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Interview de Alexis, chanteur de Harm Done Par mail
Harm Done partira bientôt en tournée avec Sex Prisoner à travers toute l'Europe, histoire de vous montrer que le Powerviolence n'est pas morte depuis la fin des années 90. On vous conseille d'ailleurs de rejoindre l'event FB qui regroupe toutes les dates pour vous tenir informer et voir s'ils ne passent pas près de chez vous. L'occasion était trop belle pour ne pas poser des questions à Alexis, chanteur de Harm Done (FB), patron du label Straight And Alert (site internet), ancien hurleur de Raw Justice, fan devant l'éternel de Youth Of Today et lui parler de cette tournée, du futur du label, du groupe, de crowd killing et de Justice Tripp (Trapped Under Ice, Angel Dust).

Salut Alexis et merci de nous accorder un peu de temps. On va commencer tout d'abord par te poser une petite question, alors c'était comment le Hellfest ?
Salut Rémy. Le Hellfest c’était plutôt cool et bien que j’étais très limité dans mes mouvements à cause d’une blessure au genou un peu fraîche, l’expérience était vraiment appréciable. Sur scène on avait jamais eu un aussi gros son et c’est plutôt agréable de sentir que ça pousse. J’ai ouïe dire que le son était bon en façade également donc tout va bien. Les plus téméraires qui se sont levés pour nous voir un dimanche matin ont l’air d’avoir kiffé également.
Comment tu as réussi à motiver les mecs de Sex Prisoner à monter cette tournée ? C’est assez simple en fait. Après avoir pris une méchante claque en écoutant leur dernier LP je leur ai juste envoyé un mail de type « Salut, j’ai un groupe, vous êtes notre première influence, ça vous dit de venir tourner en Europe, je m’occupe de tout ? ». Ce à quoi ils ont dû répondre un truc du genre « Fuck yeah, let’s do this ». C’est un des aspects que j’apprécie le plus avec la scène Hardcore Punk, tout est assez simple dans le bon sens du terme.
Tu les as déjà vu sur scène? Si oui, on doit s'attendre à quoi ?
Malheureusement non. Je n’ai jamais eu l’occasion d’aller aux Etats-Unis et eux n’ont jamais quitté leur pays. Surprise pour tout le monde, mais à voir les quelques vidéos récentes qui trainent sur le net ça a l’air bien solide.
Si je ne me trompe pas, c'est toi qui organise la tournée, qui cherche des dates, des salles, qui en fait la promo... ça me rappelle un peu ce que Fugazi faisait avant qu'ils ne splittent. C'est une volonté ou un choix qui s'est imposé parce que personne ne voulait faire le boulot ou ne le faisait correctement ?
Ahah la dernière option serait surement celle que mes proches doivent penser que je choisirais. C’est un peu tout ça. Quand tu n’es pas connu, à moins de trouver le bon plan avec un tourneur ou d’avoir les bons potes, il faut se démener pour trouver des orgas si tu veux jouer. Maintenant avec les années à gérer mon label Straight&Alert et à tourner à droite à gauche avec mes groupes où ceux des autres, j’ai accumulé des contacts sérieux et fiables donc c’est forcément plus facile. Cette tournée avec Sex Prisoner était bookée à 80% avant d’être annoncée. Pour la promo, étant donné que j’ai sorti tous nos disques jusqu’à présent, j’assure aussi la promo car c’est le taf d’un label. Donc ce n’est pas de tout repos mais ça permet aussi de tout contrôler !
En parlant de tournées, il me semble que vous avez déjà bien bourlingué, c'est quoi ton souvenir le plus dingue sur la route ?
Ouais après une tournée scandinave en 2015 et un changement de line-up quelque temps après on a pas chômé, puisque l’an dernier on a réalisé quatre tournées européennes et une au Japon. Pour les souvenirs j’en ai deux qui me viennent en tête là : le premier c’est le « onsen » (bain/source d’eau chaude naturelle) dans lequel on s’est baigné au Japon qui n’est autre que celui du Voyage de Chihiro. C’était assez irréel de se retrouver tous les quatre avec notre guide, dans le plus simple appareil et de bon matin, entourés de trois vieux locaux tout aussi dévêtus que nous et ce à l’autre bout du monde. Le deuxième, c’est la route la plus dingue que j’ai jamais prise en tournée. Après une date en Italie on s’est retrouvés à aller dormir dans un sleeping en haut d’une espèce de montagne, avec en guise d’accès une route à lacet interminable et raide comme la justice, le tout longeant le vide et dans le noir. Avec un van pas bien puissant et chargé ras-la-gueule autant te dire que si l’on s’arrêtait dans la pente, on ne repartait pas. Il a donc fallu gravir cette montagne façon Colin Mcrea Rally et je dois avouer que c’est mon expérience de conduite la plus fun depuis que j’ai le permis. On faisait un peu moins les malins le lendemain lorsqu’on est redescendus en pleine journée et qu’on a vu l’état de la route mais c’était marrant.

C'est quoi la salle ou le pays dans lequel tu voudrais le plus aller ?
Ce n’est pas très original mais on aimerait vraiment avoir la chance de tourner aux Etats-Unis. Comme je le disais avant, j’ai beaucoup voyagé en tournée, mais je n’ai jamais eu l’occasion de poser les pieds sur ce sol. Mais c’est dans les tuyaux, on est en train de voir ça pour 2018. J’aimerais vraiment refaire la Scandinavie aussi, les paysages sont tellement calmes et paisibles. Pour la salle j’en sais trop rien comme ça, peut-être l’Underworld à Londres. Cette salle est vraiment mortelle.
Tant qu'on est dans les fantasmes absolus, tu peux nous citer LE groupe, celui pour lequel tu serais prêt à tout rien que pour faire la première partie ?
« Prêt à tout » : aucun groupe. Mais un groupe avec qui j’aimerais vraiment partager la scène ça serait Youth Of Today, qui est un des / mon groupe préféré, mais peu de chance que cela se fasse avec Harm Done étant donné la différence de style. Avec Harm Done j’allais dire Infest mais ça va être chose faite d’ici peu, sinon quand même Nails.
Justice Tripp (chanteur de Trapped Under Ice, entre autre) disait dans une interview qu'il se blessait souvent, que ce soit sur scène ou dans le public, et tu as l'air pas mal parti dans le même sens. Tu veux nous faire un petit listing de tes voyages à l’hôpital ?
Pas tant que ça en fait, j'en ai uniquement deux à mon actif mais ils étaient bien salés. Le premier remonte à juin 2015 au dernier concert de Raw Justice que l’on a dû avorter au bout de 9 minutes (le deuxième dernier show était le 16 septembre à la Scène Michelet de Nantes), après avoir eu la bonne idée de slammer et d’aller un peu trop loin dans le public je suis tombé d’à peu près deux mètres sur l’épaule, ce qui m’a valu un voyage instantané aux urgences. Après un diagnostic de nuit loupé, un mois d’immobilisation et trois mois de kiné inutiles j’ai été voir un chirurgien qui m’a expliqué que le mec aux urgences avait eu tout faux et qu’il aurait fallu opérer direct. Donc greffe de ligament et rééduc, ça m’a pris pas loin de deux ans pour revenir à 100% et là bim, luxation de la rotule pendant un concert de Harm Done en avril dernier. Donc là je suis encore en phase de rééducation, pour le genou désormais, et c’est bel et bien foutu pour faire des cascades sur scène ou remonter sur mon BMX avant un bon moment.
Du coup, après tout ça, tu t'es décidé à lever le pied ou il faut inviter nos potes médecins pour venir te voir, juste au cas où ?
L’épaule ne m’avait pas vraiment calmé car c’était « normal », dans le sens où j’ai joué, j’ai perdu. Là le genou c’est un peu plus flippant car ça m’est arrivé sans rien faire, et c’est dû à une malformation assez commune, mais pour le coup ça me fait flipper de refaire le con sur scène. Donc contraint et forcé oui, j’ai levé le pied depuis avril, mais ça repartira un jour ou l’autre donc il va falloir des urgentistes dans la salle.
Sur scène, tu portes des gants de chantier. Une petite explication sur ce choix ?
Ni plus ni moins un clin d’œil / hommage / appelle ça comme tu veux, aux groupes de New-York des 80’s comme Judge, Project X ou Warzone qui incarnent l’époque que je préfère dans le Hardcore. Raybeez les portaient sûrement pour le côté working class, perso ça je m’en tape. Et pour le côté pratique, j’ai la fâcheuse tendance de coller des coups de points sur la scène ou les retours quand on joue. Ca protège.
On va parler un peu des sujets qui fâchent. Il y a peu, j'ai réalisé un boulot pour la fac qui parlait des femmes aux concerts de Hardcore, en prenant pour point de départ l'incident qui a eu lieu au concert de Code Orange Kids. Toi, comment tu te positionnes par rapport à cette multiplication des violences parfois volontaires qui sont infligées aux femmes, mais aussi à d'autres mecs comme le « crowd kill » ?
C’était quoi déjà ? Le mec qui a spinkické dans la bouche d’une fille non ? Pour ce qui est de la violence volontaire infligée aux femmes dans la scène, en près de 15 ans de concerts je n’ai jamais vu ça, donc je n’ai pas grand-chose à dire là-dessus. En ce qui concerne les crowd killers, je n’y ai jamais été confronté en concert non plus mais ils peuvent bien aller crever.
Tu aurais un message à faire passer aux mecs qui « crowd kill » ou qui s'attaquent à des meufs ?
Achetez-vous un cerveau et une licence dans un club de boxe, tocard(e)s.
On va parler un peu de Straight&Alert, ton label qui est aujourd'hui l'un des plus actifs sur la scène française. Tu peux nous le présenter un peu ?
En effet Straight&Alert occupe le plus clair de mon temps depuis 2009 maintenant. J'ai commencé en tant que petite distro, j’ai rapidement voulu développer le truc car il n’y avait pas vraiment de distro française qui proposait les disques que je cherchais, donc pourquoi ne pas les distribuer moi-même ? La politique je ne sais pas s’il y en a vraiment une, tant qu’un groupe me plait, que je sens que les personnes derrière ont une démarche authentique et sincère ça peut le faire pour bosser avec moi. A l’heure actuelle j’ai 30 prod au compteur avec des groupes Français, Européens et Américains. Au-delà de l’activité de label qui est très chronophage mais de manière épisodique (quand je vais sortir un disque en somme), ce qui me demande beaucoup de temps c’est de gérer la distro / mailorder. Je suis ni plus ni moins un disquaire, très spécialisé (Hardcore / Punk / un peu de Oï!, d’Indie Punk et de Metal), sans la boutique physique mais tout le stock à domicile. Enfin depuis 2017 j’ai commencé à faire du site une sorte de webzine où je poste, avec l’aide de quelques personnes plus ou moins assidues, des interviews, des chroniques, mes démos coup de cœur etc.

Aujourd'hui, Straight&Alert, c'est ton boulot à plein temps ?
Affirmatif, depuis début 2013. C’était un peu galère les deux premières années à plein temps, mais désormais ça roule suffisamment pour payer le loyer, les factures et remplir le frigo.
Pas mal de monde ne se rend pas compte du boulot que ça représente de gérer un label, une distro, un groupe... C'est quoi ta journée type, si elle existe ?
En effet, même si ça va mieux maintenant j’ai toujours un peu l’impression que pas mal de gens ont l’impression que je ne fais presque rien de mes journées. Grosso merdo sur une journée type je me lève entre 7h et 9h, je check mes mails, traite les commandes, fais les factures etc ce qui peut m’amener jusqu’à la fin de matinée selon l’affluence des commandes. Courte pause bouffe et je m’y recolle, souvent plus sur les trucs qui vont concerner le label, le webzine ou le groupe l’aprem, et j’essaye d’arrêter de bosser vers 18-19h. Après il y a forcément des périodes plus ou moins creuses, et aussi des jours où j’ai juste envie de rien faire donc je vais glander, faire du sport, jouer à la console, faire du piano, de la batterie etc et me remettre à bosser à 20h et finir à minuit, ou répondre à des interviews à presque une heure du mat après un concert. Mais clairement gérer le label / la distro et le webzine ça me fait toucher à tout, aussi bien Photoshop pour des mises en forme d’artwork, qu’Excel pour de la compta, un peu de vidéo, et beaucoup de mails. C’est assez polyvalent comme « boulot » ce qui me permet de passer d’une activité à l’autre si l’une me saoule à un instant T.
Sur ton site, tu réalises beaucoup d'interviews, tu mets en avant des groupes, tu parles des démos qui t'ont plu... C'est quoi les groupes que tu nous recommandes de suivre ?
Comme je le disais un peu plus haut j’essaye en effet de tenir à jour le webzine, qui est une sorte de progéniture en ligne et non finie dans le temps du deuxième opus de mon fanzine papier qui ne verra probablement jamais le jour. En ce moment dans mes coups de cœurs il y a Big Chesse qui ont sorti une démo dingue, Rapture qui regroupe quelques membres en commun avec le précédent groupe, Ecostrike qui sont les Earth Crisis actuel et vont devenir un poids lourd du Hardcore edge. Et checkez Rage d’Australie, Hardcore au top façon The Rival Mob / UKHC et Bitter Youth qui font du Youth Crew à la Mindset / True Colors.
Et le futur du label, ça va donner quoi ? Tu as déjà des trucs en route ?
Même si par moment l’idée de tout lâcher et me barrer vivre à l’autre bout du monde me traverse la tête, je vais probablement continuer à sortir des disques, et continuer à étendre la sélection de la distro. Pour les releases à venir, à part les 7’’ de Rage et Bitter Youth qui seront peut-être sortis au moment où tu liras ces lignes, je participe à la coprod d’un split 12'' Harm Done / Sex Prisoner qui sortira aussi sur RSR en europe et les poids lourds du Hardcore de type Powerviolence que sont Deep Six Records (Infest, Weekend Nachos etc) et To Live A Lie. Donc plutôt cool. Autre release que j’attends de pied ferme c’est le LP des parisiens de The Worst Doubt. Celui-là va faire très mal. Leur mix Kickback, Trapped Under Ice, Everybody Get Hurts porté par cinq musiciens hyper talentueux est vraiment dévastateur.
Et Harm Done, un disque en préparation ? Ou vous vous concentrez sur les live pour l'instant ?
J’ai spoilé à la question précédente mais on a enregistré quatre nouveaux morceaux en mai dernier qui seront sur ce split avec Sex Prisoner. Les morceaux sont un peu moins Powerviolence, plus d’influences Thrash Metal sauce Power Trip. Je ne sais pas trop comment le groupe va évoluer étant donné que les situations géographiques des autres membres risquent d’évoluer, et pas dans le bon sens pour l’avancement du groupe. On est déjà passé par un changement de line-up et ça a demandé beaucoup de boulot, surtout pour trouver un batteur ayant un niveau permettant de faire le taf. Mais j’aimerai bien commencer à re-bosser sur des nouveaux morceaux pour sortir un autre EP. Avec la volonté de retourner un peu plus dans des structures plus tordues et speed, plus proche du LP Abuse/Abused.
Tu es originaire de Bretagne, de la région de Nantes (je crois, corrige-moi si c'est faux) et on aurait voulu savoir, vu qu'une bonne partie de l'équipe se situe là-bas, quels sont les lieux que tu fréquentes quand tu veux voir des concerts ?
Oula, attention tu vas t’attirer les foudres des gens de l’Ouest. L’appartenance de Nantes à la Bretagne est un vaste débat, dont personnellement, je me fous royalement. Mais soit, je suis bien du coin. A Nantes l’essentiel des concerts Hardcore / Metal se passent au Ferrailleur qui est un club de 200 places je crois, et la Scène Michelet qui est plus adapté aux concerts Hardcore, avec une jauge un peu moins haute. Une salle qui est vraiment cool aussi, et en place depuis plus de 20 ans je crois, c’est le Mondo Bizarro à Rennes.

Enfin, on va terminer avec une question comme on les aime : c'est quoi le meilleur remède pour survivre à une tournée avec Harm Done ?
Etre armé de patience et de conciliation pour faire face à mon mauvais caractère et mon côté soupe au lait quand tout ne file pas droit comme prévu ? Non en vrai je ne sais pas trop, sûrement un bon second degré car les blagues un peu lourdingues ont tendance à filer à longueur de temps, au-delà de ça c’est chill, les tournées se sont toujours bien passées jusqu’à présent.
On remercie très chaleureusement Alexis pour sa disponibilité. Harm Done passera par l'Europe cet automne, retrouvez l'intégralité des dates juste en dessous : 10/25 - Rouen, FR 10/26 - Kortrijk, BE 10/27 - Krefeld, DE 10/28 - Eindhoven, NL 10/29 - Hamburg, GER 10/30 - Berlin, GER 10/31 - Leipzig, GER 11/01 - Vienna, AUS 11/02 - Padova, IT 11/03 - Zurich, CH 11/04 - Paris, FR
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