Ian Hill, bassiste de Judas Priest (par téléphone, 2018)

Qu'écrire sur Judas Priest qui n'aurait pas été déjà dit, répété, voire rabâché ? C'est tout simplement un des groupes les plus importants de l'histoire du Metal, ils ont donné ses lettres de noblesse au genre, redéfinissant ses canons avec des albums comme British SteelDefenders of the Faith ou Painkiller. Au cours de cette carrière débutée en 1970, pendant laquelle le groupe a connu maintes mutations, une chose n'a jamais bougé : Ian Hill au poste de bassiste. Nous nous sommes entretenus avec lui pour évoquer la genèse de leur dernier album Firepower, et connaître son ressenti sur cette longue aventure démarrée il y a presque un demi-siècle.



Firepower est le deuxième album de Judas Priest sans K.K Downing. Son remplaçant Richie Faulkner a participé à la composition de Redeemer of Souls, et c'est toujours le cas pour le nouveau. Peux-tu décrire votre processus de composition avec Richie ?

Eh bien, on fonctionne à peu près de la même manière qu'avec K.K. Chacun travaille de son côté dans un premier temps, pour enregistrer des riffs, séquences ou idées, ce genre de choses. Ensuite, on se réunit pour sélectionner et assembler ces idées en chansons cohérentes. Evidemment, Rob est impliqué dans ce processus, il aura des idées de paroles. Une fois qu'il y a une mouture de chanson, Scott et moi élaborons nos parties de basse/batterie. Et ensuite, il a une évolution pas à pas, avec des changements dans les chansons ça et là, certaines idées vont être écartées et lorsque nous sommes en studio, nous avons une idée assez claire de ce que les chansons vont être. Ca permet de rester moins longtemps en studio, ce qui est important. Ensuite, c'est l'enregistrement ! 

Est-ce que Richie a la même vision que Glenn, Rob et toi de la musique de Judas Priest, en dépit du fait qu'il soit nettement plus jeune ?

Oui, c'est le cas. Richie, avant de rejoindre le groupe, il écoutait beaucoup de Metal classique comme nous, Iron Maiden, AC/DCDef Leppard... Il a toujours eu plus d'intérêt pour ça que pour la nouvelle génération comme le Grunge ou le Speed Metal. Richie avait la bonne mentalité dès le départ, tu vois ce que je veux dire ? Et c'est une des raisons pourquoi il s'intègre bien au groupe. En très peu de temps, on a eu l'impression qu'il était avec nous depuis un long moment. Je crois qu'un autre aspect bénéfique a été de commencer avec une tournée, avant de faire Redeemer of Souls. Et il n'y a rien de mieux qu'une tournée pour faire connaissance avec quelqu'un, puisque tu es avec lui 24 heures sur 24. A la fin de la tournée, ce n'était plus juste un excellent musicien, mais également un ami proche. Nous avons fait d'excellents concerts. Et il est également devenu très proche avec Glenn, ce qui a probablement rendu les choses plus faciles pour lui pour faire des suggestions et incorporer ses idées de compositions. Et ça a mûri comme de cette façon. Maintenant il fait partie de la famille, il est très apprécié et c'est un grand artiste. 

Qu'est-ce qui vous a décidé à retravailler avec Tom Allen cette fois ? Le dernier album de Priest qu'il a produit était Ram It Down, qui est sorti il y a maintenant 30 ans !

C'est vrai ! Tom a travaillé avec nous en tant qu'ingé-son sur quelques concerts. Il a aussi fait des remastering de certains des albums qu'il avait fait avec nous. Nous essayons d'aller de l'avant avec chaque nouvel album, ce qui n'est pas facile après un effort comme Redeemer of Souls. Donc nous avons décidé d'essayer de travailler avec un producteur et évidemment, chaque fois qu'on parle de producteur de Judas Priest, le nom de Tom Allen est mentionné dans la même phrase. Nous avons donc approché Tom qui avait très envie de travailler à nouveau avec le groupe en studio, mais nous l'avons fait avec une nouvelle approche. Tom connaît parfaitement le groupe, compte tenu de ses nombreuses collaborations avec nous. Mais nous voulions aussi quelqu'un qui ait une bonne connaissance des aspects plus modernes du Metal, et c'est là qu'Andy Sneap est entré en scène. Nous lui avons proposé de travailler avec Tom, et étant un grand fan du groupe en plus d'avoir beaucoup de respect pour Tom, il a sauté sur l'occasion. Il y a très vite eu une entente d'enfer entre eux. Ils ont soutenu leurs idées respectives, ils ont écouté les nôtres : accentuer un peu, élaguer un peu, faire quelques changements. Je dois aussi dire que l'album sonne terriblement bien, la production est excellent. C'est presque un rêve ! 



Comme tu l'as dis, Tom a travaillé sur des albums qui sont aujourd'hui  considérés comme des classiques pour définir le son de Judas Priest. Etait-ce une volonté de votre part de retourner à l'esprit musical de ces albums ?

Nous ne voulions pas changer drastiquement, nous voulions nous améliorer. L'objectif n'était de gagner en reconnaissance, comme ça a presque été le cas avec Turbo. Nous recherchions quelqu'un qui connaisse le son de Judas Priest, et personne ne nous connaît mieux que Tom. Il a gardé cet aspect en tête pendant tout le processus. Mais ça n'était pas très différent avec Andy, il sait comment on doit sonner. Non, ce n'était un regard en arrière vers les 80s, mais plutôt une volonté de conserver notre identité. 


Après toutes ces années, quel est ton regard sur la période Tim Owens ? Ces albums sont assez différents du reste de votre discographie et continuent de faire débat parmis vos fans. Aujourd'hui, on a l'impression que ces albums sont désavoués par le groupe, qu'en penses-tu ?

Oui, c'était beaucoup plus agressif, n'est-ce pas ? C'est la direction que nous avions pris à l'époque. Le dernier album que Tom a fait est Ram it Down, et Chris Tsangarides, Dieu le bénisse, a fait Painkiller. Nous avons fait appel à lui parce que nous voulions quelque chose de puis plus puissant, plus dur, et il s'y connaissait plus que Tom. Chris faisait ce qu'Andy Sneap fait maintenant : travailler avec la nouvelle génération de groupes plus extrêmes, et c'est ce que nous voulions.  Ensuite, nous avons fait une pause, Rob a voulu faire son propre projet et Glenn a sorti son album solo. Et quand nous sommes retournés en studio avec Tim Owens, nous voulions aller encore plus loin, avec Painkiller en point de départ, ce qui a abouti à Jugulator, un album plus dur, plus rapide, plus rugueux. Je pense que c'est un album que nous aurions fait même si Rob était resté dans le groupe, nous serions allés dans la même direction. Evidemment, Demolition vient après ça, et est un cran en dessous en terme d'agressivité. Quand Rob est revenu dans le groupe en 2004, nous avons repris Painkiller comme point de départ. Mais nous n'avons pas fait un écart aussi grand que sur Jugulator avec Angel of Retribution. C'était un pas de plus vers une orientation plus classique. Mais concernant la période Owens, c'était vraiment un mouvement naturel depuis Painkiller, c'était spontané. Il n'y a rien de décevant là-dessus de ce point de vue. C'est vraiment où nous devions être à cette époque. 

Je sais que c'est une question très difficile, mais si je te demandais de choisir les albums que tu considères comme les plus aboutis musicalement, lesquels choisirais-tu et pourquoi ?

Hum... Je crois que Rocka Rolla garde un intérêt aujourd'hui, on y trouve déjà tous les éléments du metal "classique". Il y a un peu de tout là-dedans et nous  y avons trouvé notre image.  C'est un album qui a gagné de la reconnaissance. Le suivant est probablement Screaming for Vengeance, suivi de Defender of The Faith, qui est l'aboutissement de la progression démarrée depuis British Steel. Ensuite, je dirais probablement Angel of Retribution, quand Rob est revenu dans le groupe, je pense que c'est une étape importante. Et je dois citer Nostradamus, qui restera un album à part dans notre discographie. Faire ce genre d'album demande énormément de travail, ce qui rend la tâche difficile pour en faire deux. C'est probablement la meilleure chose qu'on ait jamais fait, avec les différentes parties, l'orchestration, les choeurs et que sais-je encore. Mais à moins d'avoir trois ou quatre ans devant toi pour le faire, c'est compliqué. De fait, nous n'avons pas vraiment ces trois ou quatre ans pour nous y consacrer, n'est-ce pas ? D'où le retour à des albums classiques de Judas Priest ! [rires]



Qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Comme toujours, surtout du Blues Rock. Quand je me suis mis à écouter de la musique à la première moitié des années 60, le Metal n'existait pas. Cream est mon groupe préféré et Jack Bruce reste mon bassiste favori. Il n'est malheureusement plus de ce monde. Je donnerais tout pour pouvoir jouer avec eux ! [Rires] Il y avait aussi tous ces groupes tirant leur inspiration du Blues comme Fleetwood MacFree ou même Jethro Tull : à leurs débuts, c'était vraiment un groupe génial. Ils ont ensuite changé d'orientation pour quelque chose d'un peu plus Folk, ce n'était pas la direction dans laquelle je voulais qu'ils aillent. Beaucoup de gens me demandent ce que j'écoute, et en réalité, il n'y a pas vraiment autre chose. Je me passe des trucs que j'écoutais déjà il y a 50 ans ! [Rires] Evidemment, il y a aussi le grand Jimi HendrixGrateful Dead, tous ces groupes de Blues Rock, je les adore toujours !

La scène actuelle ne t'intéresse pas ? 

De fait, je ne connais pas énormément de groupes récents. On en voit pas mal en tournée et on les oublie après coup. Pour ce qui est des groupes récents, ça se limite à ce qui passe quand j'écoute les radios Rock et ceux qu'on croise quand on joue en festival. Mais ça serait un peu malhonnête de ma part de t'en nommer, parce que je ne m'y connais pas vraiment.

Qu'est-ce qui te plaît le plus dans tout ce qu'implique le fait de jouer dans Judas Priest aujourd'hui ? Est-ce que ça a changé par rapport à ton début de carrière ? 

Pour moi, c'est toujours aussi frais et j'y prends autant de plaisir même aujourd'hui. C'est plus facile maintenant, évidemment. Nous sommes plus connus, ce qui nous permet d'être moins sous pression. Nous n'avons plus de date limite imposée par les labels pour sortir nos albums, donc c'est beaucoup moins tendu en studio. Globalement, j'adore toujours ce métier, et je me sens immensément privilégié d'avoir pu le faire depuis tant d'années. J'ai été à des endroits et vu des choses que je n'aurais jamais pu voir si j'avais fait autre chose. J'adore ça, et je ne vois rien qui pourrait changer cela !

Quels sont vos plans après la sortie de l'album ? Allez-vous beaucoup tourner ?

Les répétitions commencent dans deux semaines, je travaille là-dessus en ce moment, je passe en revue les chansons qu'on pourrait jouer, en essayant d'intégrer les nouveaux morceaux tout en gardant un maximum parmi celles que les fans préfèrent ! [Rires] La tournée commence aux USA en mars et nous y resterons jusqu'en mai. Il y aura ensuite la tournée européenne de juin à août, puis l'amérique du sud et le Japon jusqu'à la fin de l'année. Ensuite, nous recommencerons en essayant d'aller là où nous n'avons pas déjà joué. Quand tu joues en festival, particulièrement en Europe, il y a souvent un contrat qui t'interdit de jouer pendant une période sur une certaine zone géographique. De ce fait, tu est parfois obliger de ne pas faire de concerts là où tu aimerais en faire. Ensuite, on verra, rien n'est prévu à ce stade !

Metalorgie Team (Avril 2018)

Merci à Gabriel Redon pour le coup de pouce !

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