Mantar Par email, 2016

La vague Doomesque arrive au terme d’une belle époque. Tandis que Mike IX Williams affiche une petite forme et que les disques d’Electric Wizard seront pour toujours évalués en fonction de « l’échelle de Dopethrone », tout semble annoncer le début d’une fin. Le pape Osbourne arrive lui aussi en bout de cycle et les groupes actuels semblent avoir fait le tour des riffs enfumés. Quel rapport avec Mantar ? Il n’est pas si éloigné que ça puisque le duo allemand formé en 2013 collectionne les étiquettes, ou du moins les tentatives d’étiquetage. Parmi celles-ci se côtoient le Doom, surement pour la lourdeur, le Black Metal, surement pour la voix, le Crust, surement pour les accélérations… Bref, de quoi emmerder comme il se doit les encyclopédistes du Metal. Et pourtant, si Mantar n’ouvre pas de nouvelles portes à des genres bien enracinés, il offre d’intéressantes perspectives.

Déjà tributaire de deux mandales sonores et de prestations live puissantes, le duo guitare/batterie s’affranchit un tant soit peu des classements qui font légion pour proposer une soupe faite maison, où la créativité ne cherche pas à s’affilier aux standards ou autres clichés. Et comme la soupe de nos grands-mères aura toujours plus de goût qu’une briquette aux douze légumes, c’est sans surprise que Mantar ne mis pas longtemps à se faire un nom. Leur premier album, 
Death by Burning, fut bien accueilli et le groupe parti en tournée dans la foulée avant d’enchainer en 2016 avec un deuxième album, Ode To The Flame, qui remporta les mêmes suffrages. Actuellement en pleine pause avant de s’apprêter à reprendre la route en Mars pour une tournée européenne qui accompagne la sortie de leur nouvel EP, Hanno, chanteur/guitariste du groupe, nous en dit un peu plus sur les coulisses de Mantar.

D’où vient le nom du groupe, Mantar ?

Hanno : C'est un mot turc qui signifie champignon ou quelque chose du genre je crois. Ne vous laissez pas berner par le nom, nous ne sommes pas des types très intéressés par la drogue, il n’y a aucune approche "hippie" là-dedans. C’est plutôt parce que ça sonne bien et que ça rend cool comme logo, un peu old school… Et puis je trouve que ce mot a un aspect dur et bestial qui convient bien à notre groupe.  

Tu as un style de jeu singulier, comment as-tu appris à jouer  ?

J’ai écouté de la musique pratiquement toute ma vie et est arrivé le moment où j’ai voulu en jouer moi-même, ce fut aussi simple que cela. J’ai commencé avec une guitare merdique achetée dans un marché aux puces. Je me souviens aussi avoir eu une guitare étant gamin, enfin un jouet… On peut dire que j’avais les bases [rires]. Cependant, j’ai vraiment commencé comme bassiste ce qui a peut-être influencé ma façon de jouer de la guitare : simple et direct. Je pense que j'ai un style assez unique qui se développe quand vous ne vous inquiétez pas des autres musiciens ou que vous ne cherchez pas à être seulement "bons" dans ce que vous faites. Je suis plus pour un style efficace que pour un style virtuose.

A peine quelques mois après votre formation vous enregistrez votre premier album en 2013 et l’année suivante vous prenez la route. Tout s’est mis en place rapidement ?


Nous nous connaissons depuis longtemps et nous avons toujours voulu jouer dans un groupe ensemble. Ce n’était jamais arrivé pour diverses raisons. En 2013 nous avons finalement eu le temps d’en tirer quelque chose et nous avons immédiatement su que ça sonnait bien. Nous avons donc jammé pendant quelques mois puis enregistré tout le matériel que nous avions, ce qui a abouti aux dix morceaux de l’album Death By Burning. Nous l'avons enregistré de manière très simple, presque sans overdubs et gimmicks, juste de la rage à l’état pur. Nous ne croyons pas aux gimmicks de toute manière… La violence sonore est la clé.

Comment as-tu ressenti le succès immédiat de l’album?

Putain j'étais heureux comme pas possible ! D'une part parce que je n'avais jamais connu ça en jouant dans un groupe auparavant et d’autre part car nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là, on s’est donné. Nous avons répété à fond et nous avons toujours essayé, et nous essayerons toujours, d'être le meilleur groupe que nous puissions être à ce moment précis. Bien sûr nous étions flattés par ce succès mais nous savions aussi d'où il venait. Mais nous devons considérer le fait que nous sommes encore un très petit groupe underground. Ce qui est très bien.

A l’écoute Death By Burning me donne l’impression d’un gros jam enregistré brut, sans calcul.

Peut-être parce qu’il a une structure évidente et simple. Nous sommes plus proches d’un groupe de Punk que d’un groupe de Death Metal technico-progressif je ne sais quoi… Tant que nous apprécions cette rage primitive que nous ressentons en jouant notre musique alors nous conserverons cette simplicité. Elle contribue à créer une certaine tension et à gagner en puissance, du moins pour nous.

Peux-tu m’en dire un peu plus sur les paroles de Mantar  ? Les titres des deux albums, Death By Burning et Ode To The Flame, font référence au feu.

C'est assez sombre, en accord avec la musique. Je ne partage pas souvent mes paroles car je ne veux pas que les gens spéculent sur un sens caché ou quoi que ce soit. C'est une chose privée. Je les écris pour moi et pas pour quelqu'un d'autre. Je ne veux pas que les gens agissent selon mes paroles ou qu’elles influencent quelqu'un. Mon message principal est la puissance du son et de la musique. En général, la plupart des chansons sont sur l'effacement de tout type de fléau sur terre et, en effet, de la beauté du feu. Je ne qualifierais pas mes paroles comme étant extrêmes mais plutôt intenses.

En quoi le feu te fascine ?

C'est la force ultime, plus forte que toute autre, et capable de tout remettre à zéro. Comme ces feux naturels de forêts qui sont un aspect important du cercle de la vie : les vieux bois doivent être brûlés afin de faire de l'espace pour de nouvelles espèces.

Vos deux albums sont dans la même continuité. L’enregistrement du deuxième album suivait les mêmes lignes que le premier ?

Nous avons essayé de conserver la simplicité sur les deux albums. Mais bien sûr, nous sommes devenus un "meilleur" groupe après quelques années. Nous avons appris où nous étions bons, que nous devions nous concentrer là-dessus et faire abstraction du reste. Ce fut aussi simple que ça sur le second album, je suppose.

Ils partagent aussi une atmosphère très sombre, destructrice et violente. Pourtant, vous ne semblez pas fermés ou prêt à être catalogués dans un registre. Vous vous voyez expérimenter d’autres voies musicales ?

Le temps nous le dira. Maintenant, la mission de Mantar est assez violente, destructrice, et sombre, mais pas nécessairement de manière négative si cela n’a aucun sens. Nous ne sommes pas des personnes négatives. Nous aimons juste cette rage et ce pouvoir que nous ressentons lorsque nous jouons. La beauté de la destruction m’a toujours fasciné, comme éclater une bouteille de verre sur un mur. Rien de plus beau que de voir tout ce verre exploser dans l'air, si tu vois ce que je veux dire.

Tu viens de la scène Punk, tu y a passé pas mal de temps?


Oui. Tout mon esprit DIY vient de là. Et aussi l'idée de ne pas faire de compromis sauf si je le souhaite. J’y ai aussi appris qu’il était possible de jouer dans des groupes et de cartonner en ayant la bonne attitude. Nul besoin d'être un parfait musicien.

Tu vas toujours à des concerts ?

Aujourd'hui, j'évite toute sorte de scène. Je ne me soucie pas du "nous". Je fais ce que je veux. Je ne vais pas plus à des concerts, je ne lis aucun magazine de musique et je ne m’en soucie pas. Et puis l’idée d’une une soi-disant "scène" représente toujours ce danger de simplement se copier les uns les autres au lieu de penser librement.

J’imagine que tu n’as jamais eu d’idoles.

Et bien pas de vraies idoles, mais évidemment il y a des groupes que j’adorais quand j'étais gamin et qui m'ont donné envie de devenir moi-même musicien. Principalement AC/DC, mais aussi un bon gros paquet de groupes de Punk et de Metal quand j’étais plus jeune. Je sais que des tonnes de musiciens m'ont inspiré mais c'est autre chose... J'aime beaucoup l'art de différents artistes, mais bordel je ne veux pas être comme eux ou même être eux !

En parlant d’AC/DC, tu connais Airbourne ? Ils sont sommairement définis comme les rejetons du groupe d’Angus. Pas grand-chose à voir avec vous dans le registre mais le jeu de scène de Joel O'Keeffe me fait un peu penser au tien.

Je ne suis pas trop familier avec ce groupe car, selon moi, c'est inutile d'être un groupe qui ressemble à un entre-deux et qui n’est jamais aussi bon que son modèle. Si vous n’êtes pas les meilleurs ne formez pas de groupe !

 Et la scène musicale allemande, tu t’y intéresses ?

Non, pas vraiment, mais je peux quand même dire que le courant Krautrock des années 60 et 70 reste très fascinant pour moi. Et j’aime bien le Thrash Metal allemand du début des années 80. De plus, certains très anciens compositeurs classiques allemands m'influencent. Sur scène, tu as une configuration assez particulière, notamment concernant tes amplis. Quand vous jouez seulement à deux vous devez être bruyants, et envoyer du lourd. Pour ça je construis une configuration de jeu qui tue tout. Je dois faire sonner ça comme le ferait un groupe composé de quatre ou cinq personnes. Je me suis rapidement dit que j’avais besoin de bien plus qu’un seul ampli de guitare. Pour ainsi dire, le volume est un troisième membre de Mantar. Alors ouais, j'essaie juste d'être extrême avec mon son… J'aime ce son  ! Pas grand à dire de plus sur l'équipement, vous pouvez obtenir un son qui démonte avec tout type d'équipement si vous avez la bonne attitude et la volonté. Dans la jungle Malaisienne j'ai vu un groupe de Grind jouer avec presque rien. Après ça vous comprenez que l’équipement est seulement aussi fort que la personne qui l'emploie.

Concernant tes guitares tu ne joues que sur LTD  ?

Je reçois gratuitement des guitares de chez ESP / LTD. Les guitares gratuites sont comme des drogues gratuites... Difficile de dire non. Et puis ils sont parmi les seuls à encore fabriquer des guitares baryton bon marché, que vous pouvez accorder très bas. Ce que je fais évidemment.

On vous demande régulièrement si vous jouez du Crust, du Black, du Sludge… Finalement, vous vous en foutez?

C'est exact. Nous ne sommes pas aussi instruits que vous pourriez le penser sur les différents styles de musique, surtout actuels. Je ne sais pas ce qu’est la nouvelle merde à la cool du moment et je ne m’en soucie pas. Nous ne nous sommes jamais réunis en tant que groupe pour jouer un certain genre de musique. Nous voulions juste jouer "heavy". C'est tout ce que je savais à l'époque. Par exemple le Sludge est un terme étrange qui ne signifie vraiment rien pour moi. Cela signifie-t-il que nous jouons lourdement et lentement ? Et bien nous jouons alors trop rapidement de temps en temps ! Aussi, je pense que 99% des groupes qui s‘étiquettent eux-mêmes comme faisant du Sludge sont ennuyeux à mort et se copient les uns les autres. Pour être encore plus précis: comptez la poignée de groupes qui ont inventé ce style ! Peu importe… Je m'en fous.

Vous êtes conscients qu’en étant seulement deux au sein d’un groupe, sans coller aux étiquettes, et en mettant à l’amende pas mal de groupes plus fournis, vous prenez le risque de vous voir constamment poser les mêmes questions par un paquet de journalistes  ?

C'est bien ! Ça prouve que nous ne sommes pas seulement des clones, des copies de copies... Et même si vous n’aimez pas Mantar. Le plus important est que les gens s’y intéressent d’une manière ou d’une autre. C'est une bonne chose, je suppose. Je ne pense pas que notre line-up soit si spécial, ni nos personnalités d’ailleurs.

Vous avez déjà fait sonner vos amplis dans pas mal de pays, notamment en France où j’ai pu vous voir au Hellfest en 2016. Vous repartez en tournée dès Mars prochain. Quel est l’état du groupe de Mantar en ce moment  ?

Détendu. Nous avons tellement joué, tourné dans de nombreux pays, sortis deux disques... Tout cela en seulement deux ou trois ans. Nous étions constamment occupés. Et nous avions vraiment besoin d'une pause. Le problème est que j'ai des difficultés à me détendre… Je suis toujours prêt à quelque chose. Faire des choses, planifier des choses, écrire de nouvelles choses, ... et c'est plutôt ça que nous faisons en ce moment. On prépare une année 2017 bien cool. Nous allons jouer dans des pays où nous n'avons jamais été auparavant, peut-être écrire des nouveaux titres, sortir un nouveau dix titres vers mars, ... Nous n’allons certainement pas nous ennuyer. Je vis maintenant en Floride. C'est agréable d'être loin de la "maison", il est plus facile d’être créatif, du moins pour moi. Erinç, le batteur, est resté en Allemagne.

Comme j’ai décidé de faire un peu mon travail de journaliste je vais aussi vous coller une étiquette sur le dos… Sale et brutal, ça te va ?

Je peux vivre avec ça  ! Le tout est de rester passionné et intense. C'est tout ce que je demande à un groupe... sonnez comme vous voulez que ça sonne !

Nico (Mars 2017)

Un grand merci à Nico pour sa proposition.

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