Julien Bernard (7 Weeks) Hard Rock Café, Paris, le 19 octobre 2016

7 Weeks a sorti en octobre 2016 son quatrième album, A Farewell To Dawn. Un nouveau voyage vers leur univers à part, pour un trip totalement différent par rapport à ce qu'ils avaient pu nous proposer par le passé. Nous avons pu rencontrer Julien Bernard (chant/basse), un des fondateurs du groupe, afin d'en apprendre plus sur cet "adieu à l'aube".

La première date à Strasbourg s'est bien passée ?

Très bien oui, c'était le premier concert de la nouvelle formation du groupe. Bon accueil des nouveaux membres, bon accueil des nouveaux morceaux. On voit comment réagissent les gens, ils sont dans l'écoute, mais dans la bonne écoute, ils sont attentifs, ce sont des morceaux plus travaillés dans le son et dans les textures qu'avant et ça interpelle en concert. Les gens viennent d'abord pour écouter de la musique, après ils viennent aussi pour faire la fête et on a des chansons pour ça. Là, les nouveaux titres, on a senti qu'ils interpelaient à l'écoute et ça c'est cool !

J'imagine que vous devez être impatients de jouer chez vous à Limoges ?

Oui, car on pourra faire tout ce qu'on veut ! Quand on est sur des plateaux avec d'autres groupes et qu'on n'est pas la tête d'affiche, on est obligé d'adapter le set, à Limoges on n'aura pas cette contrainte !

Avec A Farewell to Dawn vous nous livrez un album à l'atmosphère et aux sonorités souvent angoissantes. Est-ce lié à la sinistrose actuelle en France ?

Je suppose, forcément. J'aime pas trop parler de sociologie ou de politique, mais dans le contexte et l'ambiance générale, je pense que les gens ont besoin de se retrouver dans des sentiments forts et plutôt sombres, certes on va avoir envie de faire la fête mais le sentiment général est fort et sombre, forcément. La musique comme l'humeur des gens reflète ça. L'histoire du groupe à cette période là a fait qu'on s'est refermé sur nous-mêmes et ça se ressent sur les morceaux.

Les nouveaux membres ont eu une part dans la création de A Farewell to Dawn ?

Alors non, l'album on l'a fait à deux avec Jérémy. En 2011 on avait intégré Manu aux claviers dans le cadre des cinés concerts et on s'appelait 7 Weeks featuring Manu de son groupe, Olen'K. Comme on s'est bien entendu, on l'a gardé avec nous, mais c'était pas prévu et il est resté avec nous jusqu'en 2015. Manu a la cinquantaine, il avait besoin de se poser, de se retrouver, de reprendre son projet. Il nous a quitté à la fin de la tournée. Le groupe c'était nous trois, du coup suite à ça, avec Jeremy, on a décidé de faire un break. On n'a pas tourné pendant 11 mois, on a pris le temps pour travailler et faire de la musique, sans pression. Par contre, ça s'est passé en huis clos, juste tous les deux en studio, on travaillait, on maquettait et ça a peut-être influencé la façon dont sonnent les morceaux. Au final un album, c'est toujours un instantané de la vie du groupe, c'est donc tombé à ce moment là et en plus avec tous les événements autour. On a composé à l'automne 2015, on a enregistré en décembre sur Paris. Forcément on a été affecté par ce qui s'était passé. Par contre les titres, comme Kamikazes, n'ont rien à voir avec ça. C'est un titre sur les kamikazes japonais écrit 6 mois auparavant, je préfère le préciser. Puis aussi, quand tu composes en automne, c'est pas la même chose que si tu composais en mai. Bends on l'a écrit en été, il est folk, blues, c'est la fête avec les pâquerettes. Là c'est plus sombre.

Du coup, le prochain album, vous avez déjà prévu de l'enregistrer au printemps, pour varier les plaisir et sonner plus joyeux ?

Non, non ! À vrai dire, on a jamais été très joyeux (rires). Après on est à fond sur ce nouvel album là, donc on n'en sait rien encore ! On est dans le recul et la compréhension de ce que l'on a fait avec A Farewell To Dawn, je commence juste à prendre conscience de ce que j'ai voulu dire dans mes paroles. Quand il s'agit de paroles imagées, il me faut toujours du temps pour ça.

Du coup c'est toi qui a enregistré toutes les parties guitares ?

Et oui ! Je l'ai souvent fait sur les albums, comme je compose principalement à la guitare, très peu à la basse. Même si pour cet album on a beaucoup plus composé à la basse que d'habitude. Donc oui j'ai fait toutes les guitares, avec Jérémy on est le duo fondateur du groupe, et comme je t'ai dit, on a ressenti le besoin de se retrouver que tous les deux sur cet album. Ça a nécessité beaucoup de boulot mais c'était chouette à faire.

J'ai l'impression que tu as essayé d'expérimenter des choses sur ton son de basse, avec pas mal d'effets ?

Oui, je voulais conserver ce coté synthétique sans avoir forcément des claviers donc sur certaines chansons oui. Après il y a un gros mur de guitares, alors souvent on n'entend pas trop la basse car ce n'est pas dépouillé autour, mais si on arrive à retrouver la basse dans le mix, oui il y a plein de textures de son différentes.

Et pour ce qui est des vrais claviers ?

On les a confiés à François Maigret, qui nous a produit sur trois albums. On lui envoyait des morceaux en lui disant "vas-y, essaie un truc !" et il nous a renvoyé des trucs tellement chanmés... Après il y a sûrement des passages sur l'album où l'auditeur pourra croire entendre des claviers alors que ce sera la basse.

Sur January par exemple ?

Perdu, c'est tout le contraire : Sur celle-là il n'y a pas de basse ! (rires)

La voix grave qui murmure sur King in the Mud, qui en a eu l'idée ?

C'est Francis Caste, notre producteur. Il a vu que j'étais joueur, que j'aimais empiler des trucs et tout, on a essayé, il m'a fait enregistrer plein de trucs. C'est une sorte de puzzle : Il rentre des voix, il en enlève, il en rajoute... Il m'a dit "prends ta grosse voix et fais moi le crooner dans le fond" et voila !

Ça rend super bien ! Il y a plein de petits trucs comme ça sur l'album, qui nécessitent plusieurs écoutes avant de les découvrir. Comment vous avez bossé ces arrangements ?

Ça, c'est vraiment le rôle du producteur, il prend les morceaux tels qu'on lui amène, on les avait déjà bien travaillés, puis après les choses se mettent en place au fur et à mesure de l'enregistrement. Il conseille énormément, il m'a fait changer des placements de voix, rajouter des voix, des harmonies et parfois des trucs complètement nouveaux comme cette voix grave. Ce sont des trucs typiquement de prod, de studio quoi, que tu ne verras pas sur scène, mais pour un album studio, c'est ce qui fait qu'on aura envie de l'écouter plusieurs fois. J'aime bien que l'album ait une vie sur disque et une vie sur scène différente. Il y a des groupes qui essaient de reproduire à l'identique en live et c'est pour ça qu'on se retrouve avec 75% des groupes équipés d'ordinateurs et de Pro-Tools sur scène, car ils veulent qu'il y ait la production de l'album. Mais ça sert à rien, les gens ne sont pas dupes, ils viennent écouter des chansons, du son, ils ne viennent pas écouter l'album. Si tu ne mets pas tout ce qu'il y a sur l'album, ce n'est pas grave. Et pourtant, dans tous les styles, des groupes ont recours à des bandes pour certaines orchestrations. Ok, tu as le show, le son, des choeurs de malade et tu vois un mec derrière avec trois Pro-Tools qui tournent. Je trouve qu'on s'y perd avec ça. C'est un peu prendre le public pour des cons. On impose des artifices en espérant que les gens ne les verront pas, certes tout le monde ne connait pas toutes les ficelles du métier mais faut arrêter ! Si tu vois un gros groupe dans une petite salle, tu fais tout de suite la différence.



Kamikazes est le 1er extrait de l'album, pour vous c'est le titre qui représente le mieux l'album ?

Non, en fait quelque part on voulait sortir en premier un morceau, comment dire, sans surprise ! Ou plutôt un morceau classique pour du 7 Weeks. Après on a sorti The Ghost Beside Me, qui est moins classique et là on vient de sortir le clip de January qui est encore moins classique ! On prend le contrepied comme ça. Pour January, ce morceau est complètement atypique mais en même temps totalement cohérent avec ce qu'on fait ! C'est exactement ce qu'on cherchait à faire et c'est ce morceau qui résume le mieux notre état d'esprit. Il y a des guitares, une batterie, un format chanson et par dessus il y a plein de sonorités synthétiques. Il y a Jérémy, en tant que batteur, qui composait peu avant et là il a pu sortir toutes ses influences comme Nine Inch Nails, avec une vraie batterie et derrière une batterie synthétique avec beaucoup de programmation et François qui nous a trouvé des sons de claviers hyper classes, années 80, qui pourraient sonner has-been mais dans le morceau ça fonctionne. Il y a des guitares très Stoner, pas de basse. Voila.

Autre aspect atypique de l'album : Vous commencez A Farewell To Dawn avec 2 titres lents, très posés, calmes.

Très lourds aussi ! En fait il n'y a pas de chanson rapide sur l'album, à part peut-être Knots. On avait envie de ça ! Le tracklisting d'un album, ça ne parle plus aux gens aujourd'hui car ils n'écoutent plus les albums dans l'ordre, ou même plus en entier. Mais ça reste important, tu ne peux pas mettre les morceaux dans n'importe quel ordre. On avait essayé de commencer avec des trucs plus pêchus mais après on s'est dit que la première chose que tu vois, la première chose que tu entends, ça t'influence ! Donc si on te met dès le début un truc qui envoie, tu auras du mal à appréhender les morceaux plus posés qui suivraient. Alors que si tu commences l'album avec des trucs lourds, menaçants, tu installes une ambiance et derrière tu peux dérouler comme tu veux. C'est pour ça qu'on a mis les deux morceaux pêchus à la fin, à part Broken Voices qui est au milieu, c'était notre façon de conclure, de montrer qu'on aime faire du riff, mais qu'on aime aussi ce qu'on met en premier : les ambiances.

Vous vous éloignez encore un peu du Stoner avec ce nouvel album.

Carrément !

Vous en aviez marre qu'on vous colle cette étiquette ?

Non, non ! Cette étiquette, on nous l'a collée au tout début du groupe. On eu le malheur de marquer dans notre bio qu'on était influencé par Queens of the Stone Age, Kyuss et Foo Fighters et c'était cuit. Il y a certains pontes du milieu Stoner, qui était un milieu beaucoup plus ouvert à l'époque, qui nous ont catalogué Stoner, très bien. Mais on ne l'est plus du tout car c'est une scène qui en dix ans seulement, alors que c'était une scène très ouverte, est devenu une scène complètement conventionnelle, conventionnée, pleine de codes, de hiérarchie... On comprend plus. Et puis les styles, ça nous fait chier. Après c'est un désavantage car il y aura plein de mecs pour te dire "ouais mais c'est pas ce que vous faites, comme style"...

En parlant de Stoner toujours, est-ce que le titre A Well Kept Secret est un clin d'oeil à Queens Of The Stone Age et sa chanson The Lost Art Of Keeping a Secret ?

Alors pas du tout au départ, mais je me suis vite rendu compte qu'à cause du mot "secret" et de la voix de tête que je fais sur les couplets, alors que le morceau ressemble plus à du Heavy, les gens ont tout de suite fait l'association. Tant mieux je vais dire, je préfère être comparé à eux qu'à un groupe tout pourri. Ça reste une grosse influence pour nous, dont on s'est détaché. Ce morceau est clairement un morceau conventionnel de 7 Weeks, c'est un morceau comme on aurait pu faire sur d'autres albums quoi, on aime ça aussi, mais on n'en a pas fait une majorité, on en a fait un.

A Farewell to Dawn est assez long à apprivoiser. Est-ce la raison pour laquelle vous avez fait un album aussi court ?

Il y a deux raisons. En ne composant qu'à deux, ça prend plus de temps. On avait ces morceaux là dont on était très content, on avait d'autres pistes qu'on était pas sûr de vouloir mettre sur l'album et surtout cet ensemble nous paraissait cohérent, mais avec une telle diversité que cette cohérence était fragile. Si on avait rajouté ces autres morceaux, ça aurait cassé cet équilibre. Donc on a  abandonné ces autres idées en cours de route. L'album fait 34 minutes, ça reste dans notre moyenne, nos albums ne sont jamais très longs. Maintenant c'est devenu courant de voir des groupes sortir des albums avec 15 ou 16 titres. Dans le temps c'était commun de voir des albums avec 8 chansons dessus, et pas des titres de 10 minutes quand c'était l'époque des vinyles. Heureusement qu'on ne juge pas un album à la quantité de musique. Si certains trouvent l'album trop court, qu'ils l'écoutent deux fois, ou qu'ils écoutent nos autres disques (rires).
 
Je suis un grand fan de Mike Muir ! Je sais que vous avez tourné avec Suicidal Tendencies, tu dois bien avoir une ou deux anecdotes à raconter ?

Oui j'en ai une, enfin pas vraiment anecdote. Mike, c'est quelqu'un que tu vois très peu sur les concerts, il est pas là pour bouffer, il est pas là pour les balances, c'est un mec qui se préserve je pense, c'est aussi quelqu'un de très impressionnant, qui dégage quelque chose de très fort et en même temps c'est quelqu'un de très humain, très accessible, pour une personne de sa notoriété. Je les avais vu en concert à Limoges au début des années 1990, pour la tournée Lights, Camera, Revolution..., c'était monstrueux. En 2013, on a joué avec eux au même endroit, on avait déjà joué plusieurs dates avec eux, mais j'avais jamais osé apporter mes vinyles à dédicacer, je me disais que j'allais avoir l'air d'un con mais à Limoges je les ai amenés. Je suis allé le voir, en lui disant que je l'avais vu en concert ici même il y a 20 ans. Leur concert ce soir là a également été énorme. Mike m'a signé mes disques en me disant "j'espère que tu les as volés". Pas plus, mais c'était un moment super sincère, le mec prend le temps d'échanger des regards, deux trois mots, une vanne au passage. Il dégage vraiment de la sincérité et je me sentais vachement bien après ça (rires). Et après tu le vois, il repart en sautillant vers le camion du groupe, c'est un vrai clown ce mec. On l'imagine comme une grosse baraque peut-être un peu austère ou antipathique, mais c'est tout le contraire. Il est très humain et rigolo.


Le rêve pour la suite ?

J'adorerai pouvoir jouer avec les Queens Of The Stone Age, pour voir de l'intérieur comment c'est. Qui sont ces mecs, comment ils fonctionnent, voir le concert backstage, voir ce que ça dégage, le son qu'ils ont, le plateau... Je les ai vus à l'Olympia pour le concert où ils ont joué leur premier album en entier. C'était super, mais backstage ça doit être carrément autre chose ! C'est un des rares groupes aujourd'hui à pouvoir prétendre au statut de groupe culte, ils y travaillent d'ailleurs, ce sont des Américains, ils savent y faire. C'est plus discret qu'un Nirvana ou Metallica, mais c'est un vrai changement qui s'est passé avec eux !

Et en 2017, qu'est ce qui attend 7 Weeks ?

Alors pour l'instant les dates annoncées, ce sont des concerts promo pour la sortie de l'album. Là on est en train de mettre en place une tournée pour février/mars. Ça sera mis en ligne bientôt !

Grum (Novembre 2016)


Merci à Roger et Replica Promotion pour nous avoir organisé cette interview.

Crédit photo live : Chazo (site & facebook).

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