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Ingrina Par mail
Alors que sort Etter Lys, le nouvel album, nous avons pu échanger avec les membres du groupe pour en savoir un peu plus et comprendre ce qui se cache derrière cet opus.
Hello Ingrina. Pour les curieux, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? D’ailleurs, que signifie « Ingrina » ?
Nico : Ingrina c'est une sensation unique de solitude et d'emphase avec l'océan, avec la terre et tout ce qui tremble et qui s'effondre. Une sensation qui n'arrive qu'une fois dans la vie et qu'on cherche ensuite tout du long. Une sensation qui est si loin, si irréelle et si puissante qu'on se demande à la fin si ce n'était pas un rêve.
Anto : En tout cas rien à voir avec un prétendu spot de surf au Portugal.
Nico : Non rien à voir.
Qui a réalisé l’artwork de Etter Lys ? Il y a un côté « gravure » dans le design qui fait penser à d’anciens dessins. Est-ce le même artiste que sur l’éponyme ?
Nico : Sur Etter Lys c'est Mamie Loup qui a fait les dessins de base, et selon les supports, l'agencement provient d'elle, de nous, ou en collab avec les labels (comme sur la k7, avec Ideal Crash)
Oui, elle a fait un travail d'orfèvre proche de la gravure, dans le sens où elle a dessiné en miniature des traits très fins et précis, tout en tenant compte de la nouvelle qu'on a écrite et qui tisse la trame narrative d'Etter Lys. Sur l'EP-St, c'est Tony, un ami de Limoges qui s'est chargé du dessin, il a une obsession avec les formes géométriques répétitives dans les corps d'animaux !
Qu’est ce qui vous a influencé sur Etter Lys ? Je trouve un côté un peu Post-Hardcore sur certains titres comme « Fluent », j’ai trouvé quelques riffs à la Breach par exemple.
Anto : On a composé Fluent, et d’autres morceaux pendant l’hiver, avec les doigts gelés, entourés par la nuit, les bois et les cris de chouettes. C’est surement cela qui nous rapproche de Breach, puisqu’il viennent de Luleå, petite ville portuaire située au nord de la Suède où il ne fait jour qu’une poignée d'heures en hiver...
Nico : Il est très probable que 2 ou 3 d'entre nous aient écouté Breach effectivement. Mais tellement d'autres choses aussi et il y a tellement d'écarts entre les influences des uns et des autres, qu'il est difficile de savoir ce qui s'est vraiment joué pendant la compo d'Etter Lys. C'est peut-être un peu naïf, mais je crois que ces compos sont davantage le reflet de ce que l'on vit, de l'humidité du local et des arbres autour, de notre rapport pas toujours très facile au monde, de nos petites mélancolies chroniques... Comme on écoute autant d'electro, de punk rock que de chanson française, le plus sage c'est de dire que notre musique vient des flots dans lesquels on est submergés sans trop de prise. D'ailleurs c'est précisément ça le thème d'Etter Lys.
Flo : Effectivement c’est assez inconscient, ça doit faire penser à pleins de choses aux gens, mais on y réfléchit pas du tout dans ce sens. Alors oui, il doit bien y avoir quelques traces de Breach et tout ce qui a pu se graver dans notre mémoire collective après des centaines d’heures d’écoutes en tout genre ! Du Cure, du Young Widows, du Cult Of etc…
Adri : Je trouve que l'adjectif hardcore est une étiquette un peu mal cousue bien qu'il soit totalement d'usage dans ce genre de musique et dans les réseaux dans lesquels on joue. Mais dans les phases de compositions, entre nous on parle plutôt de chaos, de transe, d'Afrique, d'oiseaux qui brûlent. Je pense qu'on ne fait pas d'effort pour respecter un style mais qu'on cherche des endroit qui nous font avoir des tremblements, des déséquilibres, des cris, des soubresauts. Et puis c'est plus beau post-oiseaux-qui-brûlent comme style, non ?
Est-ce que vous avez déjà eu quelques retours sur votre premier album par les proches ou quelques personnes ayant pu écouter le disque ?
Nico : oui on a plutôt des retours chaleureux dans l'ensemble. Bon, les gens nous disent que ca leur fait siffler les oreilles pendant 3 jours après l’avoir écouté, on s'est dit que c'était plutôt bon signe, mais on devrait peut-être pas ! Puis une partie des chansons d'Etter Lys sont jouées en live depuis 2016, donc pour ceux qui nous connaissent bien, l'album n'est pas complètement une surprise. Juste une occasion de plus d'aller chez l'ORL.
Anto : Les retours sont bons pour l’instant, mais c’est assez décevant que personne ne se soit encore tatouer les paroles sur un coude.
Flo : Mais moi j’ai la pochette de tatouée dans le dos, ça compte non?
Year Of No Light a sorti une BO de Film. J’ai l’impression que le Post-Rock est un style qui se prête très facilement à ce type de projets. Est-ce que c’est quelque chose qui vous tenterait ?
Nico : Effectivement, il y a dans cette veine là une facilité à imager le son, à faire apparaître des paysages, des horizons, des reliefs, juste en appuyant sur une pédale de reverb. Donc oui notre musique se prête certainement bien au cinéma, même si c'est pas évident de faire quelque chose qui sorte des sentiers battus. C'est pour cela qu'on a eu l'idée d'utiliser les films d'un ami réalisateur (Antoine Parouty, avec Woods and Waters notamment), pour composer un concert un peu spécial sur ses images. Le temps nous manque, mais c'est dans les tuyaux. Ce qu'ont achevé Year Of No Light, sur Vampyr notamment, est excellent. Après on a cette tare congénitale (ou plutôt ce réflexe de pauvre!) de chercher à fabriquer les choses de A à Z, donc avec Antoine, on participe aux tournages, on pense ensemble la forme de la collaboration... Bref, on n'est pas sorti des ronces.
Anto : Et les ronces sont plus confortables par chez nous.
Vous avez deux batteurs au sein du combo. Comment se passe la composition en intégrant cet instrument ?
Nico : Vu qu'on est 6, y'a des chances que tout le monde ne soit pas disponible en même temps dans les périodes de composition. Donc les morceaux commencent plutôt à 3 ou 4. L'élan de base du morceau est souvent donné qu'avec l'un ou l'autre des batteurs, et la deuxième batterie s'installe au fur et à mesure, en même temps que tout le reste. Il nous faut énormément de temps pour que la chair du morceau se fixe sur l'ossature, qui elle, est toujours instable et changeante. On essaye d'être souples et de ne pas toujours attendre d'être au complet pour donner corps aux morceaux. Au delà du nombre, jouer à deux batteries c'est vraiment particulier. C'est toute une culture à apprendre, pas mal de retenue, de nouveaux agencements à trouver. On a dû lâcher une bonne part de nos habitudes pour laisser venir une forme qui nous convienne et des manières de composer dans lesquelles on se retrouve. Et de ce côté là, y'a encore énormément de boulot, même si avec le temps ça va mieux. C'est pas très punk quoi, pas très spontané. Mais quand ca fonctionne c'est magique.
Quels sont les thèmes abordés dans Etter Lys ? J’avoue ne pas avoir trouvé les paroles.
Nico : c'est normal que tu n'aies pas trouvé les textes, ils sont cachés ! Etter Lys est une courte nouvelle dont on a extrait les paroles que l’on chante. C’est un récit métaphorique qui parle de la libération de masses d'eaux colossales qui inondent le monde des vivants, pour le dissoudre dans la crue. Ca raconte un effondrement général et une liquidation de tous nos repères, de toutes les prises solides auxquelles on croyait et on s'agrippait dur comme fer. C'est le récit d'une errance, d'une dérive, d'un abdication massive, cadencées par des flots imprévisibles d'un mouvement qui nous dépasse. Ca parle d'un monde où les schémas raisonnables connus jusqu'alors sont obsolètes. Ca décrit le plaisir mélancolique qui se joue dans cette nouvelle liberté aussi totale que fragile, aussi insaisissable que merveilleuse.
Vous partez en tournée d’ici peu (et avec des groupes de styles différents). Est-ce que vous allez jouer uniquement le nouvel album ?
Nico : Non pas uniquement, on va jouer les morceaux composés le plus récemment, donc le set comprendra des titres du premier EP-ST (qui en partie a été composé après Etter Lys, même s’il est sorti beaucoup plus tôt), les morceaux les plus jeunes de l'album, mais aussi un titre composé exprès pour la version Japonaise d'Etter Lys. Histoire de partir qu'avec les sons les plus frais.
Votre album sort sur pas mal de labels, dont un label japonais. Est-ce qu’une tournée est prévue également là bas ? Comment s’est fait le contact ?
Anto : C’est l’idée ! On a monté ce groupe pour pouvoir traverser nos frontières aussi souvent que possible, et le Japon fait parti de nos plans futurs. On est d’ailleurs ravi de sortir le disque là bas. On connaissait déjà Tokyo Jupiter Records par ces nombreuses sorties (Rosetta, Caspian, etc..), le contact s’est fait à distance, mais tout fut naturel et simple comme si on se connaissait depuis longtemps. On a hâte d’aller là bas !
Avez-vous d’autres projets en dehors d’Ingrina ?
Anto : On a de nombreux autres projets musicaux, mais surtout des projets au quotidien d’ écriture, de constructions, d’autonomisation, de collectivisation. La musique c’est une grosse tranche de nos vies, mais on s'attelle aussi à ne pas en rester là.
J’ai personnellement une grosse préférence pour « Leeways », comment s’est passée l’écriture de ce titre ?
Anto : C’est parti de quelques notes de guitares, et de l’intention de faire un truc puissant et dynamique. Alors on a tous enclenchés les pédales de fuzz, et les batteurs ont tapés le plus fort possible. Mais la suite nous dépasse un peu.
Nico : Sur Etter Lys, une bonne partie des plans de guitares a été composée au moment du record. C’est d’autant plus vrai pour Leeway, qui a mis du temps à se révéler au fil de l’enregistrement. Il y a derrière ce morceau des centaines de riffs qu’on a faits, défaits, refaits au moment du record. On aurait à le réenregistrer demain, il sortirait encore d’une autre manière. L’instabilité mélodique n’a pas de limite...
Je vous laisse le dernier mot.
Anto : Nique la police, achète des disques
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