baptists - Beacon Of Faith / Leechfeast - Village Creep / Sepulcher - Panoptic Horror

Sylvain : Outch... dur dur. Trop de trucs... en ce moment je me gave de CaseyAll Out War (toujours), Converge (toujours aussi), Brutus et Halläs.

Une dernière question, si vous deviez vous tatouer un symbole en lien avec Potence, qu’est ce que ce serait ?

Aurel : C’est déjà fait. Henri, Nico et moi nous sommes fait tatouer un des oiseaux que l’on voit sur la pochette de la demo. Des oiseaux qui survolent une ville en flammes.

Anto : Une guillotine sur un vélo haha! Non, en vrai je me suis fait tatouer la tête de mort de la dame du premier album! 😉
Merci à toi pour ces questions ! À bientôt on espère!

Euka (Juin 2019)

Un grand merci à Anto !

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